L’écrivain franco-vénézuélien Miguel Bonnefoy poursuit l’exploration fantasmagorique de sa mémoire familiale...
« Le Roy se meurt ! » Ce cri résonne par un 15 août 1744 torride dans le Palais du gouverneur de la ville de Metz. En chemin pour la guerre contre les Autrichiens en Alsace, Louis XV se trouve aux portes de la mort. De saignées en purges inutiles, ses médecins l'ont abandonné, son aumônier le force à se confesser publiquement, ses maîtresses sont bannies, sa cour s'enfuit, les saints sacrements lui sont administrés.Mais en trois jours, Louis XV sera sauvé par un « empirique » dont l'identité restera longtemps mystérieuse, et pour cause, puisqu'il s'agit de l'un des docteurs de la communauté juive de Metz, Isaïe Cerf Oulman.Deux cents ans plus tard, jour pour jour, le 15 août 1944, Henry Klotz, héros de 14-18, agonise dans une annexe du camp de Drancy. Il pense aux siens arrêtés comme juifs à Paris cet été-là et à son fils combattant dans une unité commando. Tous descendants d'Isaïe Cerf Oulman.De la guérison et l'espérance à l'été 1744, à la tragédie et aux meurtres de l'été 1944, deux cents ans séparent au sein d'une vieille famille juive française ces deux étés, à rebours du sens de l'histoire, de l'émancipation et de la liberté : l'un annonciateur des Lumières, l'autre dispensateur de ténèbres.Dans ce roman des vertiges de l'Histoire, le Panthéon tisse le lien entre les générations. Louis XV mourant avait promis en cas de guérison la construction de cet édifice. Un descendant d'Isaïe Cerf Oulman, le capitaine Émile Hayem, écrivain, mort au champ d'honneur en 14-18, aura son nom gravé dans ce monument devenu temple de la République.Un roman familial singulier et passionnant doublé d'une minutieuse enquête historique.
15 août 1744. Louis XV se meurt. Ses médecins, qui l'ont affaibli davantage en multipliant purges et saignées, le déclarent perdu et quittent son chevet. Ses favorites sont remerciées, l'aumônier l'oblige à se confesser publiquement et lui administre les saints sacrements. Le maréchal Fouquet imagine un stratagème ingénieux et parvient à faire venir au près du roi un médecin dit « empirique » (= charlatan). Diplômé de l'Université de Giessen tout de même. Alors, pourquoi charlatan? Parce que Isaïe Cerf Oulman est d'origine juive. Les juifs ne sont pas nationalisés français. Impossible de faire soigner le roi par un non-chrétien. Oulman sauve pourtant le roi en 3 jours... sous l'identité d'un autre.
Drancy, août 1944. Henry Klotz, héros de 14-18, agonise dans une annexe du camp. Il pense aux membres de sa famille.
1994. François Heilbronn recueille de sa grand-mère l'histoire de sa famille, celle de ceux qui ne sont pas rentrés à la fin de la 2ème guerre mondiale. Arrêtés, déportés, assassinés.
Le point commun de toutes ces personnes ? Elles descendent toutes de Isaïe Cerf Oulman. Tout comme les branches Rothschild ou Veil par exemple.
L'auteur entreprend alors un faramineux travail généalogique et historique pour rendre leur identité et leur histoire aux membres de sa famille.
En fil rouge, le Panthéon. Ce monument promis par Louis XV à la population s'il survivait à sa maladie. Monument sur lequel est gravé le nom d'un autre descendant de l'auteur, Émile Hayem, un écrivain. Lieu d'une cérémonie de recueillement qui ouvre le roman.
La construction en 3 parties du roman est singulière mais m'a paru inégale. Si un vrai souffle romanesque m'a emporté dans la 1ère partie (Louis XV), il est beaucoup plus tenu dans la 2ème (récit), et absent dans la 3ème (recherche). Mi-essai mi-roman, le texte danse entre les deux. Il est admirablement édifiant mais j'aurais préféré lire un roman plus fourni sur le personnage de Isaïe et sur ces quelques jours qui ont marqué l'histoire de France.
Bilan :
Un roman dense et très intéressant qui offre une visibilité et une reconnaissance à des femmes et des hommes oubliés. Un texte qui plaira aux passionnés d'histoire et de liens transgénérationnels.
« Deux Étés 44 » commence en 1927, lors d’une cérémonie au Panthéon qui honore des auteurs morts au combat en 14/18, dont Émile Hayem, ancêtre de l’auteur.
Le lieu illustre est l’occasion de partager une anecdote familiale qui y est liée : en Août 1744, alors qu’il visite Metz, Louis XV est pris d’un mal soudain. Après purges et saignées, son état ne fait qu’empirer, au grand dam du médecin militaire Hélian qui a reconnu une dysenterie: pour lui, seul un médecin messin est assez expérimenté pour guérir le Roi. Problème : Isaïe Cerf Oulman est juif, et l’accès au Roi lui est interdit. À moins qu’un stratagème ne lui ouvre la porte de la chambre royale…
J’ai adoré cette première partie du récit, vive, enlevée, théâtrale, qui possède des ressorts comiques malgré le côté dramatique de la situation. C’est également l’occasion de parler de Metz – ce qui me ravit puisque c’est ma ville natale – et de sa communauté juive millénaire.
En effet, les Juifs ayant été expulsés de France, les seules communautés juives sont désormais celles des territoires rattachés à la France par le traité de Westphalie de 1648 (~l’Alsace et la Lorraine) Les Juifs de Metz sont donc en France depuis plusieurs générations … tout en n’ayant pas le droit d’être Français (les Juifs seront citoyens seulement à partir de 1791)
Rupture dans le style, dans le ton, deux siècles plus tard, à l’été 1944. Les descendants d’Isaïe Cerf Oulman, de bons PIF (Patriotes Israélites Français) comme les appelle l’auteur, sont pris dans la tourmente du nazisme : une vingtaine d’entre eux, dont le propre arrière-grand-père de l’auteur, mort à Drancy, seront arrêtés, déportés, assassinés cet été-là.
Colère sourde de François Heilbronn, qui pointe du doigt l’ironie de la situation : les Juifs de 1744, dépourvus de la citoyenneté française, n’étaient-ils finalement pas mieux considérés que ceux, bien français de 1944, abandonnés et trahis par la France ?
Un beau livre, riche sur le plan historique, et qui rend hommage au patriotisme d’une famille qui à chaque génération, française ou pas, sera au service de la France.
Deux étés 44 est un récit roman passionnant. Avec une belle plume, l'auteur nous parle de sa famille et nous raconte un été 1744 et un plus funeste en 1944.
« Le Roy se meurt ! » Ce cri résonne par un 15 août 1744 torride dans le Palais du gouverneur de la ville de Metz. Il s'agit de Louis XV, en route pour la guerre et qui vient de s'arrêter à Metz où il festoie mais surtout tombe malade.
Hasard des lectures et des sorties cinéma, le "Du Barry" raconte un épisode de la vie de ce roi.
J'ai beaucoup apprécié les chapitres consacrés à cet été 1744, la vie à la cour qui s'est installé à Metz, les médecins du roi, dignes de ceux de Molière, la situation des juifs à cet époque et le portrait de ce médecin juif, aïeul de l'auteur, Isaïe Cerf Oulman.
Deux cents ans plus tard, jour pour jour, le 15 août 1944, Henry Klotz, héros de 14-18, agonise dans une annexe du camp de Drancy. Il pense aux siens arrêtés comme juifs à Paris cet été là et à son fils combattant dans une unité commando. Tous descendants d’Isaïe Cerf Oulman.
Les chapitres consacrés à 1944 sont "moins intéressants" mais nécessaires tout de même, et j'ai peut être un moins intéressé car j'ai lu d'autres récits, romans sur cette période.
Ce texte est historique et très personnel de la part de l'auteur.
De beaux portraits, de belles et terribles scènes.
Le Panthéon tisse le lien entre les générations. Louis XV mourant avait promis en cas de guérison la construction de cet édifice. Un descendant d’Isaïe Cerf Oulman, le capitaine Émile Hayem, écrivain, mort au champ d’honneur en 14-18, aura son nom gravé dans ce monument devenu temple de la République.
Dans le climat politique actuel, en France et ailleurs en Europe, de tels textes devraient être lus, étudiés pour ne pas laisser certaines opinions continuer à être dites, sans aucune impunité. Et ne pas oublier des pans de notre histoire nationale, que ce soit en 1744 ou 1944 ou plus proche de nous.
#Deuxétés44 #NetGalleyFrance
François Heibronn rend ici un vibrant homme aux hommes et aux femmes de sa famille, qui ont laissé une trace dans l’histoire du pays. Bien en amont des héros valeureux de la première guerre mondiale, le docteur Ibraïm Cerf Oulman, qui vit dans le ghetto de Metz, est appelé incognito au chevet de Louis XV, sur le point de trépasser après une journée de libations, suivie de traitements inappropriés administrés par un chirurgien aussi imbu de sa personne qu’incompétent. On peut ainsi dire que le bon docteur Oyulman a changé le destin du pays.
Cette anecdote qui fut soigneusement tue, en raison même de la religion du praticien, s’est déroulée lors de l’été 1744, et c’est un autre été qui marque profondément l’histoire familiale, avec les déportations en série. C’est ce lien que tisse l’auteur autour du passé, glorieux ou douloureux, avec en filigrane l’antisémitisme qui se décline tel un fil rouge.
L’épisode du dix huitième siècle est passionnant, par ce qu’il laisse entrevoir de l’état de connaissance de la science médicale de l’époque et des frasques de la cour !
L’aspect plus contemporain offre moins de surprises mais s’inscrit dans un devoir de mémoire à la fois personnel et collectif. La lectrice lambda que je suis risque cependant de se perdre dans la généalogie familiale un peu complexe.
Roman autobiographique et historique qui ne manque pas d’intérêt !
336 pages Stock 1er février 2023
Août 1744, Louis XV agonise dans la ville de Metz, frappé par un mal que ses médecins ne parviennent pas à soigner. Il faut dire qu’entre les saignées et les lavements, le roi a peu de chance de se rétablir. Alors que tout semble perdu, que médecins et courtisans ont déserté la chambre du roi, le maréchal de Belle-Isle, par ailleurs Gouverneur de la ville de Metz, va jouer le tout pour le tout. Grâce à un habile subterfuge, il va réussir à ce qu’Isaïe Cerf Oulman, médecin juif, parvienne jusqu’au chevet du roi et le sauve d’une mort certaine. Et cela dans le plus grand secret car jamais un juif, fut-il médecin, ne devrait avoir accès au roi. Deux-cents ans plus tard, Henry Klotz, descendant de ce grand médecin et héros de 14-18 agonise au camp de Drancy.
Dans ce roman très intelligemment mené François Heilbronn tisse les liens entre les époques et les générations. Il nous dresse tout d’abord le portrait d’un médecin brillant et précurseur qui a compris que pour guérir, un patient n’a pas besoin d’être vidé de son sang et que des précautions d’hygiène sont primordiales. Il nous raconte aussi l’histoire sociale et politique de l’époque qui met à l’écart la population juive en la reléguant dans des quartiers spécifiques, en leur interdisant de se mélanger au reste de la population. Il nous dit aussi l’intelligence d’un homme, le maréchal de Belle-Isle, dont l’esprit curieux et éveillé lui a permis de comprendre les qualités d’un médecin juif, de passer outre les préjugés, et de sauver le souverain de la France.
C’est de ce médecin éclairé qu’est issue la famille d’Henry Klotz. Dans cette famille, les hommes ont versé leur sang pour la France. D’ailleurs, Emile Hayem, lui aussi descendant d’Isaïe, a son nom gravé sur l’une des colonnes du Panthéon en tant qu’écrivain mort au champ d’honneur. Mais cela ne suffit malheureusement pas, en ce XXème siècle en proie aux pires atrocités pour sauver une famille, un peuple.
Dans ce récit à la fois familial et historique, l’auteur fait le pont entre ces deux siècles à travers un monument bien connu : le Panthéon. Louis XV avait en effet promis d’édifier un monument à la gloire de Dieu s’il réchappait de sa maladie à Metz. Les vicissitudes de l’histoire française ont transformé son église dédiée à Sainte-Geneviève en un lieu pour accueillir les grands hommes. Un lieu chargé d’histoire où en 1927, les descendants d’Isaïe Cerf Oulman se sont recueillis en mémoire de leurs combattants morts lors de la première guerre mondiale. Avant d’être disséminés par la barbarie.
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