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Naître soeur n'est pas inoffensif. Ainsi pour Vanessa Bell, peintre méconnue à l'aune de "la postérité de noyée" de sa cadette, Virginia Woolf. Ou pour Laura, romancière et aînée, qui veille sur les secrets, soustrait le poison des chagrins. Autant d'amours ennemies, de joies fébriles, de jalousies tristes, qui font les liens ambigus entre soeurs. Portrait en diptyque à la grâce époustouflante, ce récit subjectif de la vie de Vanessa Bell, exprime l'inquiétude d'exister et ce qui, parfois, permet de la conjurer : l'amour d'une soeur.
C'est l'histoire de deux sœurs. Vanessa et Virginia. Un double V face au monde.
C'est l'histoire de deux voix, celle de Vanessa et celle de la narratrice/autrice qui chacune raconte ce double V.
Ce roman se fait donc le récit de l'existence de Vanessa Bell et de Virginia Woolf, les deux sœurs Stephen. Et le récit également de ce rapport si fort qui les a liées jusqu'à la noyade de Virginia dans l'Ouse.
Deux sœurs liées par l'enfance et les vacances idylliques dans les Cornouailles.
Deux sœurs contre les ogres de leur famille.
Deux sœurs qui découvrent leur liberté en même temps, dans la maison partagée de Bloomsburry.
Deux sœurs artistes à la fois dans l'ombre et éclatantes.
Deux sœurs qui se font rivales mais se rejoignent à chaque fois.
« Virginia et Vanessa ; Vanessa et Virginia.
Deux V jumeaux, deux pointes de flèches rivales qui sifflent vers le large »
Loin de reprendre un schéma narratif ou un style classiques, Double V s'ouvre sur un poème à la langue brute. Fragment de souffrance de Vanessa après l'annonce de la disparition de Virginia.
J'ai eu comme le souffle coupé par ces mots déversés. Courant de phrases si forts et si impactants. Et je crois qu'après, j'ai pris un peu de temps à m'habituer au rythme du langage, à ces images travaillées qui parfois, laissaient échapper une parole d'un registre différent. Sorte de décroché qui dénote et se remarque.
Une fois entrée pleinement dans cette intrigue, je me suis laissée porter par l'enchaînement des séquences qui mettent en relief quelques instants particuliers de la vie de Vanessa et Virginia.
Bref, vous l'aurez compris : si vous cherchez un roman biographique plus traditionnel, Double V ne sera pas pour vous. Si, au contraire, vous êtes en quête d'une œuvre au souffle à part, laissez-vous tenter par ce titre et par ce voyage.
Le seul bémol pour moi a tenu à ces parties où la narratrice/autrice évoque sa propre sœur et instille quelques mots sur elles deux. J'ai eu du mal à comprendre l'effet miroir et à saisir ce que cette strate contemporaine apportait au cœur battant de l'ouvrage. Ce Double V à la relation si intense et complexe.
Le sujet était tentant : la jeunesse de soeurs dont l’une deviendra Virginia WOOLF, et l’autre peintre Vanessa BELL.
J’ai eu du mal dès les premières pages à cause du style ampoulé à souhait, et l’irruption de mot du langage commun au milieu de certaines phrases qui fait tâche.
Force m’est de constaté que ce roman ne dit rien, il est juste verbeux car je m’y suis perdue dès le départ : qui sont les demi frères et soeurs, parfois l’autrice parle d’elle-même en plein milieu….
J’ai trouvé ce roman brouillon et quelque peu auto-centré. Je l’ai donc abandonné.
C’est par le truchement d’une photo que Laura Ulonati fait la connaissance des deux sœurs Stephen. On les voit jouer au cricket « simplement deux filles d’il y a presque cent trente ans. L’une en avait alors douze, l’autre quinze. » L’aînée restera dans l’ombre de l’autre qui deviendra célèbre sous le nom de Virginia Woolf. Pourtant, Vanessa Bell avait tout pour devenir une peintre célèbre mais sa renommée sera de courte durée avant de sombrer dans l’oubli. Sa destinée artistique suit celle de sa vie qui se dilue, se perd au contact de Virginia, cette sœur trop présente et d’une grande possessivité.
Avec une enfance piétinée par les abus sexuels subis par leurs demi-frères, elles resteront toujours très proches, même si la rancœur, la jalousie parsèmeront leur relation. Dans une époque corsetée par les mœurs austères marquées par l’hypocrisie de la bourgeoisie Victorienne, les deux sœurs sauront s’inventer une vie indépendante et, au-delà de leurs mariages respectifs, vivront une sexualité très libre.
Virginia la passionnée, l’insolente, se jettera à corps perdu dans l’écriture, des tragédies qui seront l’autre face de sa folie, ses dépressions et ses insatisfactions. Possessive et excessive en tout, ses relations avec sa sœur seront assombries par la rivalité et la jalousie.
L’autrice a fait le choix de donner la parole à Vanessa, l’absente, la discrète qui tente de s’affranchir de l’amour possessif et destructeur de Virginia en se réalisant dans la peinture et la maternité. C’est un travail d’équilibriste que Laura Ulonati maitrise parfaitement en racontant le destin des deux sœurs empêtrées dans leurs sentiments contradictoires et c’est à travers les pensées intimes et l’œuvre picturale de Vanessa que l’on découvre Virginia.
« Je voulais que ma victoire sur elle soit totale. Ma sœur adorée. Je ne l’aimais plus car, en elle, je m’étais trop reconnue. Je lui opposais la défense absolue de mon regard, moi qui étais assez téméraire pour ne pas voir la force de mon orgueil, de sa possession maligne. »
Roman magistral, envoûtant, mêlant biographie et romanesque avec aisance. L’écriture troublante et sensuelle de Laura Ulonati vogue entre passé et présent pour nous révéler une biographie romanesque exaltée et tumultueuse qui nous bouscule et nous bouleverse.
“Virginia et Vanessa ; Vanessa et Virginia. Deux V jumeaux, deux pointes de flèches rivales qui sifflent vers le large.” Deux sœurs, femmes, libres et artistes en devenir. L’une par les mots, l’autre par les dessins. La cadette devenue la célèbre Virginia Woolf, l’aînée restée la simple Vanessa Bell.
Un duo qui ne cesse de nous échapper, de nous glisser entre les doigts, en grande partie du fait de l’écriture vaporeuse de Laura Ulonati. La narratrice utilise le “je” tantôt pour elle-même, tantôt pour s’exprimer à la place de Vanessa. Un jeu des “je” qui floute les contours et qui entrelace les personnages comme un W.
De l’enfance à la mort, Vanessa aime sa sœur d’un amour imparfait où domine une jalousie indéboulonnable. “Moi son pâle brouillon, elle ma flamboyante copie.” Aux gamineries de l’enfance succèdent les rivalités de femmes. Les deux sœurs ont pourtant tant en commun. Le pire et le meilleur : l’amour de l’art, “seule certitude de ne jamais disparaître”, mais aussi une envie d’ailleurs, loin des injonctions maternelles - “tenez-vous droites !” - et loin des frères incestueux.
Pourquoi Laura Ulonati a-t-elle l’audace de se glisser entre les deux sœurs ? Pourquoi cette revendication ? "Moi aussi, je suis partie de la maison très tard." Au nom de la sororité, “cette amitié au-delà de l’accident des liens du sang” ? Peut-être aussi de cette culpabilité d’aînée qui avait quelque chose à sauver ?
Dans ce roman, on chemine auprès de Virginia et Vanessa, à peine guidés par Laura qui brouille les pistes en intercalant écriture surannée et style moderne. Elle nous berce de grande littérature quelque peu ancienne, dans des phrases comme “elle s’arrête pour pencher sur nous le reste de sa beauté et déposer à nos fronts le don frais d’un baiser”, au beau milieu desquelles déboulent des expressions comme "se marrer" ou "avec ses questions à la con."
Mais en étant suffisamment patient, en tournant les pages où “elle” devient “je”, on finit par les comprendre et par les apercevoir, ces deux sœurs. Droites comme des I.
"Je ne vois plus qu'une nécessité, raconter Vanessa et Virginia."
Vanessa. Virginia. Le double V de ce titre.
L'une peint, l'autre écrit. L'une connaitra d'abord le succès puis sa sœur, plus tard, l'éclipsera.
Ce roman, car c'est un roman et non une biographie, est centrée sur Vanessa, la peintre, la sœur ainée, sur sa difficulté à se faire et à conserver une place auprès de Virginia Woolf qui va connaitre un succès grandissant.
C'est cette ambivalence amour/haine qui est au cœur du roman, cette rivalité féminine qui débute dans l'enfance, quand deux sœurs se disputent l'attention d'un père.
Laura Ulonati met en perspective sa propre histoire et ce bruit de fond fait résonner l'histoire de Vanessa et Virginia. On passe de Vanessa à Laura sans que l'intensité ne se perde. Les portraits de femmes, de sœurs, se confondent puis se définissent à nouveau.
Pour avoir moi aussi des sœurs, et des filles, je me suis souvent retrouvée dans ces sentiments ambigus, dans ce duel quasi-inévitable, ce besoin de se définir par rapport à l'autre.
La langue est riche, le texte est intense, et ce roman m'a beaucoup émue.
C'était ma première lecture de l'année, j'espère qu'elle augure bien des suivantes.
"Ma sœur, mon soleil noir. L'autre côté de la pièce, le prix à payer. Sorcière pâle aux cheveux d'algues qui caresse ma joue ; un geste d'amour qui trace sur moi une trêve ou un départ en guerre."
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