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Recueillir l'ensemble des articles publiés pendant une période donnée par un chroniqueur littéraire, les situer brièvement, en suggérer les principales lignes de force et les méthodes, c'est procéder à un travail qui a été souvent fait par les auteurs eux-mêmes (Blanchot, Nadeau, Thibaudet, Gaëtan Picon, Thierry Maulnier, Kleber Haedens, Marcel Arland et d'autres...), leurs successeurs ou disciples. On peut considérer qu'il s'agit alors d'aboutissements, d'oeuvres, qui ont une valeur esthétique pleine et entière, achevée. Le travail d'Anglès est tout autre : à ce point qu'on peut définir sa personnalité comme fortement marquée par une pratique quasi systématique de l'inachèvement : et cela jusqu'au bout puisque sa grande oeuvre, l'étude encyclopédique de la Nouvelle Revue française, est aussi restée inachevée. Cela pour plusieurs raisons : d'abord A. Anglès a été aussi un homme d'action, à Tokyo et au Royaume-Uni notamment, un administrateur et un bâtisseur. Mais surtout, il a appartenu à une catégorie d'universitaires, aujourd'hui pratiquement disparue parce qu'ils seraient l'objet de sanctions d'une sévérité exemplaire, qui considéraient qu'ils avaient pour fonction de mener une activité dans laquelle le point final était impossible - tel était en effet le sens qu'ils donnaient au concept de recherche. Mais ce concept a changé de sens et nous sommes aujourd'hui dans une situation administrative où le diplôme (qui est par définition achèvement, fin et donc finalité) est censé avoir une valeur objective et donc indiscutable, dont la fin, reconnaissons-le, n'est la plupart du temps qu'une caricature de cathédrale ou de mausolée. Ce qui se donne ici à lire est au contraire une oeuvre in statu nascendi - donc oxymorique. Une série, largement imprévisible, d'événements (de publications surtout, c'est-à-dire de naissances), à finalités multiples, comme l'a été leur gestation. Une série d'incipits et de clausules, largement tributaires des temps et des circonstances, au fil desquels un sujet « précaire » (Malraux), mais non sans volonté ni courage, tente de se faire et de survivre, de se frayer un chemin hasardeux, aventureux - où les découvertes imprévisibles sont malgré tout assez souvent probables. La période concernée (Occupation, Résistance et Libération), il faut le reconnaître, se prêtait assez bien à ce type de démarche, contrairement à celle qui l'a précédé, et peut-être surtout à celle qui a immédiatement suivi.
Textes réunis, préfacés et commentés par Edgard Pich.
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