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Placé sous le signe du chaos, le roman d'Amanda Boyden restitue l'âme et l'atmosphère de la Nouvelle Orléans. À la manière d'un photographe, la romancière fixe son regard sur la rue d'un quartier populaire de la ville, Orchid Street, dont elle observe la vie pendant une année. À travers les voix de plusieurs habitants, c'est un paysage social et intime, mais aussi une Amérique fissurée par les différences de race et de classe qu'elle saisit. Cette étonnante capacité à s'emparer du réel tout en tissant une trame romanesque complexe est l'une des forces de ce magnifique roman dont la véritable héroïne demeure La Nouvelle-Orléans, à la fois superbe et décadente, débordante d'énergie et de sensualité.
En attendant Babylone, long roman signé Amanda Boyden, a été motivé par le terrible passage de l’ouragan Katrina qui, en 2005, a tout dévasté à La Nouvelle-Orléans.
Si la capitale de la Louisiane est le personnage essentiel du livre, c’est dans Orchid Street, à Uptown, que vivent les principaux protagonistes de cette histoire foisonnante et pleine de rebondissements.
Amanda Boyden débute très fort dans un prologue qui donne le ton et l’ambiance. Commence ensuite la présentation des personnages qui vont animer le récit car je vais les suivre, les abandonner, les retrouver. Ils vont me faire sourire, grimacer, saliver et vont surtout m’inquiéter, allant jusqu’à me bouleverser.
La famille Harris est la plus désolante malgré la bonne volonté des parents car les deux garçons ont plongé dans le trafic de drogue. Ils se font appeler Muzzle (Michael) et Fearius (Daniel). Ce dernier a à peine 15 ans. Comme son grand frère, il a été recruté par un certain Alphonse, un petit caïd du coin. Leur sœur, Klameisha, pourtant brillante élève, a déjà deux gosses et ne peut pas poursuivre ses études.
Ariel May et Ed ont aussi deux enfants. Ariel dirige l’hôtel La Belle Nouvelle alors que Ed qui se dit bouddhiste, reste au foyer. Ils sont venus depuis le Minnesota pour s’installer à La Nouvelle-Orléans.
Indira Gupta, avec son troisième œil sur le front, enseigne à l’université. Ganesh, son mari, est chercheur en écologie. Ils sont d’origine asiatique. Une certaine Philomenia Beauregard, Prancie (57 ans), surveille particulièrement Ed qu’elle a catalogué comme ivrogne. Joe, son mari, souffre d’un cancer. Enfin, Cerise Brown (76 ans) et Roy, son mari, ont une fille, Marie, un gendre, Thomas et surtout Tit Thomas, leur petit-fils.
Ce soir, Roy a installé le gros fût de pétrole transformé en barbecue sur le trottoir et s’apprête à partager ses grillades avec ceux qui passent. La convivialité règne à Orchid Street. Hélas, Michael Harris se défoule sur sa mini-moto et c’est la catastrophe. Amanda Boyden conte cela remarquablement.
Ainsi, je vais suivre les habitants de ce quartier, découvrir leur vie et leurs différents points de vue. Le travail d’Ariel dans l’hôtel qu’elle dirige, comme pour les autres habitants d’Orchid Street, va être fortement impacté par la menace d’un cyclone nommé Ivan. Certains, suivant les conseils de prudence, vont fuir, d’autres vont rester en espérant ne pas subir trop de dégâts.
L’hôtel La Bonne Nouvelle paraît un refuge assez sûr. Il fait donc le plein et Ariel doit gérer une cinquantaine d’employés tout en tentant de satisfaire ses nombreux clients. Seulement, un certain Javier la trouble et l’autrice réussit certaines scènes érotiques contrastant avec le langage cru des bas-fonds adopté par Fearius et Muzzle.
Quant aux énormes bouchons causés par l’évacuation en masse de la ville, ils donnent à Amanda Boyden l’occasion d’offrir un véritable tableau de la société avec tous les comportements imaginables.
Les expressions locales foisonnent comme niggas, bounty, bernacle et le Tokyo Rose, le bar d’Orchid Street joue un rôle important. Prancie fait apprécier ses talents de cuisinière mais n’oublie pas de faire le guet.
Après Noël et le gâteau des Rois, le Carnaval est un passage important du roman. La foule s’amasse sur les trottoirs des rues principales de la ville. Les mieux organisés ont des escabeaux pour bien voir. On fait même griller des saucisses et on attend Babylone puis Chaos qui font l’essentiel du spectacle. Tout est bien écrit, sûrement bien traduit, et Amanda Boyden mène cela de façon magistrale.
Plus j’avance, plus il est difficile de lâcher le livre. D’ailleurs, c’est lorsque j’ai pu enchaîner ma plus longue lecture que j’ai le plus apprécié En attendant Babylone. La tension montait inexorablement. Le suspense devenait terrible, agrémenté de folie, ce qui m’a scotché jusqu’à la dernière ligne de l’épilogue.
En attendant Babylone, ce premier roman d’Amanda Boyden, est une entreprise courageuse, très bien maîtrisée au travers du parcours de cinq familles très différentes qui m’ont permis d’appréhender l’atmosphère de La Nouvelle-Orléans et du quotidien des habitants d’un quartier excentré. Ce fut une lecture instructive, voire addictive, permise une fois de plus suite à un désherbage de ma médiathèque…
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/04/amanda-boyden-en-attendant-babylone.html?utm_source=_ob_email&utm_medium=_ob_notification&utm_campaign=_ob_pushmail
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