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Un caractère commun à la grande majorité des typographes, c'est l'amour du progrès et des idées nouvelles.
En tout et partout le compositeur est pour le progrès. " Il a été, dit M. Jules Ladimir, de toutes les religions nouvelles qui ont essayé de reconquérir notre foi lasse de tout, même de sa pauvre sueur, l'espérance. On l'a vu successivement saint-simonien, fouriériste, châteliste, etc. ". On doit se souvenir que ce sont des typographes qui ont commencé la révolution de 1830. Leurs successeurs appartiennent presque tous à l'opinion républicaine, et la nuance des journaux auxquels ils sont employés ne déteint que très peu sur eux.
Bourreur de lignes, s. m. Ouvrier qui compose particulièrement des lignes pleines ou courantes, telles que celles des journaux, des labeurs, des brochures, etc. Un bon bourreur de lignes est celui qui compose habituellement et vite la ligne courante. Dire d'un ouvrier qu'il n'est qu'un bourreur de lignes, c'est dire qu'il n'est propre qu'à ce genre de besogne, qu'il ne pourrait faire ni titres, ni tableaux, ni d'autres travaux exigeant une parfaite connaissance du métier.
Bouteille à l'encre, s. f Nom que l'on donne à l'imprimerie en général, à cause de la difficulté que présente la vérification des comptes, lorsque les corrections d'auteur sont nombreuses. Eugène Boutmy était typographe à une époque ou cette activité nécessitait d'être un ouvrier et un savant, sachant en même temps manier le plomb, manipuler les tournures de la langue et faire respirer le texte sur la page.
Ce labeur a généré une langue verte, un argot qui permettait " d'entrer en imprimerie ". Certes ce lexique peut nous sembler lointain à l'heure où des logiciels donnent à croire que la maîtrise de la mise en page est réduite à peu de chose. Paradoxalement, la complexité de ce langage nous ramène à une autre complexité concomitante: celle de la mise en page, qui pose toujours les mêmes problèmes soulevés au travers de ce dictionnaire: faire une belle page n'est pas si simple sans quelques règles.
Enfin, cet ouvrage souligne que le labeur des typographes, dur et contraignant, ne les a pas empêchés d'avoir une conscience sociale fortement prononcée.
Et hop ! un livre de plus pour compléter ma bibliographie de correctrice. Ce livre est venu s'immiscer entre mes ouvrages d'orthographe, de grammaire et de typographie, entre autres. Quel grand plaisir de découvrir ce texte datant de 1883. Et c'est non sans humour que l'auteur, Eugène Boutmy, nous délivre quelques secrets du monde des typographes. On saura donc ce qu'est un prote, un metteur en page, un paquetier, et évidemment un corrigeur.
Mais des typographes, l'auteur soulignera que certains sont des gourgousseurs, des chevrotins, des fricoteurs, des pilleurs, ou encore des casaniers.
Je mettrai de côté le caractère très misogyne de Boutmy qui perçoit la femme typographe, dite typote, comme un élément perturbateur et qui devrait s'occuper de sa maison plutôt que de mettre les pieds, et les mains, dans un atelier de typographes. Les femmes en prennent pour leur grade à quelques reprises. Mais aussi dirons-nous « autre temps, autres moeurs »...
Après une première partie littérale, nous passons au dictionnaire. Et quel délice d'apprendre d'où viennent les expressions « enfant de la balle », « (à) bibi » (qui s'y colle, c'est Bibi !), la fameuse « boîte » que l'on appelle l'entreprise, encore aujourd'hui. On apprendra qu'une bouteille à l'encre est une imprimerie en difficulté ; que caler, c'est rester sans ouvrage. On révisera les origines des bas et hauts de casse, du cassetin, de l'épreuve, du deleatur.
Bref, pour ma part, j'espère ne jamais être dans les choux pour finalement chier dans le cassetin aux apostrophes, à cause d'une coloquinte !
Puisque, quand le moment de la banque arrive, l'alcool coule un peu plus à flot au moment de la brisure, de quoi donner une sacrée barbe !
Enfin, l'auteur nous offre en fin d'ouvrage les plus belles coquilles typographes relevées à son époque.
Une très riche, drôle et sérieuse lecture à mettre entre toutes les mains.
Ah, et j'oubliais, Eugène Boutmy, sachez que je ne suis pas devenue correctrice « par accident » !
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