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Le Dictionnaire des idée reçues de Gustave Flaubert, écrit entre 1850 et 1880 (quelquefois publié en un volume indépendant, et, le plus souvent, en complément de Bouvard et Pécuchet) ne cesse d'être cité comme un chef-d'oeuvre d'humour grinçant, comme le modèle du réquisitoire contre les idées toutes faites et les lieux communs. Flaubert tire à boulets rouges contre les préjugés de son temps : les bourgeois, les bien- pensants sont ridiculisés et ils en redemandent, car ils croient que ce miroir qu'on leur tend reflète le bon goût, les bonnes manières et la Culture, alors qu'il les renvoie à leur ignorance et à leur sottise. De A comme Affaires, comme Argent ou comme Avocat, à D comme Débauche ou I comme Imbécile, Flaubert se fait un plaisir d'applaudir aux opinions acceptées par tout un chacun et qui sont devenues une sorte de guide de la vie en société. Mais, ce qui est assez étonnant, c'est que si Flaubert parle de médecine, de musique, d'amour ou de religion, il reste étrangement à l'écart d'un domaine qui a conduit Victor Hugo à l'exil : la POLITIQUE. Cette absence nous a paru suspecte, quoique personne n'ignore que Flaubert (comme George Sand) préférait la Cour de Napoléon III et les dîners chez la Princesse Mathilde au sombre éclat de la Commune. Je me suis donc amusé à conserver la forme et les tics de ce Dictionnaire des Idées reçues, et à jouer à cache-cache avec les domaines de la Politique et de l'Économie contemporaines - Politique et Économie étant liées. Pourquoi ai-je pris un pseudonyme ? Même si ce livre ne se veut pas seulement un pastiche, je suis redevable à l'auteur de Madame Bovary de l'idée de départ et du ton général adopté. Je paye donc mon dû. Pourtant, assez souvent je me fais de la « vérité » une image proche de la « contre-vérité », et je suis moins affirmatif que Flaubert en ce qui concerne les opinions dominantes : il ne suffit pas toujours d'être majoritaires pour avoir tort. J'ai donc introduit un coefficient d'incertitude dans l'appréciation des «idées reçues » que j'ai recueillies. « Recueillies » ? Oui. Je ne prétends à aucune originalité. Je me suis contenté de faire - au sens large - une « revue de presse », de noter des réflexions entendues aussi bien dans les cafés, le métro que dans des clubs de bridge. Aucun parti n'est ménagé, aucune vedette des estrades et des médias ne me remerciera. Pourtant, je ne serais pas surpris que l'on m'accuse d'avoir penché tantôt à droite, tantôt à gauche, voire à l'extrême droite ou à l'extrême gauche. Si tel est le cas, c'est que j'aurais réussi le pari impossible : n'être qu'un témoin objectif.
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