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Marco, Gina, Ernesto. Trois générations, une terre promise, quarante ans d'écart. 1950 : Rescapé de guerre, Marco fuit son Italie natale pour le Brésil, suivant les pas de milliers d'émigrés en quête de richesse et de réussite. 1970 : Gina, étudiante maoïste engagée, décide de s'expatrier à son tour et rejoindre ce père qu'elle n'a pas connu, dans un pays où s'affrontent junte militaire et artistes dissidents. 1990 : Ernesto, petit-fils de Marco, va tenter de cerner ce qui le fait vibrer depuis les ghettos de Sao Paulo jusqu'aux forêts impénétrables de l'Amazonie. Le point commun entre ces trois générations ? L'insatisfaction permanente, une foule de désirs à assouvir, mais aussi la force qui les pousse à rechercher toujours mieux et la curiosité du voyage qui les mènera vers leur destinée... « Nous cherchons (tous) à toucher du doigt cette contrée mythique, ce mirage, ce fantasme que nourrit chacun d'entre nous : cet Eldorado. »
C'est le résumé qui m'a tout de suite attirée. Je suis friande de ces histoires où l'on croise plusieurs personnages sur plusieurs générations, avec toute la charge familiale, héréditaire et émotionnelle que cela peut amener. Et puis le titre, "Eldorado", est prometteur. On a tous en soi un Eldorado, cet endroit mythique qui remonte au temps des Conquistadors espagnols, un endroit chimérique où tout est beau. Ça peut être un lieu qui existe, comme un endroit plus imagé comme la cellule familiale. Tout le monde a cet endroit caché au fond de soi qui nous tient debout lorsque rien ne va. Cela m'a donné encore plus envie de me plonger dans ce roman.
Cette histoire, c'est tout d'abord une histoire de famille et de transmission. Le livre est divisé en trois parties, chacune va donner la parole à un personnage que l'on va suivre à son époque. On rencontre déjà Marco, on est à la fin de la seconde guerre mondiale, Marco revient chez lui, dans l'arrière pays de Campanie, en Italie. Un retour de guerre compliqué, ses amis ne sont pas revenus, il a perdu beaucoup de personnes. On va ainsi suivre sa reconstruction, il parle peu et vit avec sa mère. Il va se laisser séduire par Rita. Tout semblait ainsi tracé pour lui lorsqu'il reçoit une lettre qui va tout lui remettre en question et le faire partir au Brésil. Il va découvrir un nouveau pays, la pauvreté, la vie des gens de là-bas et s'y installer.
Vingt ans plus tard, dans la seconde partie, Gina, la fille de Marco, se trouve elle aussi en Italie avec sa mère. C'est une révoltée, elle est étudiante et très engagée, elle ne s'entend pas avec cette mère trop conventionnelle. Mais sa quête d'idéal lui fait faire des choses graves et elle va devoir fui. Elle décide alors de rejoindre ce père qu'elle ne connait pas au Brésil. Tout comme son père vingt ans plus tôt, elle va découvrir une autre façon de vivre, et ça pouvoir se reconstruire.
Et de nouveau vingt ans plus tard, nous sommes toujours au Brésil, mais cette fois-ci avec Ernesto, le fils de Gina. Il vit avec sa mère et son jumeau Simon. Ernesto se cherche, ne sait pas quoi faire de sa vie, est à des moments, complètement apathique. Sa mère va alors lui faire vivre une expérience qui le transformera. Cette dernière partie ferme aussi la boucle ouverte par Marco.
J'ai suivi ces trois personnages avec beaucoup d'intérêt. Trois membres d'une même famille à des générations différentes, vivant dans des contextes différents mais avec une même soif de découverte et une même envie d'aventure. Ils ont tous les trois leur Eldorado, ils le cherchent, vont le trouver, ce ne sera pas le même pour les trois, mais ils ont beaucoup de point commun. J'aime la façon qu'a eu l'autrice de.montrer l'impact de la transmission entre les générations. Une transmission inconsciente de nos bonheurs et malheurs et de notre propre quête d'idéal. Nos descendants portent en eux ce que nous cherchons, ce que nous voulons être, comme un patrimoine que l'on lègue. Et comme dans cette famille de Marco, les traumatismes se transmettent également. Cela m'a beaucoup fait penser à mes séances chez mon psychologue qui avait fait mon anamnèse, un arbre généalogique avec les personnes importantes de mes ascendants et leurs drames, et c'était assez fou de se rendre compte alors là transmission faite d'un drame sur toute ma branche maternelle. Je n'y avais jamais fait attention, mais l'histoire se répète à chaque fois. Et c'est très troublant, car j'ai voulu éviter pour ne pas reproduire et je n'y suis pas arrivé...
Pour revenir au livre, j'ai beaucoup aimé cette réflexion qu'amène l'autrice au travers de l'histoire de ses personnages.
Je me suis très vite attachée à chacun des personnages. J'ai aimé les retrouver chacun dans les parties des autres. Ils m'ont tous trois très émus. Marco est un homme juste et honnête, Gina une femme avec des convictions, chacun d'eux payent pour des drames. Ernesto est peut-être celui qui m'a un peu plus énervée au début, du fait de son immobilisme et son apathie. Mais c'est la mère d'adolescents qui réagit alors. Comme pour mes enfants, j'avais envie de dire à Ernesto de se bouger, de profiter de sa jeunesse, et j'ai trouvé très chouette l'idée de sa mère.
Les personnages sont criants de réalisme. L'autrice a dû faire un travail énorme en amont pour retranscrire aussi bien les lieux, l'ambiance et les faits historiques. J'ai lu dans une de ses interviews qu'elle s'était inspirée d'une personne ayant réellement existé, Odile d'Amato, qui a vécu elle aussi entre l'Italie et le Brésil. Fanny Laurent est en plus une grande voyageuse, en France, au Canada et en Australie. Elle a retrouvé en Odile d'Amato une part de ses amours de voyage. Elle a très bien réussi à retranscrire tout cela dans ses personnages.
On fait également, tout comme les personnages, de très beaux voyages. L'autrice dépeint très bien les lieux, entre l'Italie, le Brésil, l'Amazonie en passant même par Grenoble en France. Les ambiances sont bien retranscrites, les conditions de vie, les enjeux géopolitiques, c'est très enrichissant. Avec ce roman, on fait un très beau voyage extérieur avec tous ces lieux visités mais aussi intérieur avec tout le cheminement des trois personnages tout le long du roman. Un voyage intérieur qui m'a poussée moi aussi dans mon propre cheminement, à me demander si j'avais atteint mon Eldorado ou si j'avais besoin d'un nouveau but. Car une fois atteint, n'a-t-on pas envie d'en voir un autre.
Je me suis régalée avec ce livre qui s'est lu très bien avec beaucoup de fluidité. Le style de Fanny Laurent est très bon, elle sait donner une ambiance, elle sait rendre la lecture très intéressante, pleine de densité dans les actions et dans les personnages. J'ai apprécié que le choix narratif soit à la troisième personne, cela m'a permis de garder une certaine distance avec les protagonistes et avec ce qui leur arrivait. C'est un premier roman pour Fanny Laurent et c'est une réussite pour moi. Je vais la suivre de près car j'aimerais beaucoup la lire à nouveau.
Je ne peux que vous recommander la lecture de ce livre, préparez vous à un beau voyage extérieur et intérieur, de belles réflexions sur la vie, sur la transmission générationnelle. Un roman complet, beau, émouvant, je vais garder longtemps Marco, Gina et Ernesto dans mon esprit et mon coeur, j'ai été triste de les quitter et en même temps très contente de les avoir rencontrés.
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