Al Kenner, 15 ans, est un grand garçon de près de 2,20m et plus de 100kg, avec un QI dépassant celui de Einstein. Autant de caractéristiques qui suffisent déjà à le distinguer du commun des mortels, mais Al ne s’arrête pas en si « bon » chemin. En ce jour fatidique du 22 novembre 1963 où Kennedy...
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Al Kenner, 15 ans, est un grand garçon de près de 2,20m et plus de 100kg, avec un QI dépassant celui de Einstein. Autant de caractéristiques qui suffisent déjà à le distinguer du commun des mortels, mais Al ne s’arrête pas en si « bon » chemin. En ce jour fatidique du 22 novembre 1963 où Kennedy est assassiné, Al, lui, tue ses grands-parents. Aucun lien entre ces deux événements fous, seulement le hasard. Ce jour-là, Al n’en peut plus de sa grand-mère oppressante et castratrice, avec qui il vit depuis que ses propres parents ont renoncé à prendre en charge cet enfant décidément trop inquiétant. Ce jour-là donc, une goutte d’eau fait déborder un vase rempli de fiel accumulé depuis si longtemps, et il abat son aïeule d’un coup de carabine. Et pour que son grand-père ne soit pas triste, il le tue aussi. Après quelques jours de liberté, Al est arrêté. Déclaré irresponsable (schizophrénie paranoïde), il est interné pendant 5 ans en hôpital psychiatrique, un temps qu’il met à profit pour lire tout ce que la bibliothèque du lieu compte d’ouvrages de psychologie et de psychiatrie. A sa libération, Al tente de mener une vie ordinaire, mais il ne faudra pas longtemps pour que ses « mauvaises pensées » reprennent le dessus et le conduisent cette fois à la case prison en 1973, où il se trouve toujours 40 ans plus tard…
Biographie romancée de Edmund Kemper, tueur en série californien surnommé « l’Ogre de Santa Cruz », « Avenue des Géants » alterne des chapitres à la troisième personne relatant les rencontres actuelles entre Al et une visiteuse de prison qui semble s’être attachée à lui, et les chapitres narrés par Al lui-même, depuis ce jour de 1963 où tout a basculé, jusqu’à son emprisonnement définitif dix ans plus tard.
Difficile de démêler la réalité de la fiction au niveau du ressenti et de l’état émotionnel de Al/Edmund (les faits, à tout le moins, sont réels), mais en tout cas nous voilà plongés dans le cerveau glacial d’un tueur sociopathe, insuffisamment armé pour lutter contre le mal qui l’habite. L’auteur rend bien la complexité du personnage et le combat acharné mais désespéré qu’il mène contre lui-même, et laisse ouverte la question des racines du mal : inné, ou dû à une enfance sans amour, une mère et une grand-mère castratrices, un père adulé mais décevant et impuissant face à sa femme. Le tout s’inscrit dans le contexte plus large de la guerre du Vietnam et de l’opposition entre vétérans ayant accompli leur devoir et mouvement hippie pacifiste (que Al abhorre, en bon conservateur), entre le droit de tuer légitimé par les nécessités de la guerre et le besoin de Al, irrépressible mais interdit, de tuer son prochain.
Ce roman est comme son personnage, intelligent et impressionnant. Bien construit, précis, documenté, il est aussi très bien écrit, fluide, puissant, implacable et captivant.