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Une ville, une rue, un hôtel, un petit appartement, une mère, un père, un frère et lui. Philippe, onze ans, pré-adolescent à la fin des années Giscard et au début de l'ère mitterrandienne.
L'histoire se déroule rue d'Austerlitz, dans un hôtel modeste tenu par Annick, sa mère, épuisé par le travail et marié à Gérard, archétype du beauf, raciste, homophobe, infidèle, alcoolique et lâche de surplus. Philippe voit des parents qui partent a la dérive dans leurs petits train-train quotidien, un couple désuni, sans amour, qui se lance des noms d'oiseaux a longueur de journée.
Philippe est un adolescent observateur, qui ne supporte pas sa propre vie, ni son père qu'il souhaite voir mort. Il rêve de geste tendre comme une famille normal, pour pouvoir confier ses rêves et ses doutes, parler de cette attirance qui l'emmène vers les garçons. Philippe se pose énormément de question, car dans cette société dite moderne comment avouer a son entourages qu'il est homosexuel, surtout dans une famille comme la sienne, et ou l'on entend a chaque journal télévisé parler de ce "cancer gay" qui envahit le monde.
Philippe Joanny dresse et analyse de splendides portraits d'une famille qui rendre dans une époque instable qui voit la France bascule à travers la montée du Front Nationales et les ravages du SIDA. Un portrait d'adolescent qui livre ses angoisses et ses interrogations face a ce qu'il ressent en lui, sur ce qu'il veut devenir et au contraire ce qu'il ne veut pas, sortir !
L'écriture est brute, nettes, avec des moments trash mais juste et précis. Récit d'une tranche de vie d'un adolescent aux milles questions, qui cherche un chemin vers le meilleur dans une époque trouble mais toujours avec un regard vif sur l'intolérance et la peur.
Ce premier roman de Philippe Joanny est un livre très réussi qui transpire d'excitation, qui sent les tripes et qui respire la vie et le désir.
Elles s’appellent Carole, Claudine, Lisette, Léa. En rentrant de l’école, il leur fait parfois une bise. Il a bien compris qu’elles tapinaient, mais elles ont toujours le sourire et un petit mot gentil. Sa mère leur loue souvent des chambres, il faut bien faire tourner la boutique après tout. Le jour où un inspecteur de police s’invite chez eux au beau milieu du repas, ça lui semble démesuré. C’est si grave que ça ? Assez pour qu’on conduise Annick au poste. Pas la peine de compter sur Gérard pour les réconforter, son petit frère et lui. Gérard est un con, un con aviné doublé d’un beauf méchant. Un con qui aboie de loin et laisse la culotte à sa femme. Il faut dire qu’elle a du répondant, Annick. Ces deux-là se détestent. Gueularde, bornée, minée par son poids, il lui arrive toutefois de virer au romantisme poussiéreux. Dans les yeux du narrateur, elle est quand même belle, sous ses cheveux crêpés durcis à la Cadonett, engoncée dans son gros manteau rouge.
Dans ce Paris qui va voir naître l’année 1980, plus proche des Deschiens que d’Amélie Poulain, évolue Philippe, petit bonhomme de 11 ans. Dans cette drôle de cellule familiale bruyante et crasseuse, il apprend la vie. Ce qu’il y a derrière les façades grises de la rue d’Austerlitz, derrière les non-dits, les rires ou dans les journaux. L’actualité n’est pas reluisante : le FN monte et le monde s’inquiète du « cancer gay », cette nouvelle maladie qui touche les homosexuels. Philippe aussi aime les hommes. Mais il a tout intérêt à garder ça pour lui. Sa mère serait bien trop triste et son père en ferait une syncope. Ça, ce serait une bonne chose, cela dit. À mesure que le temps passe, ses hormones le travaillent. Voyeur, obsédé comme peut l’être un ado, il officie secrètement et parvient à contenter ses pulsions, et nourrit sa haine du paternel déchu. Mais comment vit-on dans le silence et la honte ? La solitude et l’incompréhension ? Le fils indigne a-t-il droit à la parole ?
Entre crise identitaire, drame social et satire familiale, ce roman porte un regard intelligent sur une décennie qui a vu le pays culturellement et idéologiquement chamboulé. Les mots, choisis, piquants, vous arriment au personnage principal qui découvre et se découvre. Si certaines situations et réflexions prêtent à sourire, c’est la justesse, surtout, qui épate. Ce « tout » de Comment tout a commencé, c’est la naissance au milieu de la mort, le besoin de reconnaissance noyé dans l’indifférence, et des lendemains qui n’auront jamais la saveur des jours passés. L’enfance qui claque la porte au nez de l’âge adulte qui n’était pas prêt. Des petites histoires dans la Grande. À travers la bouche d’un gamin qui joue les funambules entre fatalisme et espoir, Philippe Joanny signe là un premier roman entraînant, qu’on croirait écrit sur le fait tant le bouleversement se ressent à chaque chapitre. Sans excès ni complaisance, nostalgique, brut et beau.
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