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Dans cette méditation, inspirée par la lecture des prophètes d'Israël et nourrie de sa propre expérience, François Fejtö - que l'on connaît plutôt pour ses essais d'histoire et de politique contemporaine, - présente l'histoire juive comme celle d'une alliance aussi perpétuelle que conflictuelle avec Dieu. Le peuple juif, selon lui, a dû gravement payer pour le privilège dont il fut gratifié, d'avoir reçu de Dieu la révélation de son unicité et la mission de donner un modèle aux nations par sa fidélité aux Dix commandements et notamment au plus difficile à observer, l'amour du prochain. Fejtö, qui s'affirme croyant non pratiquant et parle de Jeshoua (Jésus) comme «du dernier, peut-être le plus grand des prophètes d'Israël», affirme que le Juif existe indépendamment de l'image mythologique dans laquelle un antisémitisme plurimillénaire s'appliquait à l'enfermer. Il pense que si l'homme est un animal religieux, le Juif est sans doute un animal plus religieux que les autres. C'est l'amour jaloux de Dieu - qui ressemble souvent à la colère - qui à la fois frappe et protège Israël. C'est en vain que Jonas fuit sa mission, c'est en vain que Spinoza tend à échapper à l'image de Dieu-père - le Créateur le rattrape par la Nature qu'il a créée et qui lui sert, comme dira le spinoziste Goethe, de métaphore. C'est en vain qu'un Marx déclare la guerre à toute religion, y voyant l'expression suprême de l'aliénation de l'homme: il sera le fondateur - en investissant un prolétariat mythique de la fonction du peuple élu - d'une ultime hérésie messianique du christianisme. Kafka, se croyant athée, n'a cessé de faire le procès de Dieu. Et ceux des Juifs qui s'estiment capables, grâce à la science ou à l'art, de se délivrer de toute superstition religieuse, sont animés par une passion pour la vérité, pour la justice, qui ressemble étrangement à la foi. L'homme n'a le choix, qu'entre la foi et l'idolâtrie.
Réflexion faite, Fejtö, né dans une famille juive hongroise assimilée, élevé par une mère adoptive chrétienne, converti au catholicisme, se réclame du judéo-christianisme; il se dit Juif comme un certain prélat et pense qu'une des preuves de l'existence de Dieu réside dans la sublime créativité de la foi même déviée de ses voies royales. Et cependant, si l'on admet que Dieu existe en tant que source de toutes les lumières et de tout notre amour, comment expliquer l'immense champ laissé dans le coeur des hommes créés à sa ressemblance, à tant de haine du prochain et d'incitations au mépris et au meurtre. S'il est vrai, comme l'attestait Maître Eckhart, que c'est de Dieu que nous tenons tout ce que nous avons, de qui tenons-nous l'envie, la jalousie, la rancune, le plaisir dans le mal?
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