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J'ai rencontré georges brassens pour la première fois le 10 mars 1943.
Ce n'était pas en france, mais en allemagne oú nous avions été réquisitionnés dans le cadre du service du travail obligatoire (sto institué par vichy. etaient concernés par cette mesure liberticide les jeunes gars des classes 21 et 22. la fine fleur, en somme: après tout, c'est ce qu'on dit quand on a cet âge-là! j'étais devenu majeur au moment oú mon pays avait cessé de l'être. par l'un des caprices dont elle a le secret, l'histoire avait assombri notre jeunesse, ravi notre insouciance, ruiné une grande partie de notre espoir.
La propagande des ondes et des quotidiens tentait insidieusement de dévorer tout le reste. le petit village dans lequel nous avions été expédiés s'appelait basrorf. là-bas, se trouvait un camp adjacent à un stalag, réservé aux seuls prisonniers de guerre. depuis le fameux an quarante, nous nous serrions la ceinture, mais nous étions alors, de ce point de vue, de modestes amateurs que basdorf fit passer professionnels ! mais c'est là que j'eus le privilège de partager la vie de georges, ce qui changea précisément toute la mienne.
Il y avait eu un "avant-brassens" auquel succéda un "avec". georges avait vingt-deux ans lui aussi, mais possédait déjà cette voix à nulle autre pareille, ce caractère frondeur, ce sens de l'amitié, cette clairvoyance dans le jugement, cet éclat et cette justesse dans l'expression, toutes qualités remarquables symboliquement contenues dans son oeuvre. notre sétois ne ressemblait à aucun d'entre nous, mais chacun de nous ressentit tout de suite cette différence si bien que la fameuse baracke 26 stube 5 (ou 26/5), bref, notre chambrée, fut tout de suite fédérée sous la bannière de l'amitié, vingt ans avant que ne paraissent les " copains d'abord ".
Avant d'arriver à basdorf, georges avait déjà écrit une bonne vingtaine de chansons. il en écrira encore une vingtaine avant de retourner en france. entre autres choses, vous apprendrez comment et pourquoi je devins son premier interprète! georges, nul ne l'ignore, était fidèle: également présent à basdorf, pierre ontétiente, alias gibraltar, devint son secrétaire après la guerre. dès lors, seule la camarde pouvait séparer du bon maître les premiers copains d'alors.
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