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Aristonomia est le premier volet de la trilogie Album de famille, sorte de récit du XXe siècle russe au travers du prisme du destin d'une famille. Le premier volume est consacré aux années 1910, à la révolution et la guerre civile. Le second, aux années 1920 et le dernier aux années 1930.
Mais Boris Akounine revendique également avec Aristonomia une entreprise littéraire expérimentale visant la synergie des deux vocations de l'écrivain : le dramaturge et l'érudit. Non pas un « projet commercial », mais, dit-il, son « oeuvre la plus personnelle », en gestation depuis son adolescence.
D'affinité stendhalienne, cette oeuvre l'est d'autant plus qu'elle met en récit un Julien Sorel de la Russie du début du XXe siècle. Anton Kloboukov, personnage central écartelé entre les deux moitiés contradictoires de la nation : la rouge et la blanche, comme en écho à d'autres romans russes majeurs tels que Le Don paisible de Mikhaïl Cholokhov ou Le Docteur Jivago de Boris Pasternak.
Avec, en filigrane, la quête philosophique d'un principe sublimatoire de la personnalité que le romancier-philosophe désigne par le terme d'aristonomie.
Le roman s'ouvre à Petrograd, peu avant la chute de Nicolas II, pendant la révolution de février 1917. Le destin d'Anton Kloboukov, jeune étudiant en droit, fils d'un grand professeur, sera influencé par la rencontre avec deux anciens étudiants de son père : Pankrat Rogachov, bolchevique engagé, idéaliste, qui occupera des fonctions importantes dans la Tcheka, la police secrète de Dzerjinsky, et Piotr Berdichev, partisan de la cause blanche, fidèle au baron Wrangel, le dernier espoir des anticommunistes.
Après la mort de ses parents, Anon vit une brève aventure avec Pacha, l'ancienne servante familiale. Mais leur relation passionnée s'achève lorsque, rentré après plusieurs semaines en prison, Anton est invité par elle à vivre dans un ménage à trois avec un de ses camarades bolcheviques. Il quitte la maison, cherche un emploi de gardien de nuit dans une maison aisée, mais il est soupçonné d'être un agent bolchevique.
Avec l'aide de Berdyshev, vieil ami de la famille, Anton s'échappe en Finlande, passe par l'Allemagne et finit en Suisse. Il trouve du travail dans un hôpital à Zurich et gagne la confiance d'un chirurgien particulièrement talentueux qui le persuade de suivre une formation d'anesthésiste.
Il tombe amoureux de Victoria, la compagne d'un jeune homme riche gravement malade, Laurence. Mais cette dernière l'éconduit. Il décide alors de rentrer, rongé par un sentiment de culpabilité. Il arrive à Sébastopol, au moment où l'Armée blanche est en retraite en Crimée et il y retrouve ses anciens amis. À leur contact, les convictions d'Anton vacillent et il finit par admettre que la force est parfois nécessaire et que les blancs auraient du mal à tenir tête aux rouges.
Prisonnier des Polonais, il aidera un Cosaque rouge, grâce aux connaissances médicales acquises à Zurich. « C'est le moment le plus important dans ma vie », pense Anton. La scène, très émouvante, n'est pas sans rappeler Platon Karataev et Pierre Bezoukhov dans Guerre et Paix, de Tolstoï.
Peu de temps après, il assiste impuissant à un pogrome.
Le roman s'achève sur une note de désespoir : Anton envisage une vie solitaire afin de se consacrer à rendre compte de ces événements tragiques.
La construction du roman est particulièrement intéressante. Chaque partie « romanesque » (le roman d'Anton) est suivie d'une sorte de didascalie comprenant le point de vue de l'aristonome, sorte de pensée de l'« homme parfait » ; et le lecteur peut aisément faire lien avec Anton, le personnage central. C'est le moment où auteur et personnage ne font plus qu'un.
Original, inattendu, risqué, le syncrétisme littéraire porté par l'auteur mérite à nos yeux de connaître un prolongement en version française.
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