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Les anciens "collabos" n'ont eu l'occasion de s'exprimer publiquement qu'à une date assez récente, au moment de la guerre d'Algérie.
L'antigaullisme a donné à ces hérauts du fascisme français une nouvelle légitimité et une raison de renaître. Leurs discours ont alors pris la forme d'un procès en réhabilitation, leurs livres, celle d'un mémoire en défense politique. Que pensaient-ils véritablement, une fois la défaite du nazisme consommée, des raisons de la déroute de leurs idées ? Nous ne le savions pas et cette part d'ombre, supposant un déni de réalité, faisait la faiblesse générale des histoires de l'extrême droite.
Ce Dialogue de "vaincus ", rédigé en 1950 à la prison de Clairvaux par deux anciens collaborateurs, et demeuré à ce jour inédit, constitue donc un document essentiel. Ces deux anciens collaborateurs sont célèbres, puisqu'il s'agit de Lucien Rebatet et de Pierre-Antoine Cousteau, condamnés à mort à la Libération. Leur peine ayant été commuée en prison à perpétuité, ils rédigent ensemble une vingtaine de "dialogues" où ils s'expriment en totale liberté.
Ils mettent noir sur blanc des "vérités rescapées", car s'ils se considèrent comme "vaincus", leurs idées ne sont pas pour autant, selon eux, invalidées. Ils parlent de l'histoire de leur engagement, du nationalisme maurrassien au racisme hitlérien, et reprochent à Hitler d'avoir trahi ses propres principes, développés dans Mein Kampf. C'est pour eux l'explication de la défaite du nazisme. Ils évoquent de Gaulle, qu'ils haïssent, Staline, qu'ils admirent, car "depuis que le fascisme est mort, il n'y a plus d'ordre que chez les Rouges".
Bref, "Staline est génial. Il ne fait pas de martyrs lui... ". Ils passent aussi cri revue l'histoire de la littérature, invectivent avec violence Jean-Paul Sartre, " sorti du maquis des Deux Magots où l'on a terriblement peu risqué le crématoire". Sartre représente pour eux l'" imposture résistantialiste". lis vomissent Jean Genet, s'enthousiasment pour Marcel Aymé et Louis-Ferdinand Céline, discutent de la religion : " Il me soulève le coeur ce sentiment absurde parce qu'il est bien la conséquence de cette monumentale entreprise de dévirilisation, de châtrage systématique...
Le Christ était un pisse-froid... ". Malgré le désaveu de l'Histoire, leur vision du monde repose toujours sur les valeurs qui les ont menés à s'engager dans le collaborationnisme le plus dur et qui conduiront d'autres anciens collaborateurs à se mettre au service de régimes dictatoriaux, l'Espagne franquiste par exemple, ou antisémites sous couvert d'antisionisme, comme l'Egypte de Nasser. Ces dialogues nous invitent donc à regarder l'adhésion au nazisme de certains intellectuels français, non pas comme un accident de parcours ou une parenthèse, mais comme l'accomplissement de ce qu'ils pensaient et de ce qu'ils ont continué à penser malgré la défaite de leur camp.
Dans ce dialogue de vaincus, ces deux hommes, des intellectuels engagés se révèlent d'une honnêteté stupéfiante, ils se livrent en toute liberté derrière les murs de la prison de Clairvaux pendant l'année 1950 et font preuve d'une grande lucidité face à la défaite du camp qu'ils avaient choisi durant cette période trouble de l'histoire.
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