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Auteur de romans, de pièces de théâtre et d'essais, reconnu en particulier pour L'homme sans qualités, l'oeuvre de sa vie, Robert Musil prononça cette conférence à Vienne les 11 et 17 mars 1937, à l'invitation de l'Österreichische Werkbund, une association d'artistes, d'architectes et d'entrepreneurs. Soit un an exactement avant l'entrée des troupes allemandes en Autriche. Le sculpteur Fritz Wotruba, qui assista à l'une d'entre elles, écrivit : « [...] il a ensuite donné sa fameuse conférence sur la bêtise, à l'instigation de ses amis. Ce fut la dernière de quelque envergure que j'ai entendue depuis lors sur le sol viennois. Mais ce fut aussi son dernier succès public, jusqu'à la fin de sa vie [...]. S'il fut compris, je ne le sais [...]. Je pense que ce fut également le dernier rassemblement d'intellectuels à une heure qui n'avait plus besoin d'un appel particulier, c'était une fête d'adieu - et des morts ; car, parmi les présents, soixante-quinze pour cent étaient des Juifs. » Quelle compréhension, en effet, l'auteur d'un roman expérimental interminable pouvait-il espérer d'un monde alors pénétré jusqu'en son coeur par le fanatisme des religions politiques rouge, noire et brune ? On sait aussi qu'à cette époque, certaines préoccupations personnelles de Musil lui étaient un inquiétant et douloureux fardeau : une santé chancelante et, sans ressource, il ne pouvait compter sur ses écrits pour s'assurer une existence décente, leur diffusion, d'abord quasi confidentielle, étant rendue impossible par la situation désastreuse de son pays. Bientôt, il lui faudrait se résigner à quitter Vienne afin de trouver refuge à Genève avec sa compagne, Martha Marcovaldi, d'origine juive. Il y mourra en 1942.
Musil s'était déjà montré intéressé par la nature et les modalités de la bêtise. Réagissant ainsi, en 1930, à l'éviction de l'éminent juriste Hans Kelsen du tribunal constitutionnel, - exemple emblématique d'une série d'attaquesqui conduiront à la dissolution du droit démocratique au sein de la Première République autrichienne, - il note sarcastiquement dans ses Journaux « qu'il faudrait fonder une société contre l'expansion de la bêtise ». On ne peut que regretter aujourd'hui encore l'absence d'une telle « société », tant l'éclatant à-propos de sa tentative, dans cette conférence tout en ironie, de diagnostiquer un certain « malaise dans la culture » de son époque ferait presque oublier sa pertinence actuelle !
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