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«C'est ce soir-là, après avoir copieusement arrosé l'arrivée du nouveau venu, que nous avons décidé dans l'euphorie et à l'unanimité de le baptiser Zingaro. Il endosserait le nom de notre théâtre équestre et musical, premier nommé il donnerait à la troupe sa descendance. Plus tard, tandis que la fête se répandait dans la nuit et que s'épanchaient les coeurs imbibés, je me suis surpris, comme souvent, à ne plus trouver ma place. J'éprouve dans ces moments le besoin de me retirer ; de m'évaporer sans au revoir ni salut. Je suis allé le rejoindre dans son box, je n'ai pas allumé, je me suis glissé dans son antre comme on se glisse sous les draps de l'amante endormie. Il était couché sur le flanc gauche, je me suis assis près de lui, il a tourné la tête vers moi sans se relever, un peu étonné de me voir, comme sorti d'un songe. Cette nuit-là, nous avons fait un pacte : j'allais contaminer son animalité et il allait me permettre d'exister parmi les hommes. Aux humains de mon espèce, nous allions nous révéler. Pour la vie.»
Sensuel, élégant et magnifique
Le grand public connaît Bartabas, écuyer virtuose, metteur en scène d’une nouvelle forme de spectacle, le théâtre équestre. Cela en faisait déjà un créateur exceptionnel. On le découvre maintenant écrivain, philosophe, humaniste et son talent n’y est pas moins grand.
Dans « D’un cheval l’autre », on découvre les origines et le vécu de plusieurs des acteurs équins que l’on a pu voir dans les spectacles : l’inoubliable Zingaro bien sûr mais aussi Dolaci, Quixote, Micha Figa, Félix, L’Araignée, Le Caravage, Ryton Regent, le quatuor Nord, Sud, Est, Ouest … On parcourt les émotions de leur partenaire humain et ce qu’il devine des leurs.
Souple et élégant, le style manifeste la même originalité que les spectacles et l’on relit parfois plusieurs fois les phrases pour le seul plaisir de leur musique.
Ce livre est merveilleux et je n’ai pour ma part regretté qu’une chose : qu’il ne soit pas plus long, qu’il n’évoque pas d’autres chevaux de la longue liste finale et pas plus longuement ceux qui sont présentés.
Un grand bravo, Monsieur Bartabas.
J'étais très contente lorsque Babelio m'a envoyé un mail me disant que j'avais été retenue à la masse critique organisée en janvier et surtout quand j'ai appris que j'allais recevoir ce roman de Bartabas. Je connais le nom de cet homme grâce à l'une de mes filles, elle est passionnée de cheval, pas dans sa forme concours ou course, mais dans sa forme relationnelle. À travers elle, j'ai regardé certains de ses spectacles en vidéo, et j'ai été fascinée par sa perception du cheval et par la relation qu'il entretenait avec lui. J'étais donc enchantée de pouvoir lire ce livre et pénétrer un peu plus dans l'univers de Bartabas.
Ce n'est pas un roman à proprement parler. C'est plutôt une succession de scénettes racontant le vécu de Bartabas. On commence bien entendu par le début de son aventure avec les chevaux. Il raconte comment il les a trouvés, leur première rencontre, qui est de l'ordre du coup de foudre à chaque fois. Il arrive à ressentir tout de suite la personnalité du cheval, à voir ce qu'il va pouvoir faire ou pas. Il nous parle ensuite du travail qu'il fait avec l'animal. Il respecte énormément ce que le cheval veut lui donner ou pas, il ne le force jamais. Certains auront besoin de liberté, d'autres d'être tenus en selle ou au licol. Bartabas suit la nature de son cheval. Ce sont bien souvent des chevaux qui ont eu une vie difficile avant, qu'il a récupérés de justesse, certains devaient être menés à l'abattoir, d'autres ont vécu des moments de transport longs et éprouvants. À chaque fois, Bartabas va faire selon la nature de son compagnon, jamais il ne le forcera, et c'est ce que j'aime avant tout dans le monde équestre. Bartabas sait écouter et comprendre son cheval, il le touche, le caresse, le respire, il vit avec lui, dort parfois avec lui, il crée ainsi un lien très fort avec lui, au-delà du rapport cheval-homme.
Il nous parle dans ce livre des différents chevaux qu'il a eus. Le plus célèbre étant Zingaro, sa troupe de théâtre équestre ayant d'ailleurs son nom. Il nous raconte sa première rencontre avec ce beau cheval noir, comment ils se sont apprivoisés l'un l'autre. Zingaro aimait la liberté. Bartabas l'a très bien ressenti. Il l'a laissé évoluer seul sur la piste, et ont fait un numéro tous les deux très original où Zingaro court après Bartabas en essayant de le mordre et Bartabas court partout, pour finir tous les deux, Zingaro assis avec Bartabas assis dans ses pattes. Un magnifique numéro où on voit toute la connivence qu'il y a entre les deux êtres. Il nous parle aussi de Quixote, Lautrec, Horizonte, de quatre petits poulains qu'il a récupérés, pour d'autres, on l'appelait, on lui disait de venir, qu'il y avait un arrivage et que certains allaient partir à l'abattoir, et voilà comment il récupérait une dizaine de chevaux.. Qu'ils faisaient travailler ou pas. Certains feront partie des spectacles, d'autres non. Il fait vraiment selon le caractère de ses chevaux.
J'ai été très émue tout le long du livre, plus fortement à des moments difficiles qui ont remué des souvenirs douloureux chez moi. Car en trente-cinq ans de carrière, on peut aisément s'imaginer qu'il a rencontré énormément de chevaux et que malheureusement il en a perdus aussi. Il rend un très bel hommage à Zingaro, j'avoue avoir versé des larmes à un chapitre relatant son décès, j'ai perdu également mon gros cheval de trait dans des circonstances dramatiques, et la façon dont Bartabas parle de la mort de Zingaro a remué en moi plein de souvenirs.
Bartabas s'exprime avec beaucoup de poésie dans ses mots. Il décrit ses chevaux avec beaucoup d'amour, on le ressent à chacune de ses phrases. Ce qu'il dit peut être à la fois drôle, émouvant, triste, mais toujours ça reste beau. Les chapitres sont courts, et très intenses. Ils alternent entre les différents chevaux qui ont peuplé la vie de l'auteur. Chaque début de chapitre commence par une phrase qui met tout de suite l'accent sur une émotion ou un fait. Des phrases qui touchent, qui percutent, pour lesquelles il est impossible de ne rien ressentir, comme par exemple : « À cheval, je n'ai pas besoin de mots. C'est une étreinte charnelle qui alimente mes rêves. » ou encore : « Je dépends de lui et il m'accepte comme je suis ». Il y a 52 chapitres, et donc 52 phrases qui à elles toutes seules ont beaucoup de force. Certaines m'ont beaucoup touchée, car elles représentent ce que j'ai déjà pu ressentir ou vivre en la présence de ce bel animal.
Comment vous dire à quel point j'ai aimé ce livre, il restera gravé en moi longtemps. Bartabas rend hommage à tous ses compagnons en donnant la liste de leurs noms à la fin de l'ouvrage. Plus de 140 noms, et chacun d'eux a eu une importance dans la vie de l'auteur, et c'est quelque chose pour moi d'exceptionnel et d'intense. J'ai lu ce livre avec beaucoup de plaisir, j'avais envie à la fois de ralentir ma lecture pour rester le plus longtemps dans l'univers de Bartabas et d'avancer plus vite pour connaître tout. Le livre peut s'ouvrir au hasard et lire un chapitre, on en comprend le sens et surtout on en ressent toute l'intensité. Bartabas est un auteur sensible et très poétique. Il raconte également ses spectacles et certaines scènes avec l'un de ses compagnons. Je me suis amusée à les chercher sur Youtube, et j'ai regardé celles que j'ai trouvées, elles sont exactement comme les dépeint l'auteur. J'ai ainsi réussi à m'imprégner encore plus de la magie de cet homme et de son cheval.
Ce livre est un gros coup de cœur pour tout ce qu'il peut véhiculer, pour toute la beauté de la relation entre Bartabas et ses différents chevaux. C'est un homme que j'aurais aimé rencontrer, pour discuter de ce lien indéfinissable, ce sont des spectacles que j'aurais aimé voir en vrai pour ressentir toute la magie de l'instant. En faisant des recherches sur Bartabas sur internet, j'ai vu qu'il y avait un roman qui lui est consacré, écrit par Jérôme Garcin, et j'ai très envie de le découvrir pour en apprendre encore plus sur l'homme. J'ai déjà beaucoup appris sur lui ici, car il est dans une telle osmose avec ses chevaux, qu'une part de lui vit à travers eux. J'aimerais beaucoup continuer à vivre cette magie à travers d'autres écrits.
Je ne peux que vous recommander ce livre, si vous aimez les moments forts, si vous avez envie de rencontrer un homme hors du commun, il va vous prendre par la main et va vous montrer son univers, il va vous apprendre à comprendre ses compagnons, il va vous faire caresser leur tête, enfouir vos mains dans leur crinière, ressentir la douceur de leurs naseaux. C'est beau, c'est émouvant, c'est à lire tout simplement.
Bartabas ne lira jamais cette chronique, mais à travers elle, je voulais lui rendre hommage, et lui envoyer toute mon admiration. Merci, un énorme merci, pour tout cet amour que vous avez partagé à travers vos mots, merci également pour tous ces chevaux que vous avez sauvés, vous êtes réellement, comme vous dites, l'abbé Pierre des chevaux. Merci pour tout ça, je m'incline devant vous, avec tout mon respect.
Je vais terminer avec une dernière phrase de Bartabas :
« Maintenant, simplement, je voudrais montrer un homme et un cheval qui, en silence, se cherchent, s'écoutent, s'apprennent. »
Il y a quelques semaines, j’avais découvert « l’homme cheval » dans le roman de Jérôme Garcin « Bartabas » qui brossait le portrait d’un homme aux multiples talents. J’avais déjà mesuré la force des liens qui unissaient Bartabas et ses chevaux. Il disait, s’agissant d’un nouveau venu, Zingaro, du nom de son théâtre équestre, « J’allais contaminer son animalité et il allait me permettre d’exister parmi les hommes… ».
Sous sa propre plume, l’écuyer, chorégraphe, metteur en scène, réalisateur Bartabas présente les chevaux qui ont été acteurs, comédiens au sein du théâtre équestre Zingaro et de ses différents spectacles, les uns après les autres, singuliers, différents mais tous de fidèles compagnons de route et compagnons d’art d’une troupe et véritables compagnons de vie d’un homme. Ils s’appelaient Quixote, Horizonte, Caravage…
Pas de casting pour recruter les artistes, un regard, un comportement, un physique d’ex vedette reléguée des champs de courses, ou bien, quatre poulains criollos trop jeunes pour le dressage certes, mais qui occuperont la scène selon leur propre chorégraphie improvisée, comme un signe de reconnaissance à celui qui les a sans doute sauvé d’un destin improbable.
On imagine cet homme, aux apparences plutôt rustres et au regard sombre, taiseux, solitaire, qui tombe le voile de la sensibilité face à Zingaro silencieusement euphorique, « tel un danseur improvisant devant son chorégraphe, il vient de m’offrir le canevas de ce qui sera son solo ».
On imagine aussi une scène où l’homme ne tient pas toute la place, une scène offerte aux chevaux nommés de noms d’artistes évoluant sur l’andante du Concert en si mineur de Bach qui s’échappe du piano d’Alexandre Tharaud. Comme les petits rats de l’Opéra accompagnent les étoiles, d’autres espèces animales, oiseaux ou autres volatiles, subliment les ballets de l’Opéra équestre.
A travers un grand hommage à ses chevaux , Bartabas signe également le portrait d’un homme qui, se confesse-t-il, dès potron-minet, en attendant le soleil, écoutait ses chevaux et qui appréhende maintenant d’avoir à parler aux hommes.
Subjuguée par les mots, émue par la force des sentiments, la sincérité qui se dégage de ce récit, portée par la poésie, je peux dire que ce livre m’a réellement touchée. Chapeau bas M. Bartabas!
Un grand merci à Babelio et à l’équipe de « masse critique », ainsi qu’aux Editions Gallimard.
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