Le 16 mai 2017, prison de Makala : Diangenda, vieux gourou d'une secte politico-religieuse aux idées séparatistes, convoque son voisin de pavillon et ancien pilote de guerre, Ngbokoso, dans sa cellule de la prison de Makala, où il est détenu pour atteinte à la sûreté de l'Etat.
Deux mois plus tôt, Michel, journaliste d'investigation français, s'apprête à se rendre dans le Ruwenzori avec sa compagne belge. Au même moment, à Bulongo, à l'est du Congo, une fillette se réveille et découvre qu'elle est toute seule dans la maison de ses parents...
Le destin de ces personnages issus de différentes nations vont se croiser et s'entremêler un jour de mars 2017 suite au massacre de Bulongo.
Ainsi sont faites les lianes est un thriller géo-politique qui mèle avec finesse la fiction et la réalité de faits survenus au Congo (RDC). Ce roman, riche en rebondissements, délivre un message universel : quelles que soient leurs origines, les hommes sont tous attachés à une seule branche qui transcende leurs différences tel le tronc d'un amas de lianes.
Prix Orange du Livre en Afrique 2023
5e édition
Titre du livre : Ainsi sont faites les lianes
Prénom et nom de l’auteur : Godefroy K. Mwanabwato
Résumé rapide du roman : Zachée Diangenda, un gourou et illuminé, qui se prend pour Dieu et un saint, est enfermé à la prison de Makala, suite à son projet de balkanisation du pays. Ambroise Ngbokoso Ngimbi, capitaine de l'armée, y est aussi détenu, jusqu'à leur évasion. On découvre derrière la vie de ces deux personnages l'histoire tumultueuse et complexe de la RDC, qui s'entremêle comme des lianes, ou un labyrinthe.
Appréciations de l'oeuvre :
Au début du livre, on entre directement dans l'histoire. Zachée Diangenda, chef spirituel d'une secte, rappelle à bien des égards Zacharie Badiengila, communément appelé Ne Muanda Nsemi, gourou de la secte Bundu dia Kongo, un dangereux idéologue, qui avait pour mission divine, prétendait-il, de réunir les peuples kongo d'Afrique centrale et de refonder l'ancien royaume Kongo, où seraient exclues les autres ethnies. Prônant le séparatisme, cela entraîna son arrestation en 2017 pour la première fois par les autorités congolaises. Détenu à la prison de Makala, il s'évade grâce à ses adeptes, les makesa.
En 2020, après qu'il a déclaré l’indépendance du Kongo Central et s’est auto-proclamé président de la « République fédérale du Kongo Central », il est arrêté encore et détenu au Centre Neuro-Psycho-Pathologique de Kinshasa, les médecins ayant diagnostiqué un trouble mental.
Zachée Diangenda a le même dessein et veut redessiner les frontières de la RDC et celles des pays voisins, héritées de l'époque coloniale, en créant un Etat Kongo pur, excluant les autres ethnies. Il dirige un mouvement politique et religieux, son bras armé, pour réaliser ce dessein. Le capitaine Ngbokoso, quant à lui, a été membre de plusieurs groupes rebelles, avant d'être intégré dans l'armée régulière, suite aux accords de paix. Il s'est reconverti en pilote et des circonstances le conduisent à Bulongo, où il découvre, avec Michel Tshishimbi, un ancien reporter de guerre, le massacre de la population par des rebelles et la complicité des officiers de l'armée congolaise. Ngbokoso, victime d'un complot militaire et politique, est arrêté et Michel est assassiné en Ouganda, parce qu'ils en savaient trop.
À travers le personnage de Zachée Diangenda et Ngbokoso, on voit se dérouler l'histoire mouvementée et tragique de la République démocratique du Congo (colonisation, guerre froide, putsch, guerres civiles, enfants soldats, rébellion, assassinats politiques, massacres de civils, kleptocratie...) et de l'Afrique. Ce retour au passé n'est qu'un moyen d'expliquer l'origine de la crise actuelle à l'est de la RDC et de dénoncer la politique agressive et déstabilisatrice des Etats voisins, l'Ouganda et le Rwanda, et d'autres puissances obscures (dont les occidentaux), qui continuent de soutenir des mouvements armés, créent l'insécurité et font main basse sur les richesses du pays.
Il y a aussi d'autres personnages (Masika, fille d'un riche politicien corrompu; Ndovya, fils d'une famille modeste, enfants dont les parents sont tués...) confrontés à la violence, à la guerre... On croirait suivre un film de guerre, dans lequel l'auteur de l'oeuvre a été lui-même acteur de ce qu'il raconte.
Écriture et style limpides. Ouvrage engagé, plein de réalisme: les lieux et les personnages décrits ont existé, ou existent. Il résonne avec l'actualité.
L'originalité de l'oeuvre tient au fait qu'elle nous invite subtilement à réfléchir sur le sens de l'unité africaine, le panafricanisme. Les Africains, au lieu de se diviser, devraient s'entraider, se solidariser et s'unir. Car à travers le destin de la RDC se joue celui de tout le continent. La partition et la déstabilisation de la RDC (par ses voisins, ses propres enfants, des rebelles, un fou dangereux ou d'autres acteurs) seraient un affaiblissement de l'Afrique.
Roman qui plaît, instruit, émeut. Lecture faite avec intérêt et émotion. Un grand livre.
Bilan : □ coup de cœur
Lecteur : Kelly Mowendabeka
DATE : 24 février 2022
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