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Par sa mère, cambyse appartenait à une lignée perse dont les plus lointains ancêtres étaient des lions.
Peut-être des dieux lions, car c'est en eux qu'il se reconnaissait. il avait étendu à tout notre clan ce lien de sang avec les lions. il en avait étrangement transmis, à mon père et à moi, le culte qui faisait horreur à ma mère et à ma soeur aînée. la lutte avec les lions ne durait qu'une partie de l'année et on ne pouvait s'attaquer qu'à un fauve à la fois. une fois par an, avait lieu entre eux et nous une guerre rituelle qui durait deux jours et une nuit.
C'était la plus grande fête de l'année, il y avait toujours plusieurs morts et de nombreux blessés, mais y il n'y avait pas, pour les chasseurs du clan et des tribus voisines, de plus grand honneur que d'y être admis par cambyse. en grandissant, j'éprouvais un désir croissant de participer à cette fête, j'en ai parlé à ma mère, elle m'a suppliée d'y renoncer en me disant que ce n'était pas la place d'une jeune fille et que la tradition ne le permettait pas.
Je pensais au contraire qu'à l'origine de notre clan il y avait eu des déesses lionnes aussi terribles, aussi puissantes que les lions. je descendais sûrement de l'une d'elles et si, pour des raisons évidentes, il était dans notre guerre interdit de tuer les lionnes et leurs lionceaux, elles prenaient au combat une part redoutable et provoquaient parmi nous autant de morts et de blessures que les mâles.
Dans le sang la lionne à honorer
un chant ancien parcourt le clan
l’alezane majestueuse trotte
dans les nuages les cendres dispersées
au champs hommage à la nuit de lutte
rééquilibre les vivants
les ancêtres sont des lions l’écume en gage
un faucon avec grâce transperce d’amour
l’homme de justice
de mesure en plongeon la lune dit oui
et des poings de faire passer la rage de corps à peau
l’ancêtre et l’enfant
en cendres
les faucons
envolés
et puis l’union à travers griffes
scellent la suite
J'ai eu le plaisir de retrouver la plume vivace de Henry Bauchau, précise et ciselée, qui va droit à l'essentiel. J'ai adoré retrouver des personnages de caractère, comme Diotime, une jeune femme pleine de vie et de courage, qui s'affirme dans le milieu masculin de la chasse et du combat. Sa vivacité d'esprit et son énergie nous la rende sympathique. Proche de son grand-père et de son père, avec qui elle partage le goût pour les mystères, les légendes du clan et pour la chasse, les grandes chevauchées à travers la brousse ou la forêt, elle n'en reste pas moins proche de sa mère et de sa soeur avec lesquelles elle partage un quotidien paisible, fait de chants, de travaux d'aiguilles et de promenades dans les jardins.
J'ai beaucoup apprécié également le côté onirique du récit, ce combat annuel féroce avec les lions, ancêtres du clan de Cambyse, le grand-père de Diotime. Les moments de fête qui s'ensuivent sont également savoureux, avec leur mélange de danse, de désir et de sauvagerie : on y rencontre une Diotime ardente, consciente de son pouvoir de séduction sur les hommes du clan.
Ce petit texte, de 65 pages à peine, est très riche de symboles et d'émotion. Mais (parce qu'il y a quand même un mais…) il m'a manqué des pages pour y prendre vraiment plaisir. Même si le texte est fort, il est trop court pour s'y plonger entièrement : on a déjà tourné la dernière page que l'on commence tout juste à s'attacher à Diotime. C'est dommage. Mais ces quelques pages m'ont redonnées envie de découvrir d'autres écrits d'Henry Bauchau. Mais il va me falloir attendre.
http://itzamna-librairie.blogspot.com/2020/04/diotime-et-les-lions-henry-bauchau.html
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