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Depuis son licenciement, Tristan et moi on vivait côte à côte plus qu'ensemble. Les jours se suivaient et se ressemblaient, les livres s'entassaient par terre et le canapé, qui fait office de lit, à quoi bon le replier ?
On n'avait pas besoin d'une photographie - Ni de Charlin, pour couronner le tout.
Un roman d’atmosphère intimiste admirablement bien écrit, dans la plus pure veine de ce que produisent les Éditions de Minuit. C’est drôle, rocambolesque, grave, lumineux, singulier, cruel et noir tout à la fois.
« … tout ce que mon conjoint avait trouvé pour me distraire, soulager le quotidien chez nous au lieu de chercher du travail ou de foutre son copain dehors, c’était de suspendre dans le salon, qui était aussi notre chambre, une photo de moi à poil. »
Tristan, le compagnon de la narratrice pense faire plaisir à cette dernière en accrochant le cadre d’une immense photo d’elle posant nue, au mur du F1 dans lequel habite le couple. Une image fixe et disproportionnée par rapport à la petitesse du lieu. Une image d’elle-même à laquelle il va falloir s’habituer.
Elle, face à elle-même et surtout aux autres soit Tristan ou son pote Charlin, leur seul visiteur genre pique-assiette licencieux sans conversation sinon le billard, les filles et des plaisanteries potaches.
C’est ce détail, cette photo d’elle au mur, ce cadeau somme toute dérangeant, qui va faire glisser un quotidien assez plat et morose, vers sa décision de se débarrasser du copain de Tristan qui s’invite à l’improviste pour squatter leurs soirées un jour sur deux et qu’elle ne supporte plus envahir leur intimité car d’autre part, elle sent son couple se morceler. Et surtout depuis que son corps nu s’affiche en grand sur un des murs de leur seule pièce à vivre. !
Échafauder des plans pour ce faire, va remettre du piment dans cette vie fade désargentée contenue entre un train-train d’employée de bureau et l’inertie de son compagnon dépressif s’accommodant fort bien de sa situation de chômeur. Elle ira jusqu’au bout de la confirmation d’elle-même…
Personnellement, j’ai adoré ce livre comme j’apprécie beaucoup l’œuvre d’Yves Ravey, d’Echenoz, Oster ou celle de Tanguy Viel, de tous ces auteurs qui savent aller gratter le quotidien des gens ordinaires là où ça fait mal… Déterrer un besoin de reconnaissance dans le désœuvrement. Trouver le point de bascule dans la fragilité humaine pour une levée d’ancre vers une errance proche d’une folie inconnue de soi mais néanmoins laisse l’âme engluée sur le rivage.
Chaque paragraphe cache en sourdine une nouvelle étape dévoilant les acteurs par leur environnement ou leurs actions sans beaucoup de paroles sinon les cogitations silencieuses d’une révolte secrète de ‘je’ se débattant sur la planche savonneuse d’une tragédie programmée. Le récit progresse, crispant et tendu, on sent qu’on veut changer d’air tout en allant au bout de soi-même.
L’écriture est fluide et sobre. C’est très imagé et plein d’ironie. Un art de l’usage grammatical époustouflant.
Un livre de 111 pages qui se lit d’une traite et comme j’en redemande, j’avoue que je vais de ce pas, acheter l’ autre roman écrit par Marion Guillot qui s’appelle justement, tiens donc… : « Changer d’air » !!
Bravo à cette auteure talentueuse qui va surement rejoindre la bonbonnière de ma bibliothèque.
« Disons même que ça me semblait beau, un peu de rouge sur l’image monochrome, aussi beau qu’un Kurozawa qui, même pour ses films en noir et blanc, repeignait un par un les pétales de camélias… »
Court et bien écrit comme je les aime! La narratrice dont le nom n'est pas évoqué ne nous donne pas d'indication sur ce qui s'est passé: "Dans le fond, Charlin devait être quelqu'un de sympathique" écrit-elle au moment où on annonce sa mort."on l'avait trouvé seul chez lui, à proximité de son canapé, un verre presque vide sur la table basse-ce qui, jusque-là, n'avait rien de très surprenant-, mais avec les yeux exorbités et surtout une corde autour du cou"
C'était le grand copain de son mari et il s'incrustait souvent chez eux, il leur devait de l'argent et se faisait payer les services rendus: notamment la mise en place d'une grande photo d'elle, nue.
Elle décrit le froid qui s'est installé dans son couple depuis que Tristan est au chômage et s'y complait; alors la présence fréquente de Charlin fait monter la pression. Le couple se rend aux funérailles, et c'est au retour que le "C'est moi" prend tout son (double?) sens. Impossible d'en dire plus!
https://leslivresdejoelle.blogspot.fr/2018/04/cest-moi-de-marion-guillot.html
" Fais moi penser d'apporter une corde demain" - Samuel Beckett
J'ai été attirée par ce roman car une de mes librairies préférées n'a pas hésité à le désigner comme LE livre de la rentrée...
C'est l'histoire d'un couple qui s’ennuie, qui vivote tant bien que mal entre "la force des habitudes et les fatigues quotidiennes" depuis que Tristan est au chômage. La narratrice, dont le prénom n'est jamais donné, est irritée par son compagnon qui ne cherche pas de travail, passe sa journée à faire des puzzles dans un petit appartement où ils ne replient même pas le canapé et où ils entassent leurs livres parterre au lieu d'acheter une bibliothèque.
Le récit commence par l'annonce de la mort de Charlin, l'ami de Tristan. Il s'est suicidé...
Charlin était le copain trop présent, voire encombrant, de Tristan, un copain qui squattait leur appartement tous les jours. La narratrice ne le supportait pas trop jusqu'au jour où une goutte d'eau a fait déborder un vase déjà bien plein : Tristan, aidé de son ami, a accroché au mur de l'appartement une photo d'elle en grand format, nue sur une plage... La narratrice va alors vouloir prendre sa revanche... Impossible d'en dire plus...
J'ai aimé ce court roman noir dont l'action se passe en huis clos, l'histoire est ingénieuse et surprenante, la description de l'ennui du couple est fine, le style est dépouillé, emprunt d'humour et de cynisme. Machiavélique à souhait !
Ce livre a fait partie de la première sélection du prix des libraires.
Dès les premières pages, on sent qu'entre elle et lui, ça tire un peu.
Lui, c'est Tristan, elle, elle n'a pas de nom. Ils n'ont pas grand-chose à se dire, lui est au chômage, dort quand elle part bosser le matin ou boit son café ; quand elle rentre le soir, la vaisselle sale encombre encore l'évier tandis qu'il est penché sur un puzzle.
Le plus souvent, il y a Charlin. Non, ce n'est pas le nom de leur chat mais de son pote de collège, à lui, pas à elle. Ils boivent des bières, se balancent deux, trois vannes de potaches, parlent de tout, de rien. Ça lui fait du bien, à lui. Elle, elle préférerait aller se coucher.
Le problème, c'est que Charlin est souvent là, le soir.
« Tristan et moi, à l'époque, on traversait une période un peu délicate, peut-être même un peu difficile, une période où, vivant côte à côte plus qu'ensemble, on battait tendrement de l'aile, laissant facilement couler les jours, s'installer la situation sans que Tristan s'inquiète de tout ça, de cette légère torpeur dans le couple, de cette forme de lenteur dans son rythme, de cette distance (à laquelle, évidemment, la présence de Charlin ne pouvait rien arranger), sans doute d'autant plus sournoise qu'elle n'avait rien de dramatique et qu'avec un petit effort commun, un tant soit peu de volonté ou trois gouttes de philtre magique, on était capable de la réduire.»
Rien de grave donc, un peu de tension, mais bon, on y croit, ça va passer.
Et puis, il y a la goutte d'eau, vous savez, celle qui fait déborder le vase : cette goutte d'eau prendra la forme d'un tableau, enfin plus exactement d'une photo, une très très grande photo encadrée, accrochée sur tout un pan de mur, dans la salle à manger, unique pièce du studio : elle, en gros plan, les seins nus.
Charlin a aidé Tristan à transporter le cadre, à l'accrocher même. Tristan l'a payé pour ça.
Et maintenant, elle est là, enfin la photo, pas vraiment elle qui aurait plutôt envie de se cacher tellement la honte la gagne, à moins que ce ne soit de la colère, une forme de « trop c'est trop », de saturation. Les limites sont atteintes.
J'ai beaucoup aimé ce court roman de Marion Guillot qui met en scène la dérive de ce couple à vau-l'eau, plus tout à fait sur la même longueur d'onde, cette espèce d'écart qui se creuse progressivement jusqu'à l'incident provoquant la chute, l'incompréhension.
Ce que réalise la femme soudain, c'est que si elle ne réagit pas, tout est perdu : Tristan ne semble déjà plus vraiment être sensible à sa présence ni être à l'écoute de ses attentes. A-t-il besoin de la voir (l'avoir) en photo pour penser à elle ? Est-elle devenue si vide, si transparente qu'il faille la remplacer par une image ? A-t-on besoin d'une image pour ne pas l'oublier ? Et ce Charlin qui encombre constamment leur appartement, partagera-t-il leur intimité en contemplant la photo géante, cette photo d'elle mise à nu ?
« … alors déjà j'avais senti que tout ça ne pouvait pas durer : que tôt ou tard, ce serait à moi de prendre la situation en main.»
Peut- être pour se prouver qu'elle existe encore un peu...
C'est moi, par son titre léger, trompe un peu son lecteur : oui, certaines situations sont franchement cocasses, notamment, tous les passages autour de ce portrait géant sont vraiment très drôles, mais au fond, le propos n'a rien de léger, le tragique est là, un pied dans la porte, et ne demande qu'à entrer.
Une écriture blanche qui dit de la façon la plus neutre possible où peut mener le sentiment d'effacement…
LIREAULIT http://lireaulit.blogspot.fr/
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