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« Depuis toujours nous aimons les dimanches.
Depuis toujours nous aimons nous réveiller sans l'horrible sonnerie du matin qui fait chuter nos rêves et les ampute à vif.
Depuis toujours nous aimons lanterner, buller, extravaguer dans un parfait insouci du temps.
Depuis toujours nous aimons faire niente,
ou juste ce qui nous plaît, comme il nous plaît et quand cela nous plaît. »
En réponse aux bien-pensants et aux apologistes exaltés de la valeur travail, Lydie Salvayre invite avec verve et tendresse à s'affranchir de la méchanceté des corvées et des peines. Une défense joyeuse de l'art de paresser qui possède entre autres vertus celle de nous ouvrir à cette chose merveilleuse autant que redoutable qu'est la pensée.
Dans ce petit opuscule Lydie Salvayre fait l'éloge de la paresse, du bonheur de ne rien faire si ce n'est de profiter de la vie et des choses simples qui sont le secret du bonheur. Laisser ses pensées vagabonder. La paresse nous ouvre les portes de l'imaginaire. S'adapter à son rythme intérieur, casser la routine , ne plus suivre le programme préétabli, éviter les chemins tout tracés. Car paresser c'est désobéir. La paresse est insoumission. L'auteure n'hésite pas à faire témoigner des philosophes et des écrivains pour appuyer son propos.
Un réquisitoire au vitriol contre les apologistes-du-travail-des-autres. Une saine colère. Parfois ses propos s'enflamment , deviennent excessifs si la forme est déroutante avec un lyrisme débridé et extravagant le fond donne matière à réflexion, sur le partage du travail et donc du temps libre, de la course à la consommation, la surproduction.
Une petite pépite totalement Salvayrienne.
Ce n’est qu’un petit livre de 130 pages qui se lit si vite, trop vite, et qui dit beaucoup de nos préoccupations et des changements dans l’esprit de l’humanité.
Il ne fait pas la leçon au sens péjoratif du terme, mais qu’est-ce Lydie Salvayre attaque bien les hommes. Le hommes dans le sens général même si elle les interpellent régulièrement par un grand « Messieurs ».
Comme souvent avec l’autrice nous ne rigolons que rarement, voire même nous pleurons la planète et les hommes qui gâchent tout sur leur passage. Mais je n’ai à aucun moment déprimé ou était en stress mode colère contre l’humanité. Elle est dosée et chaque mot est pesé.
Pa besoin d’en dire davantage concernant tous les thèmes évoqués, juste quelques citations reflétant l’esprit de ce petit livre qui mine de rien contient beaucoup plus qu’il n’y parait.
Citations :
« Vous nous vendez sans cesse le bonheur d’exister en consommant à perte de vie. Mais comment, Messieurs, concevez-vous le bonheur ? Comment ? Vous êtes-vous demandé un seul jour : que fous-je de ma vie ?
Qui ai-je vraiment aimé ? Par quoi fus-je comblé ? Qu’ai-je trouvé de beau et d’admirable dans ce cirque sauvage qu’est devenu le monde et qui me permette de l’endurer ? La mer ? L’enfance ? Cette étrangère à tout calcul qui s’appelle l’amitié ? L’imprudence insouciante ? Le pouvoir de dire non aux idées préconçues comme aux agenouillements ? »
« Mais pourquoi levez-vous les yeux au ciel dès que l’on prononce le mot philosophie ? Vous la trouvez éthérée, abstraite autant que bavarde et se payant de mots ?
Vous avez tord Messieurs ! Comme sur tout le reste ! Car contrairement à ce que vous imaginez, Nietzsche, qui porta un regard implacable sur les mutations qui bouleversaient le monde et les dégradations engendrées par la modernité, Nietzsche mena dans son oeuvre une réflexion profonde concernant des questions d’économie politique, et analysa, dans une géniale prémonition, la question du travail et sa fonction masquée. »
« Nous aimons nous sentir en amitié avec nous-même que nous détestions, hier, d’être à ce point nerveux, agités, serviles, abattus par le sentiment de ne plus appartenir,
d’inexister,
en habit de travail avec personne dedans,
privés de toute possibilité de nous concevoir autres,
amers de constater que le monde pour lequel nous oeuvrons n’était nullement nôtre, et que ses obsessions, sa langue et ses valeurs n’étaient nullement les nôtres,
de ne pouvoir jouir en rien des richesses que nous créions,
Et affreusement privés des paroles pour le dire. »
Salvayre poursuit sa démolition pamphlétaire de notre société libérale, oppressante et aliénante (cf. aussi son précédent ouvrage : « Irréfutable essai de successologie »).
Ici c’est du droit à la paresse dont il est question et du dézingage de la « valeur travail » et des idéologies associées.
Au-delà du fond franchement « anar », libertaire mettant aussi l’accent sur les collectifs et les (vraies) relations humaines, l’importance de la lecture, …, il y a le style Salvayre, ses listes riches, ses punchlines jouisives dont on ne peut s’empêcher d’en reprendre certaines :
… à commencer par le qualificatif de ces « apologistes-du-travail-des-autres » … ça ne vous rappelle rien …
Le slogan : « Travailler moins pour lire plus » p 66
« Car, vous l'avez compris, la paresse est un art. La paresse n'est pas mollasserie poisseuse, n'est pas intoxication cannabique, n'est pas délectation morose, elle n'est pas léthargie postprandiale, il n'est pas neurasthénie chronique, n'est pas détachement veule, n'est pas dédain romantique, n'est pas morne prostration, n'est pas je-m'en-foutisme mufle, n'est pas indolence blasée, n'est pas dandisme las, n'est pas ce que communément on appelle glande, glandouille, une flemme, une flemmingite, ou feignardise, ou feignasserie, avec lesquels souvent en fin de la confondre. » pp 14-15
« Car, les apologistes-du-travail-des-autres nous bassine avec ce préjugé, relativement récent dans l'histoire des hommes, selon lequel :
le travail serait un devoir moral,
le chômage : une honte,
le goût pour la finance et la compétition : une inclination naturelle,
le désir d'amasser : il né chez les enfants.
Et conchient la paresse qu'ils considèrent comme :
une putain pêcheuse d'hommes,
l'oreiller du diable,
une démone nourrissant tous les vices et particulièrement la luxure,
une perversion de l'esprit,
une calamité publique,
un cancer social qui s'agit d'extirper par une chirurgie ablative,
un fléau d'autant plus pernicieux qu'il est fort séduisant (il suffit de dresser la liste des poètes et écrivains impies qui enchantaient les louanges de leur Muse Paresse, depuis Virgile et Cicéron en passant par Saint Amand, Marivaux, Baudelaire, Théophile Gautier, Verlaine, Rimbaud, Oscar Wilde, Rainer Maria Rilke, Robert Louis Stevenson, Samuel Beckett, Cioran, Michaux et tant et tant d'autres. » pp 26-27
Mais la flingueuse Mamie Lydie est aussi l’essayiste Salvayre qui convoque de nombreux auteurs et penseurs pour étayer ses réflexions : Nietzsche, Bertrand Russel, Keynes, … Et c’est beaucoup plus sérieux (et travaillé) qu’il ne peut paraitre … avec un vrai travail d’essayiste.
Un petit texte (135 pages) mais qui tape fort … pour notre plus grand plaisir.
Ah que la langue de Lydie Salvayre, si j'osais, est salvatrice ! Toujours au plus proche de la révolte, elle nous pousse avec son nouveau manifeste à la paresse pour nous émanciper des "apologistes-du-travail-des-autres".
Ainsi, en reprenant l'histoire du travail dans sa forme actuelle, Lydie Salvayre constate qu'il existe depuis uniquement deux cents ans. Avant, c'était une activité pour vivre alors qu'elle s'est transformée pour la poursuite du profit et la production de la société marchande au bénéfice d'un nombre restreint d'entre nous. Parallèlement à ce changement, des philosophes, des poètes et des écrivains réfléchissent à un contre-pouvoir avec la paresse.
Trois parties sont construites de façon très classique : l'identification, la dénonciation et les solutions. Ces dernières reprennent largement les travaux de Charles Fourier et évidemment Paul Lafargue avec son Droit à la paresse, Proust, Bertrand Russel, parmi tant d'autres.
Ce n'est absolument pas nouveau mais dans le climat actuel, quel bien cela fait ! En passant par Nietzche et Blaise Pascal et tant d'autres (la liste est dressée à la fin), Lydie Salvayre reprend, à travers cette satire, les réactions littéraires concernant ce changement sociologique. Son humour est du même acabit que sa culture, élevé !
Travail subi !
Malgré ce ton, Lydie Salvayre dénonce le travail non choisi qui fait mal, en citant des exemples. Ainsi, le "nous" de l'écrivaine dénonce l'asservissement actuel du travail en voulant "tayloriser" les tâches comme celles du soin, de l'aide aux personnes, bientôt de l'enseignement, etc. En fait, tous ceux, invisibles, en premières lignes pendant le Covid ! De plus, aux forces de nos gouvernants qui poussent toujours plus au travail, naît lentement une jeunesse qui ne veut plus se réaliser par le travail !
"L'un de nos slogans préférés affirmant que l'on doit : TRAVAILLER MOINS POUR LIRE PLUS."
Le bandeau reprend le slogan Ne travaillez pas, écrit sur un mur parisien, en 1953, par le théoricien du mouvement situationniste Guy Debord et repris en 68 dans les manifestations. Évidemment, rien n'est très neuf dans Depuis toujours, nous aimons les dimanches. Seulement, il semble important d'expliquer que le courant n'appartient pas uniquement à la mouvance actuelle mais fait aussi référence à des mouvements de pensées anciens.
Lydie Salvayre harangue les apologistes-du-travail-des-autres. Pas sûr, qu'ils la lisent ! Mais, qu'importe, puisque ce n'est pas son but ! Pour respirer, pour sourire, pour calmer sa colère, ce petit traité de rébellion tranquille et ironique est à découvrir !
Chronique Illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2024/03/29/lydie-salvayre-depuis-toujours/
Les arrimant solidement au fil de son humour au vitriol, Lydie Salvayre embarque de nouveau les rieurs dans l’une de ces narrations comme elle seule sait les trousser, irrévérencieuses et subversives, et qui, immanquablement, tout au long de l’envoi font mouche. Après son Irréfutable essai de successologie et son constat de la prime à la médiocrité commerciale en matière littéraire, la voilà qui s’en prend derechef au monde marchand pour un éloge de la paresse, cet art subtil et vagabond qui, en ouvrant la porte à l’inattendu et à la pensée, pourrait changer le monde en le ramenant à l’essentiel : l’épanouissement et le bien de chacun.
Autrefois simple moyen de subvenir à nos besoins, le travail est devenu à l’ère industrielle le moyen de produire et de générer des richesses, dans une surenchère de consommation menant à la nécessité de trimer toujours plus pour un bonheur toujours plus inaccessible. « Quel usage faisons-nous de l’énorme accumulation de moyens dont la société dispose ? Cette accumulation nous rend-elle plus riches ? plus heureux ? » La crise du Covid aidant, et avec elle celle du travail quand la souffrance au travail semble devenue le lot commun, Lydie Salvayre nous propose une réflexion dont, pour mieux se faire entendre, elle enrobe l’érudition dans l’insolence cinglante et railleuse d’un discours déclamatoire, à la première personne du pluriel, où elle n’hésite pas à persifler jusqu’à ses propres outrances.
« C’est le travail exagéré qui nous use et nous déglingue » et, poursuit cette fois Nietzsche, nous « soustrait à la réflexion, à la méditation, aux rêves », nous plaçant « toujours devant les yeux un but minime [pour] des satisfactions faciles et régulières », car « une société où l’on travaille sans cesse durement jouira d’une plus grande sécurité. » Véritable opium du peuple, cette sécurité nous fait oublier notre condition de mortels pour remettre « à plus tard, à plus loin, à jamais, le temps de vivre qui nous est compté, car les jours s’en vont et… nous aussi » écrit déjà Sénèque. Alors qu’en vérité, constate Baudelaire, « c’est par le loisir que j’ai, en partie, grandi, – à mon grand détriment ; car le loisir, sans fortune, augmente les dettes, les avanies résultant des dettes ; mais à mon grand profit, relativement à la sensibilité et à la méditation ». Sans parler des « trente-six ans d’une paresse entêtée, sensuelle, mondaine, à la fois enchantée et coupable, délicieuse et inquiète, trente-six ans durant lesquels germera, mûrira et croîtra silencieusement la grande œuvre de Proust : À la recherche du temps perdu »…
Multipliant sous couvert de plaisanterie les références artistiques, philosophiques et politiques – il n’y eut pas jusqu’au gendre de Karl Marx, Paul Lafargue, pour réfuter le droit au travail de 1848 dans son « Droit à la paresse » –, Lydie Salvayre touche à une multitude de sujets essentiels pour nous inciter à repenser, avec d’autant plus d’à-propos que l’Intelligence Artificielle va considérablement rebattre les cartes, « l’organisation du travail en vue d’une meilleure répartition des tâches et des biens. »
Enlevé et hilarant, ce bref roman est, sous ses airs de boutade débridée, un manifeste pour une paresse qui ne serait finalement que sagesse et qui, nous débarrassant du mirage sclérosant de l’Argent, saurait, par un meilleur partage du travail, nous laisser enfin profiter du vrai bonheur d’être et de penser. Coup de coeur.
Guide pratique pour habiter sa vie
Avec sa verve coutumière, Lydie Salvayre s'attaque à la «valeur-travail» qu'elle dézingue avec une joyeuse et féroce ironie. Son plaidoyer pour la paresse est un essai revigorant qui nous pousse à nous poser la question essentielle du sens de la vie.
Lydie Salvayre éprouve un malin plaisir à jeter des pavés dans la mare de la bienséance. Après son Irréfutable essai de successologie, la voilà partie en guerre contre les «apologistes-du-travail-des-autres», ces employeurs qui ne jurent que par les la production, la surconsommation. Ceux qui nous font trimer pour leurs profits et nous empêchent de profiter de la vie. Alors, comme des hamsters s'échinant à tourner dans leur roue, on se tue au travail. On ne trouve même plus le moyen de réfléchir. Obnubilés par ce temps qui passe et que des sollicitations permanentes nous accaparent, il ne nous est plus possible de nous arrêter.
Mais peut-être est-il temps d'appuyer sur pause. De nous poser la seule question qui vaille: que voulons-nous faire de notre vie? Et si la réponse était tout simplement: rien!
Cette provocation a en tout cas une vertu cardinale, braquer les projecteurs sur nos instants de bonheur, sur ces moments où nous nous sommes sentis si bien. Comme quand nous traînons au lit le dimanche matin et que nous (re)découvrons les plaisirs de l'oisiveté. Oui, "la paresse est un art subtil, discret et bienfaisant. Une manière heureuse et chérie des poètes de résister aux mandements que le monde marchand nous inflige avec son ventre énorme et ses dents carnassières. Un instrument de charme et de volupté calme.
Une musique douce. Une façon légère, gourmande et infiniment libre d’habiter le monde (...) La paresse est ni plus ni moins qu’une philosophie."
L'illustration de cette philosophie passe par... un travail, mais un travail choisi, voulu, aimé. À la manière de Proust qui n'a rien fait pendant des décennies que de profiter de la vie qui lui avait été offerte avant de se lancer dans la rédaction de la Recherche, Lydie Salvayre a expérimenté sa théorie, travailler moins pour lire plus. Comme en témoigne la bibliographie qui clôt ce texte, elle a lu "immodérément, insatiablement, jouissivement, certains diraient vicieusement, certains diraient dangereusement" pour convoquer à ses côtés Sénèque et Nietzsche, Virgile et Baudelaire, Verlaine et Rabelais, Boris Vian et Saint Matthieu, sans oublier les penseurs du travail, de Fourier à Marx. L'occasion aussi de constater que cette fameuse valeur-travail est un concept tout récent dans notre histoire et qu'elle n'a rien d'intangible.
Ajoutons encore un mot sur le style, toujours aussi enlevé, et le choix du "nous" pour inclure le lecteur et la communauté des hommes dans ce plaidoyer, mais aussi pour permettre d'interpeller une inconditionnelle de la paresse, Lydie Salvayre elle-même, avec toute sa mauvaise foi et ses envolées lyriques. C'est drôle, impertinent, documenté et iconoclaste. On se régale!
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu’ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.
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