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Sybille compte les tic-tac de l'horloge, comme les cachets qu'elle doit prendre. Pourtant, il y a peu encore, elle fut sacrée " Reine de la pub " par son boss, sa Sainteté P.Y. " Conservez comme vous aimez " : le slogan qu'elle avait proposé pour promouvoir des boîtes de conservation lui avait valu d'être portée aux nues dans toute l'agence. Mais elle fut bien vite supplantée par la Belle Capucine, Princesse Commerciale...
Alors, ce fut le renvoi. Depuis Sybille déraille, en proie à des troubles obsessionnels, mais Sybille s'accroche, s'échinant à court-circuiter le hasard. Jusqu'à ce qu'elle décide de planifier sa vengeance... Une satire moderne et cinglante, scandée comme une prophétie infernale, sur l'inhumanité du monde moderne, dont on ne ressort pas indemne.
Un grand merci à NetGalley et aux Editions François Bourin de m’avoir offert la possibilité de lire ce roman.
C’est un roman comme je les aime. On navigue entre réel et imaginaire. Sibylle, qui a travaillé durant plusieurs années dans une agence de publicité, a été licenciée ce qui l’a conduit à développer un certain nombre de troubles obsessionnels compulsifs qui occupent la plus grande partie de ses journées et de ses nuits. Elle s’applique à tout vérifier plusieurs fois.
Elle considère que Capucine, une jeune femme fraîchement arrivée dans l’agence, est la cause de son renvoi.
Le langage franglais utilisé tout au long du roman répond certainement aux attentes de l’imaginaire collectif qui voit les publicitaires comme des personnes « dans le move », appartenant à une diaspora disposant de leurs propres codes, tant au niveau langage que vestimentaire.
A travers des entretiens avec son psy qu’elle appelle Papa-Psy, elle raconte ses obsessions. Mais finalement, on en vient à douter de tout, de l’existence de ce psy, de la véracité de ses propos. Raconte-t-elle la réalité qu’elle a vécu ou bien décrit-elle un scenario tant de fois retourné dans sa tête qu’elle en a imaginé les moindres détails et semble si réel qu’elle ne sait plus faire la part des choses.
On oscille tout le long de la lecture entre la réalité et l’imaginaire de Sybille. On doute, on vacille, on ne sait plus que croire.
J’imagine la perplexité et la frustration d’un esprit cartésien face à un tel roman, ne parvenant pas à démêler le vrai du faux, le fantasme du réel. C’est justement cette frontière floue qui laisse à chacun sa libre interprétation qui me plait dans ce roman. Chacun est libre d’évaluer le degré de folie de Sybille.
Grandeur et décadence! Si «Sa Sainteté P.Y.», son chef, a surnommé Sibylle la «Reine de la pub», c’est qu’elle était douée. Elle a du reste connu son heure de gloire lorsqu’un Grand Prix lui a été décerné pour le slogan «Conservez comme vous aimez», conçu pour faire vendre des boîtes en plastique. C’était la période où tout le monde la jalousait, où elle voyait l’avenir en rose bonbon, où son franglais lui laissait entrevoir du high potential, où elle était fit for future, où winning rimait avec earning.
Mais les bonnes choses ont un temps, surtout dans l’univers impitoyable de l’entreprise et particulièrement dans celui de la pub, comme Frédéric Beigbeder nous l’a démontré avec 99 francs. Quand Capucine, la «Princesse commerciale», se dit qu’il lui faut pincer fort pour grimper dans ce panier de crabes, l’ascension de Sibylle va immédiatement s’arrêter. Pire même, comme sa collègue à désormais l’oreille du Directeur, elle va réussir son entreprise de démolition et envoyer Sibylle pointer au chômage. Une fin aussi brutale qu’injuste, une violence économique qui va tout d’abord la laisser exsangue. Seules les petites pilules blanches qu’elle prend à heure régulière rythment désormais sa vie. À la dépression viennent en outre se greffer quelques troubles obsessionnels du comportement. Mais comme à la roulette, quand rien ne va plus, la boule n’a pas encore trouvé la case dans laquelle elle s’arrêtera. Celle de Sibylle s’immobilise dans la case «vengeance». Ceux qui ont juré sa perte se sont sans doute réjouit trop tôt. On a beau avoir les dents longues, cela n’empêche pas de se faire mordre à son tour. Et de quelle manière!
Mais je vous laisse découvrir ce plat qui se mange froid.
Revenons plutôt sur le style de Martine Roffinella qui nous entraîne dans une sorte de conte moderne particulièrement cruel, mais qui se goûte comme un bonbon acidulé. Derrière le sucre, l’amertume arrive sans prévenir. Derrière les mots du marketing, de la performance et du jargon publicitaire viennent se greffer ceux d’une femme blessée qui peu à peu reprend du poil de la bête pour finir en vengeresse impitoyable. Avec en filigrane quelques questions existentielles: l’entreprise peut-elle fonctionner différemment dans un monde qui érige l’argent et le pouvoir comme seule mètre-étalon? Le personnel est-il condamné à être constamment sous pression? La solidarité entre femmes ou entre collègues est-elle définitivement à bannir du monde de l’entreprise? Faute de pouvoir y répondre, la romancière dresse un constat glaçant et donne à ses lecteurs des pistes de réflexion. Ce qui n’est déjà pas si mal, non ?
https://urlz.fr/bOIe
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