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Le nouveau roman de Ian Manook, auteur de polars à succès, grand voyageur et fin connaisseur de l'Islande : une histoire de femmes engagées, une histoire de marins, un grand roman social au souffle islandais, situé au tout début du XXe siècle.
1904. Marie Brouet, jeune infirmière paimpolaise, débarque dans le petit port de Faskrúdsfjordur. Elle est envoyée comme infirmière en chef de l'Hôpital Français d'Islande. La France républicaine et laïque a décidé de reprendre aux associations religieuses le soin des cinq mille forçats de la mer qu'elle envoie chaque année à Islande pour la grande pêche à la morue.
Sur cette île aux paysages de premier matin ou de fin du monde, Marie va croiser les destins des naufragés Lequéré et Kerano, mais aussi d'Eilin, jeune institutrice islandaise et d'Élisabeth, religieuse danoise des Oeuvres de Mer. Tous, sur cette terre sauvage, cherchent un sens au sacrifice que représente une vie à Islande.
Ce roman est inspiré de faits réels.
Prix des Compagnies de pêche de Saint-Malo, 2022
Cette fois-ci, Ian Manook n’a pas bâti une histoire policière comme avec Yeruldelgger, Les temps sauvages et La mort nomade, thrillers qui se déroulent en Mongolie. Il n’a pas non plus parlé du génocide arménien comme il l’a fait avec L’oiseau bleu d’Erzeroum, l’histoire de ses grands-parents, mais il m’a ramené en Islande comme dans Heimaey, thriller qui m’a motivé pour découvrir encore un autre genre littéraire démontrant tout le talent de cet écrivain.
Avec À Islande !, celui qui se nomme Patrick Manoukian confirme sa parfaite connaissance de cette île à cheval sur deux plaques tectoniques et c’est, pour moi, une nouvelle découverte complétée par le monde de la pêche à la morue.
C’est en pleine campagne de cette pêche, en 1904, sur un bateau, une goélette partie de Paimpol, que tout débute. Elle fait voile à Islande, comme on disait à l’époque.
S’inspirant de faits réels, Ian Manook fait vivre ces pêcheurs embarqués sur le Catherine. Leurs conditions de vie sont effroyables. L’hygiène à bord n’existe pas. Ils doivent travailler dur, aller au-delà de leurs forces pour gagner une misère avec le risque du naufrage, de la blessure grave ou de l’épidémie à bord.
Ian Manook utilise le vocabulaire des pêcheurs et son récit est rythmé, prenant. Je fais connaissance avec Corentin Lequéré qui a déjà dix campagnes à Islande et qui connaît bien la pêche et la navigation. Il devient vite un personnage essentiel. Il a pris en charge Kerano, blessé et fiévreux, que le capitaine ne ménage pas. Instituteur en Bretagne, il avait été conquis par Pierre Loti et son Pêcheur d’Islande, « lui qui n’a jamais navigué dans ces eaux. »
Quand la tempête fait rage et que la température descend à moins quinze degrés, il y a une trentaine d’équipages sur la zone et le risque d’abordage est réel. Tout au long de son récit, l’auteur m’apprend quantité d’informations comme cette tempête du 6 avril 1901 qui a vu quatorze goélettes mises à mal dont huit ont coulé corps et bien pour un total de 117 disparus laissant, à Paimpol, 45 veuves et 67 orphelins.
Finalement, le Catherine se fracasse sur le rivage, près de Fáskrúdsfjördur qu’on appelle aussi Búdir. Là, j’apprends comment les locaux organisent le sauvetage des hommes et se rétribuent en récupérant le maximum de choses du bateau.
Au moment où tout cela se passe, un certain Camille Pelletan, homme de lettres, ami de Verlaine et de Rimbaud, s’occupe de laïciser la marine française. Les œuvres religieuses en place pour s’occuper des marins doivent être remplacées par du personnel laïc. Or, voici Marie Brouet qui, par un hasard que je vous laisse découvrir, se retrouve à Búdir pour seconder le Docteur Gunnarsson, directeur du nouvel hôpital. Les sœurs Elisabeth et Justine, obligées de s’effacer devant cette nouvelle organisation acceptent mal ce qui se passe mais l’histoire développée par Ian Manook révèle encore bien des surprises.
C’est donc à Búdir que se retrouvent Lequéré et Kerano. Ils font connaissance avec Eilin Arthurdottir, institutrice au village et avec son père, Arthur. Ma lecture, comme dans Heimaey, me fait découvrir l’Islande et sa géologie unique, ses bains d’eau sulfurée et ses tremblements de terre avec un volcanisme toujours actif. Entre la découverte des lieux et les échos sur les conditions de vie des marins-pêcheurs, les occasions de trembler, d’admirer, de s’indigner aussi ne manquent pas.
Quand L’Hermine fait escale devant Búdir, elle est en quarantaine à cause d’une épidémie. La typhoïde sévit mais Marie et le Docteur Gunnarsson n’hésitent pas à monter à bord pour constater que le poste d’équipage est un cloaque glauque et visqueux où se mêlent les odeurs de morue et de merde. Les hommes font leurs besoins sur le pont et personne ne nettoie. Les armateurs se moquent de tout ça, ne pensant qu’au profit. De plus, l’alcool fait des ravages car une goélette n’embarque que quatre litres d’eau par jour pour tout l’équipage. Par contre, le vin, le cidre et l’eau de vie abondent…
Ces morues que l’on pêchait au large des côtes bretonnes au XVe siècle, aiment l’eau froide. À cause du réchauffement climatique, elles cherchent les hauts fonds islandais. L’église catholique imposant de nombreuses périodes sans viande, la demande en poisson était importante et nous savons qu’aujourd’hui les problèmes de pêche sont toujours bien réels, surtout que les fonds marins ne sont pas inépuisables.
Avec son talent de conteur que j’adore, Ian Manook mène l’histoire de Marie Brouet, Lequéré, Elisabeth, Eilin, Arthur et Kerano jusqu’au bout donnant même des informations sur la fin de vie de ses principaux personnages dans « Épilogues ».
À Islande ! est un livre captivant, très instructif, témoin d’une époque pas si lointaine à ne pas oublier, foisonnant d’informations très intéressantes et j’ai à nouveau été conquis par Ian Manook. De plus, je connais un peu mieux l’Islande, son histoire et ses habitants sans y être jamais allé…
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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