Dans un avion à destination d'Amsterdam, une jeune femme se trouve placée auprès d'un homme âgé qui dépose sur le fauteuil inoccupé qui les sépare une petite boîte en bois. Visiblement terrorisé par le décollage, l'homme se recroqueville soudain douloureusement, avant de se détendre peu à peu et d'engager la conversation avec elle. Ainsi lui parle-t-il de sa vie, de sa famille, de ses années passées aux Pays-Bas en tant que jeune travailleur émigré avide de savoirs et d'expériences. Avec passion il évoque pour elle ses origines espagnoles, sa famille et ses rêves.
Quelques instants plus tard la jeune femme s'endort. A son réveil le vieillard est mort, probablement terrorisé cette fois par l'atterrissage.
Très perturbée par la fulgurance de ce drame, priée par l'hôtesse d'attendre la police, la voyageuse s'éclipse pourtant, mais au passage elle s'empare de la boîte du vieil homme.
Ainsi s'entrouvre le territoire fictionnel de ce livre. Deux êtres se croisent aussi brièvement qu'intensément, mais quel sens se dévoile à travers la jonction de ces deux destins ? A partir de ce point de rencontre, l'auteur explore ces deux lignes de vie, qu'elle suit en alternance d'un chapitre à l'autre. Très vite la singularité des personnages s'impose à nous : cette jeune Néerlandaise semble habitée par une enquête obsédante qui l'entraîne aux quatre coins de l'Europe à la recherche d'un ange. Un vieil Espagnol qui revenait aux Pays-Bas pour rendre visite à son fils devenu père et revoir ce pays où il vécut heureux jusqu'à la perte d'une épouse chérie, fabulatrice magnifique l'ayant éveillé, lui l'ouvrier, au monde du sensible et de l'art.
Tout comme dans son précédent roman intitulé La Fille aux neuf doigts (Actes Sud, 2010), Laïa Fabregas s'emploie à créer une tonalité légèrement onirique portant ses personnages tout près des mondes de Singer, d'Ernesto Sábato ou de Simenon. Entre réalisme magique donc, et quête identitaire habitée d'étrangeté, entre mémoire falsifiée et trains de nuit où l'on oublie la vie au profit du souvenir, le mot envoûtant prend dans ce livre une persistante résonance.
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