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Qui a peur d'Antigone ? Personne ? Néanmoins, pour vraiment comprendre le défi de l'héroïne de Sophocle, il faudrait bien sentir un certain effroi devant l'étrange mélange de violence et de piété, de cruauté et de douceur de cette vierge.
L'énigme de la beauté de cette héroïne - que nous aimons malgré l'horreur que certains de ses gestes ou mots nous inspirent - se confond avec le problème de l'interprétation de la tragédie. Antigone est une des tragédies les plus commentées, représentées et présentes dans l'imaginaire moderne. Après deux millénaires et demi, elle nous offre, toujours et encore, la possibilité d'une identification quasiment immédiate.
Mais qu'y a-t-il de " réel " dans cette identification ? Qu'est-ce qui est forcé, illusoire ou sentimental dans notre admiration ? Voilà les questions que Hölderlin et Nietzsche ont posées au lecteur moderne en montrant que le goût des " chefs-d'oeuvre " peut se dégrader et devenir un simple cliché. La traduction de Hölderlin - malgré son obscurité - arrache le drame de Sophocle aux grilles de lecture idéologique ou religieuse qui opposent la noble Antigone au tyran avide de pouvoir.
Contre ce type d'applatissement sentimental, Hölderlin souligne, d'un côté, la cruauté magnifique de l'héroïne, de l'autre, il met en relief son statut véritablement politique. En même temps, il montre que Créon n'est pas seulement l'homme d'État, mais que son projet de gouvernement n'exclut pas un sincère souci pour son fils. Hölderlin lit la tragédie dans son double registre - les dialogues et la poésie lyrique, dont les images suggestives obscurcissent la clarté apparente des arguments dialogués.
En creusant ainsi la surface supposément lisse et rationnelle, le poète fait apparaître la double articulation - mythique et historique, archaïque et actuelle - du drame. En effet, dans l'imaginaire de la légende héroïque, Antigone est une princesse royale, " dernière racine " d'un lignage de rois, tandis que Créon n'est qu'un descendant d'un lignage de régents et de conseillers royaux. Sophocle soumet ce fond mythique à un maniement ironique et ambigu, faisant affleurer certaines idées de justice et d'ordre de sa propre époque.
Même s'il ne mentionne pas explicitement les institutions de son temps, celles-ci se dessinent discrètement sur le fond mythique. Pour les spectateurs du Ve siècle, l'attitude hautaine d'Antigone, par exemple, évoquait certainement l'épiclérat. Pour les contemporains de Sophocle, une jeune fille comme Antigone serait une épiclère, c'est-à-dire la fille d'un souverain mort sans descendance, qui a le droit de rester dans le foyer de ses ancêtres pour y engendrer un successeur pour son père (non pour son époux).
Or, si Antigone prétend prolonger la lignée de son père, Hémon et Créon devraient renoncer à leur propre lignée... Le double enjeu généalogique et politique se (dé) voile dans les mots d'esprit et les allusions à double entente que la traduction hölderlinienne permet de repérer dans l'original grec. La version du poète allemand rend l'essence de la logique poétique de Sophocle : l'indicible qui flotte entre les lignes - et entre les actions volontaires et les fantasmes de meurtre et de sacrifice, d'amour et de haine qui hantent Thèbes.
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