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Ruth, professeure à Londres, n'a presque plus de contact avec sa fille Eleanor, toxicomane qui vit dans les bas quartiers. Elle s'en accommode, mais lorsqu'Eleanor a un bébé, Lily, Ruth n'écoute que son instinct et commet un acte ambigu : elle revoit sa fille, mais prend l'enfant avec elle et tente de la couper de sa mère. Au fil des ans, dans ce huis clos familial nimbé de tendresse mais aussi d'angoisses et de culpabilité, trois vies vont se lier et se délier.
Dans la veine de Claire Keegan, Susie Boyt met en scène avec une précision redoutable la question cruciale du noyau familial, dans sa douceur et sa cruauté. Avec une grande finesse psychologique, au fil d'une plume d'une beauté classique envoûtante, Amours manquées expose au grand jour les liens maternels tranchés, les amours empêchées par les affres de la vie.
Ruth a élevé seule sa fille Eleanor, jusqu’à ce que celle-ci, à 15 ans, s’en aille vivre chez une copine et sombre dans la drogue. Ruth semble s’accommoder à peu près de cette situation, mais quand, quelques années plus tard, Eleanor accouche de Lily, Ruth décide de recueillir la fillette et de l’élever. Eleanor, totalement indifférente à sa mère et à sa fille, laisse faire. Elle réapparaît sporadiquement dans leurs vies au cours des quinze années qui suivent, et uniquement parce que Ruth s’efforce presque désespérément de maintenir le contact.
Dans cette histoire, racontée par Ruth, les hommes sont quasi inexistants, lâches, infidèles et/ou inconséquents. Les femmes, quant à elles, font ce qu’elles peuvent, même si parfois, souvent, ce n’est ni parfait ni suffisant.
Dans ce triangle féminin intergénérationnel, il y a donc Ruth, mère en échec et grand-mère courage, Eleanor, fille réfractaire et mère démissionnaire, à peine plus consistante qu’un fantôme. Et Lily, fille perplexe et résignée, petite-fille dévouée. Il y a aussi Jeane, collègue enseignante et amie de Ruth, sur qui on peut toujours compter.
Cette chronique d’une relation fusionnelle entre une grand-mère et une petite-fille égrène quantité d’amours manquées entre mères et filles, Jeane non plus n’y échappe pas. Et on se demande alors si Lily n’est pas une sorte de seconde chance pour Ruth, voire pour Jeane.
Sans autocomplaisance, Ruth revient sur son parcours de fille, de mère, d’enseignante, de grand-mère, d’amie, de femme aussi.
C’est doux et délicat, finement analysé, mais un peu décousu; on s’attarde sur des détails anodins puis on balaie dix ans de vie en quelques pages, on se perd dans des digressions superflues, on s’ennuie vaguement, jusqu’au dernier chapitre où un changement de narratrice redynamise le récit. Transparaît alors un autre point de vue, mais pas fondamentalement différent non plus du précédent, et donc on s’interroge sur sa valeur ajoutée. Comme si l’auteure voulait s’assurer qu’on ait bien tout compris. C’est didactique, un peu bavard et ça appuie sur les bons sentiments, même si on insiste aussi sur les défauts des personnages.
Cela dit, l’écriture est belle et « Amours manquées » est un roman mélancolique, qui serait déprimant s’il ne comportait pas quelques moments lumineux, poignants.
En partenariat avec les Editions La Croisée via Netgalley.
#Amoursmanquées #NetGalleyFrance
Ceci est le deuxième roman des Éditions La Croisée et à paraître le 21 août prochain, le même jour que ses deux autres camarades sud-coréen et nord-américain. Il se place à l’opposé du roman coréen S’aimer dans la grande ville de Sang Young Park, même s’il est bien question d’amour ici encore. Susie Boyt, l’autrice, est anglaise est l’arrière-petite-fille de Sigmund Freud, mais il semblerait que toute ressemblance s’arrête là. C’est le septième roman qu’elle publie, le premier traduit en français.
La belle couverture illustrant ce que l’on devine être une étreinte entre une mère et sa fille annonce délicatement le sujet traité : les relations entre trois générations de filles/femmes. D’abord celle de Ruth, mère d’Eléonore, dont la relation apparaît dès le début comme étant réduite en ruines, ensuite celle d’Eléonore qui deviendra la mère de Lily, mais incapable de s’en occuper, la garde échouera à Ruth. Nous voilà dans une relation triangulaire dont l’un des prismes, Eléonore, est pour la plupart du temps absent. Pour la plus grande partie du livre – un peu plus des 9/10è je dirais – le récit se déroule sous la focalisation de Ruth, professeur d’anglais dans un lycée londonien, entourée de ses amis, mère célibataire. On cherche à comprendre la nature de la relation mère-fille de Ruth et Eléonore, le conflit qui a éloigné les deux femmes alors que Eléonore démarrait juste sa vie d’adulte. Ce n’est pas un simple rejet de la part de Ruth, qui a vu sa fille s’éloigner sans être capable de l’aider. Et c’est bien là toute la complexité de ce roman que Susie Boyt déploie avec nuance et finesse.
Étonnement, c’est celle la moins présente des trois qui est le cœur de cette dynamique à 3 générations : Eléonore. Elle intervient, par intermittence, entre deux crises, elle se rattache à sa mère, qui accepte cette non-relation dans l’état désastreux qu’elle est. C’est cette acceptation, et ce renoncement, qui constituent la grande force de cette histoire, la grande preuve d’amour de cette mère qui sait qu’elle n’est pas en mesure de sauver sa fille, qui a vu dans sa propre déchéance l’unique façon de se détacher de cette mère, et de ce père qui a choisi de jouer les inconnus au bataillon. Ruth qui choisit de jouer les mères intérimaires de sa propre fille pour Lily. Une Lily qui non seulement n’aura pas de père, mais qui trouvera la maternité rassurante chez sa grand-mère puis chez l’amie de celle-ci.
Cela fait du bien, quand bien même on ne peut pas dire que la trame narrative soit de nature particulièrement heureuse, de tomber face à un texte qui ne sombre ni dans le pathos, ni dans la dramatisation excessive, et l’utilisation inconsidérée de ressorts narratifs pour capter et garder l’attention du lecteur. Pourtant, la violence est présente, celle de familles monoparentales, d’une famille déchirée, d’une fille et d’une mère qui ne parvient pas à l’être, comment le pourrait-elle d’ailleurs puisque ne serait-ce que vivre sous son identité et sa personnalité propre relève du parcours du combattant. Se faire violence, en tant que mère, pour accepter la distance nécessaire pour que sa fille trouve un chemin de vie et se trouve une voie de sortie des problèmes qui l’entourent, seule. Et pourtant, toute cette violence est larvée ou plutôt pudiquement dissimulée derrière les absences d’Eléonore que l’on découvre à demi-mots, que l’on finit par comprendre de façon plus ou moins implicite. L’autrice ne nous étourdit pas de cette vérité d’un coup, d’un seul, elle nous laisse nous faire notre idée puis nous en révèle les tenants et aboutissants au fur et à mesure de l’évolution du récit.
Ce que j’ai trouvé formidable, également, c’est cette toute dernière partie, qui se fait sous la focalisation de Lily, devenue adulte, qui clôt parfaitement cette histoire de maternité inaccomplie, de peut-être cet élément paternel manquant qui a déréglé une relation, a rejeté la mère comme la fille dans leurs propres retranchements, sans qu’elles n’aient jamais pu trouvé un terrain d’entente sur la durée. La question de l’abandon est en première ligne de cette histoire de familles, il n’a d’ailleurs jamais été aussi bien évoquée sans même en prononcé le nom, abandon totalement volontaire ou forcé, les conséquences en sont terriblement destructrices, et c’est le fil rouge de ces trois femmes.
Toujours dans la retenue, toujours le mot adéquat ne franchissant jamais la ligne de l’inacceptable, de la violence verbale, pour parler de sa fille qui l’a rejetée et tenue à distance, à travers une analyse froidement menée sur la colère ingérable qui mène à l’autodestruction, ce rendez-vous manqué avec sa fille, Ruth le trouve avec sa petite-fille, devenue l’adulte qu’Eléonore aurait peut-être été sans ses béances qui ont pris le dessus sur elle. Cette écriture délicate et toujours juste, par la forme et le fond, rend un vibrant hommage à une histoire familiale, aux accents dramatiques, mais qui reste toujours avec intelligence, grâce et distinction...
Le premier contact avec le livre, sa couverture, est magnifique tant par les différents ton de bleu apaisants que par le dessin d'une enfant s'abandonnant en toute confiance sur l'épaule d'une femme dans un tendre enlacement.
Cette femme pourrait être Ruth, la cinquantaine, enseignante, au début du roman, qui recueille sa petite-fille Lily, qui vient de naître et que sa mère Eleanor, droguée, paumée ne peut élever. Nous suivrons les relations entre ces trois femmes jusqu'aux 15 ans de Lily ainsi que l'amitié qui lie Ruth avec Jeane, une collègue enseignante, un peu fantasque.
"Amours manquées" est un roman d'une femme sur des femmes d'où les hommes sont pratiquement inexistants ou peu attirants car adultères, lâches, égoïstes. "Amours manquées" c'est celui entre mère et fille: celui entre Ruth et Eleanor qui a rejeté sa mère dès l'âge de 15 ans quand elle est partie vivre chez une copine, après une relation fusionnelle; c'est émouvant de voir toutes les tentatives de Ruth pour garder un lien aussi ténu soit-il avec sa fille méprisante, glaciale, cette quête sans fin d'un amour qui n'existe plus. Celui aussi entre Eleanor et Lily, la mère ne se préoccupant pas de sa fille, la laissant sans remords à sa propre mère et la fille trouvant dans l'amour de sa grand-mère, la relation pour se construire; ce qui est étonnant, c'est l'absence de colère, de haine d'une enfant face à sa mère qui l'a abandonnée.
En revanche, amour absolu il y a entre Ruth et Lily, un amour qui les aide toutes deux à avancer, à tenir debout. Les scènes entre ces deux personnages sont empreintes d'une très grande tendresse, de respect, de douceur qui contrebalancent la laideur, la douleur, la dureté de la vie de droguée dépendante.
Ce roman est aussi celui d'une amitié très forte entre deux femmes, seules, mères, faisant le même métier, renforcé par l'amour porté à la petite Lily.
Un beau roman malgré des digressions qui affadissent un peu les émotions que sa lecture déclenche.
#Amoursmanquées #NetGalleyFrance
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