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À fleur de plumes ; mythes et réalités de la Bolivie ancestrale

Couverture du livre « À fleur de plumes ; mythes et réalités de la Bolivie ancestrale » de Claire Lamorlette et Eduardo Conde Quipse aux éditions Mokeddem
  • Date de parution :
  • Editeur : Mokeddem
  • EAN : 9782916903057
  • Série : (-)
  • Support : Papier
Résumé:

Les anges d'Eduardo Conde Quispe me rappellent que la vie apporte toujours sa part de rêve, que la nature est encore belle et que la Bolivie s'attache, depuis peu, à rendre démocratiquement à son peuple les ressources dont il a été spolié durant des siècles.
Claire Lamorlette Mythes et réalités... Voir plus

Les anges d'Eduardo Conde Quispe me rappellent que la vie apporte toujours sa part de rêve, que la nature est encore belle et que la Bolivie s'attache, depuis peu, à rendre démocratiquement à son peuple les ressources dont il a été spolié durant des siècles.
Claire Lamorlette Mythes et réalités de la Bolivie ancestrale Lancés sur la route des Indes, les aventuriers qui foulèrent nos terres en 1492 nous ont baptisés Indiens avant même de nous connaître. Vers 1535, des moines, suivis des conquistadors du Haut Pérou, anciennement la Bolivie, atteignent le lac Titicaca. Non loin de Tiwanaku, un membre de l'expédition interrogea sans doute en ces termes l'un de nos ancêtres : Comment s'appelle ton peuple ? Qui es-tu ? Quelle langue parles-tu ? Celui-ci, interprétant ces questions, pensa que l'Espagnol lui demandait : Depuis quand vivez-vous ici ? Il répondit : Aymara Dans sa langue maternelle, cela signifiait : il y a fort longtemps Durant mon enfance, mes grand-mères, Nieves Huanca et Concepcion Avalos, m'ont fait découvrir et vivre au quotidien notre cosmogonie aymara, nos conceptions de la vie et de la mort, à travers les contes et légendes qui nous sont familiers, habités par nos dieux tutélaires tels que les Apus, les Achachilas et les Illas. Là-bas, dans les communautés, hommes et femmes cohabitent avec ces entités, auxquelles ils vouent un grand respect, et ils entretiennent avec elles des relations de réciprocité, au travers de libations et de prières qui marquent chaque événement important. Puis, au cours de nombreux voyages dans mon pays, j'ai pu constater que ce monde ancestral, avec ses dieux, ses symboles et son art, était en train de disparaître face à la poussée de la modernité. C'est ce constat qui a sans doute éveillé en moi un fort besoin de m'exprimer par le dessin et la peinture afin de révéler un univers qui, avec le temps, me parut encore plus fascinant. Invité par une association culturelle, je suis arrivé à Paris en 1985. Mes tableaux et dessins ont touché des femmes et des hommes qui ont eu envie de faire connaître en France les cultures natives de mon pays, en particulier le monde aymara dont je suis issu. Les nombreux événements et activités organisés à Paris autour de la Rencontre des deux mondes, en 1992, m'ont donné l'occasion de faire la connaissance de Claire Lamorlette, qui, captivée par l'inspiration de mon travail pictural a voulu en savoir plus. Nous avons ensuite décidé d'écrire ce livre, illustré par un choix de tableaux, auquel elle a donné le titre A fleur de plumes. Il accompagnera mes expositions tout en ouvrant une fenêtre lisible sur la cosmogonie aymara. Grâce à Claire, nous avons pu rencontrer l'éditeur, Mohamed Mokeddem qui, spontanément, a décidé de le publier.
A fleur de plumes conte et donne à voir certains mythes et réalités de mon pays, la Bolivie.
Tous mes remerciements à Claire Lamorlette, aux éditions Mokeddem et à Christian Rudel, pour sa préface.
Eduardo Conde Quispe Tiwanacu, un village sur le toit du monde, non loin du lac Titicaca et de La Paz. Pureté des lignes, paysages dénudés de hauts plateaux aux formes douces, force des couleurs ravivées par un air pur où l'altitude rapproche la terre aymara des étoiles et du ciel, pierres millénaires superbement taillées de temples sacrés baignent l'enfance d'Eduardo Conde Quispe, né dans ce lieu magique le 13 octobre 1953. Très tôt Eduardo s'initie à la musique andine traditionnelle, aux instruments à vent dont chacun sait jouer dans la région. Puis il remplit ses cahiers d'écolier de dessins aux tons vifs. Rude est le quotidien : sa mère est seule à élever trois enfants. Eduardo, scolarisé au village, doit partir travailler à La Paz. Il a dix ans. Hébergé par un oncle austère et froid, peu attentif à ses dons précoces de dessinateur, le jeune garçon est embauché sur un chantier comme peintre ébéniste. Le soir, il étudie le programme du collège. Lors de ses rares moments de loisir, il trouve le temps de dessiner et de peindre, son frère Hugo lui servant souvent de modèle. Les jours, les années passent à ce rythme. Après le lycée, Eduardo n'abandonne pas son projet de se former aux arts plastiques ; il intègre l'Université Majeure de San Andres, à La Paz. Parallèlement à ses études, il forme un groupe de musique dans les années 1970. Il joue du charango et de la guitare. La vie des paysans dans la cordillère et dans les vallées chaudes (Yungas), les fêtes et cérémonies, l'histoire, les légendes et les mythes constituent ses principales sources d'inspiration picturale.
Après une exposition au Canada, son chemin artistique le mène en Europe. Eduardo arrive en France en 1985, invité en qualité d'animateur du Centre culturel Chitakolla de La Paz pour faire connaître la culture des Amérindiens, notamment à travers sa peinture. Il décide alors de rester à Paris et de poursuivre ses activités artistiques. Il crée l'association culturelle Porte du Soleil et organise des expositions de tissages aymaras, de céramiques Shipibo (peuple de l'Amazonie péruvienne) et de parures de plumes d'Amazonie. Il expose ses oeuvres en Moldavie, en Suisse et dans différentes villes de France. En 1996, Eduardo est invité à la Rencontre des communautés amérindiennes, qui se tient à Paris à l'initiative du président Jacques Chirac. Ses deux dernières expositions ont lieu en 1999 à l'Ecole des Sciences sociales, à Paris, et en 2000, à Fontaines-Saint-Martin, à proximité de Lyon. Parallèlement à son activité créatrice, Eduardo Conde Quispe se perfectionne en peinture murale, en restauration de fresques et de monuments, activités qui le font voyager et lui permettent de vivre et de peindre.
A fleur de plumes est l'occasion de retrouver le fil d'une histoire née dans un continent, dans un monde où nature et hommes entretenaient un dialogue harmonieux avant le choc de la conquête. Ce dialogue se tisse sur un modèle en création permanente à partir de ce qui existe. A partir, aussi, de la peinture d'Eduardo Conde Quispe et de ces quelques lignes.
Claire Lamorlette À 3800 m d'altitude, un petit village proche du lac Titicaca émergeait lentement, voici quelques millénaires, d'un long anonymat humble et frugal : Tiwanaku - le village éternel selon certains - s'apprêtait à dominer une vaste région, puis à bâtir le premier grand empire des Andes.
Peut-être les paysans des origines avaient-ils placé leur confiance dans la haute montagne, là-bas vers le sud, que nous connaissons sous le nom d'Illimani et dont notre science a parfaitement mesuré la hauteur : 6432 m au-dessus du niveau de la mer. C'était le plus haut d'un troupeau de sommets pareillement enneigés, que la Cordillère royale avait posés en sentinelles et en gardiens de l'Altiplano.
De l'Illimani et des autres montagnes descendait, par de nombreuses rivières, l'eau nécessaire aux cultures, aux animaux, aux hommes, à la vie. Cette eau était le don des mystérieux habitants des hautes montagnes, des êtres jamais rencontrés, mais dont les manifestations spectaculaires - coups de tonnerre, éclairs - ne laissaient aucun doute sur leur existence, et même les rendait redoutables.
Comment rencontrer, comment entrer en relation directe avec ces hôtes des neiges pour les remercier de leurs bienfaits - ou pour en demander d'autres ? Mais d'abord, où trouver leur résidence ? Le condor, roi des oiseaux, roi des neiges, roi du ciel, devait bien connaître leur demeure : rien n'échappe à son oeil pénétrant. Ah, si l'homme pouvait voler et, comme lui, s'élever au-dessus des sentiers, des chaumières et des champs ! Mais l'homme est lourd, pesant. Il a beau s'affubler d'ailes de condor, au cours de certaines fêtes, il se révèle incapable de prendre son envol pour se diriger vers le séjour des êtres invisibles.
Le condor restait le seul trait d'union entre le monde visible des hommes et le monde invisible des maîtres des montagnes et de l'eau. Le condor comme d'autres oiseaux, transportait parfois un message pour guider l'homme dans sa vie et ses travaux ordinaires ; il suffisait de bien les observer, les écouter et d'interpréter correctement les signes qu'ils lançaient.
Porteurs de messages et de secrets, les oiseaux servirent naturellement de lien entre le monde fréquenté par les esprits des ancêtres et celui des vivants, le monde ordinaires des humains. C'est ainsi que, de génération en génération, le rôle des oiseaux intermédiaires et messagers prit de l'ampleur : ils étaient de toutes les fêtes, du moins à travers leur symbole, la plume. Des plumes multicolores, car les habitants des Andes échangeaient des plumes aux couleurs de l'arc-en-ciel de la forêt amazonienne contre d'autres produits ou denrées de leur région.
C'est alors que sont apparus dans les Andes des personnages auxquels il a poussé des ailes, mi-hommes mi-oiseaux, endossant le rôle de messagers véloces du monde d'en haut.
Si de tels personnages peuvent être confondus avec les anges de la tradition catholique, interprétés et revus par des artistes autochtones, ils sont cependant bien visibles sur des tissages, poteries et sculptures de civilisations andines antérieures à l'arrivée des conquistadors.
Le métissage résultant de la conquête fut aisé, quasi naturel, en ce qui concerne les anges, d'autant que la représentation de l'ange catholique permettait de cacher, et de perpétuer, le messager andin dès lors interdit de séjour.
Né à Tiwanaku et nourri au vieux fond culturel des Andes, le peintre Eduardo Conde Quispe ne pouvait que restituer et prolonger, en y ajoutant sa touche et ses recherches personnelles, le chapitre des messagers ailés, évoqué ici sous la plume de Claire Lamorlette.
Christian Rudel Grand reporter

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