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Martin Eden est un jeune marin au long cours. Sa vie est faite d'aventures, il aime la boisson, les filles, les bagarres. Jusqu'au jour où il rencontre Ruth Morse, jeune femme de la bonne bourgeoisie. Pour la séduire, il renonce à ses mauvaises habitudes, à ses mauvaises fréquentations. À force de travail, il se forge un savoir encyclopédique, et découvre qu'il a un réel talent pour l'écriture. Mais la famille de Ruth voit d'un mauvais œil la liaison de leur fille avec Martin. Celui-ci se donne deux ans pour réussir, faire publier ses écrits, afin d'épouser Ruth. Martin Eden aspire à cette ascension sociale, plus dure sera la chute...
Ce roman est considéré comme le meilleur et le plus autobiographique des romans de Jack London. À l'instar de son héros, Jack London se donnera la mort sept ans plus tard.
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De Jack London je ne connaissais que Croc-Blanc, lu dans ma jeunesse.
Ce roman je l'ai beaucoup vu passer sur instagram. À chaque chronique que j'ai pu lire, c'était pour en faire son éloge. Et puis j'ai aussi écouté Ça ne peut pas faire de mal sur France Inter où Guillaume Gallienne en a lu certains extraits. J'ai donc voulu lire ce chef d'oeuvre.
Durant ma lecture, la voix douce et posée de Guillaume Gallienne m'a accompagné.
Je ne ferais pas de résumé ni de critique de ce roman. D'autres l'ont fait avant moi et avec brio. Ici, je ne parlerai que de mon ressenti face à cette lecture.
J'ai été émue par le personnage de Martin Eden. Son envie, sa motivation à changer de vie, à vivre son rêve fait réfléchir tant sur la réalité que les conséquences. Sa bataille quotidienne pour changer de milieu social. Son rapport à l'écriture comme quelque chose de vital. Tout chez lui m'a ébloui par sa ténacité, sa volonté et sa simplicité.
Ce roman parle d'écriture et de l'acte d'écrire. J'ai été très sensible à ses passages, me retrouvant bien souvent dans le ressenti et le processus d'écriture de Martin Eden.
C'est aussi un roman d'amour. Un amour entre Ruth et Martin. Un amour qui m'a ému. Les passages concernant leur relation sont si émouvantes, écrites avec une grande sensibilité.
Description des classes sociales terriblement d'actualité.
"Il était une harpe ; sa vie passée et sa conscience en étaient les cordes ; le flot de la musique venait frapper ces cordes comme un grand vent et, en les faisant vibrer, suscitait souvenirs et rêves."
"Il haïssait le trou noir du sommeil : il y avait trop de choses à faire, trop de choses à vivre. Il en voulait au sommeil de chaque moment de vie qu'il lui volait et, avant que la sonnerie eût cessé son vacarme, il avait la tête plongée jusqu'au cou dans le lavabo et frissonnait au contact de l'eau glacée. "
"Mais rares étaient les moments où Martin était en mesure de penser. La maison de la pensée était fermée, ses fenêtres condamnées, et s'il gardait les lieux, c'était comme une ombre. Il était une ombre. "
"Mon désir d'écrire est ma vie même."
Au début du 20ème siècle, Martin Eden est un marin âgé de 20 ans, issu des quartiers défavorisés d'Oakland, Californie. Rustre et peu instruit, costaud et rude à la tâche, il n'hésite pas à sortir les poings pour régler ses comptes. Un jour, il sauve un jeune bourgeois d'une bagarre mal engagée. En remerciement, il est invité à dîner par la famille de celui-ci. Martin découvre alors une belle et grande demeure, une famille charmante et distinguée, un monde de raffinement dans lequel il se sent comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Son embarras s'accroît encore à la vue de Ruth, la fille de la famille, qui termine des études de littérature à l'université. Il tombe sous le charme de la jeune femme, cultivée, bienveillante, éthérée, douce, pure. La belle et la brute, en quelque sorte.
Martin Eden est inculte, mais n'en est pas moins doté de sensibilité et d'une grande intelligence. Au contact de Ruth et de sa famille, il entrevoit un monde, si différent du sien, de culture, de poésie et d'intellect, dont il tombe amoureux autant que de Ruth. Il comprend que pour conquérir celle-ci, il doit conquérir sa place dans celui-là, s'élever à sa hauteur. Il entreprend de lire et d'étudier toutes sortes d'ouvrages qu'il prend au hasard dans les rangées de la bibliothèque municipale. le chemin est ardu pour le jeune homme, autodidacte, qui s'attaque pêle-mêle à toutes les sciences et tous les savoirs et bien souvent à des livres trop difficiles pour lui. Mais il persiste, se constitue une certaine culture générale, se défait de son langage grossier, et se met à l'écriture. Sûr de son talent, il inonde journaux et magazines de textes et de nouvelles, sans aucun succès. Mais il s'acharne. Il connaît alors le manque d'argent, la faim, les privations et la pression de Ruth qui le pousse à trouver une "situation" honnête et confortable. Mais Martin, idéaliste, sûr de lui, ne veut pas de cette vie étriquée conventionnelle, et continue à écrire sans relâche. Et puis un jour, un de ses textes est publié, puis un autre, et un autre... Tout s'emballe, célébrité, succès, gloire, fortune, ceux qui l'ignoraient et le méprisaient l'invitent à dîner et lui font les honneurs, et Ruth est à nouveau conquise...
Mais tout cela arrive trop tard : Martin ne parviendra jamais à comprendre pourquoi le succès change le regard des autres sur lui, alors qu'il est resté le même, qu'il était déjà ce qu'il était, tel qu'il était, avant le succès ("mais j'étais le même...").
Que de finesse psychologique dans ce roman ! Martin Eden m'a agacée par son côté si sûr de lui et imbu de sa personne, mais il force l'admiration par sa ténacité, sa capacité de travail et surtout sa loyauté envers lui-même, qui refuse d'entrer dans le jeu du monde de l'édition et cesse d'écrire lorsque arrive le succès, qui refuse d'entrer dans les cases dans lesquelles Ruth veut l'attirer, celles d'une bourgeoisie conformiste, bornée, superficielle et sans horizons, finalement pas très éloignée de son propre milieu, l'argent en plus. Martin Eden, le marin au long cours, ne veut pas se laisser enfermer, ne veut pas se perdre lui-même. Mais la désillusion est terrible : l'amour n'était qu'une apparence, le succès est vain et la mode un phénomène aussi soudain que creux.
Malgré beaucoup de longueurs, l'analyse de la société américaine de l'époque et du milieu littéraire est fascinante. Un livre pessimiste et un grand roman.
Martin Eden, ce héros mythique, icône des transfuges de classe !
Entre petits boulots et embarquements, Martin vivote et se défoule des fatigues de la semaine lors de mémorables bagarres avec ses compagnons de misère. Il ne pouvait se douter que son intervention musclée pour venir au secours d’un jeune homme en mauvaise posture allait bouleverser sa vie. Et pourtant, lorsque pour le remercier, le jeune homme secouru l’invite chez lui, il est immédiatement captif du doux regard de sa soeur ! Il mesurera toute la distance qui les sépare au cours d’une soirée qui s’apparente à un diner de cons. Mais c’est aussi pour lui et par amour de sa belle, l’occasion de se jeter corps et âme dans une recherche passionnée de connaissances. Et de tenter sa chance en écrivant des articles et des textes, qu’il soumet sans se lasser aux journaux et éditeurs…
L’aventure est captivante, on se passionne pour les progrès de Martin, et en parallèle, l’évolution du regard de son entourage et de ceux qu’il veut égaler est étudiée avec empathie. On a également une critique de la bourgeoisie qui pense détenir le savoir, ce que Martin ne tarde pas à dénoncer.
La cruauté de ce qu’il vit, et la clarté de son analyse des relations faussées avec ses contemporains en font un héros romanesque remarquable, que « ses ailes de géant empêchent de marcher ».
C’est une deuxième lecture, mais à nouveau un coup de coeur !
Véritable chef d'œuvre !
C'est un exercice périlleux de donner son avis sur un tel livre tant il est immense et complexe.
Jack London signe une autofiction d'une grande complexité. Un roman aux échos autobiographiques pour cet homme issu des classes les plus modestes, tout comme Martin Eden son personnage éponyme.
Martin est jeune a à cœur de se faire respecter. En cela il est bagarreur et est capable de corriger le moindre poivrot qui s'y frotte. Sa vie va basculer le jour où il sauve un homme de bonne famille d'un pugilat. Pour le remercier, ce dernier l'invite à un dîner chez lui. Intelligent, mais ignorant sa condition tout comme celles des autres, Martin se heurte à cette famille bourgeoise et se blâme de ne pouvoir se confronter avec aisance à ces gens instruits et cultivés.
Afin de plaire à la jeune Ruth dont il tombe éperdument amoureux, Martin se lance corps et âme dans l'apprentissage des savoirs et découvre dans les livres un vivier de connaissances lui permettant de s'élever jusque sa belle. Persuadé de son génie littéraire et de sa créativité, Martin se met à l'écriture et ne se rendra compte que trop tard que cette bourgeoisie tant convoitée n'est guère plus respectable que les ivrognes qui peuplent les bas fonds de sa ville.
Théâtre de la vanité et du cynisme, on suit avec verve le destin de cet homme qui sauvera son âme et son talent que bien trop tard. Les autres devenant son propre enfer.
L'écriture de London est éloquente, d'une puissance rare, onirique, poétique, dure... Bref que dire ?
Tout est puissant dans ce livre. L'amour y est absolu, la dévotion et la vanité aussi. C'est une œuvre magistrale, un roman d'apprentissage très puissant dont tout le monde devrait s'imprégner.
Il fallait que j'aille au bout et je ne cache pas que ce fut long et pénible, comme la vie de Martin Eden, sortie de l'imagination du grand Jack London (1876 – 1916), de son vrai nom John Griffith Chaney, dont je me souviens avoir lu Croc-Blanc, il y a bien longtemps…
C'est le film superbe de Pietro Marcello que j'ai vu dans le cadre du Festival international du Premier film d'Annonay, qui a motivé la lecture du roman. Durant celle-ci, j'ai eu l'image de Luca Marcinelli qui campe un formidable Martin Eden. Mais quelle belle idée d'avoir situé l'histoire en Italie, à Naples, en lieu et place d'Oakland, de l'autre côté de la baie de San Francisco où Jack London a vu le jour et a vécu ! J'aurais adoré que le roman se passe dans ce cadre napolitain qui offre tellement plus de ressources à l'imaginaire et au rêve.
Malgré tout, je reconnais que le tableau de la société californienne du début du XXe siècle, dressé par l'auteur de L'Appel de la forêt, est fort instructif et éloquent. le peuple se débat dans la misère, constituant une classe laborieuse exploitée au maximum alors que la bourgeoisie étale insolemment sa richesse tout en méprisant celles et ceux qui créent cette richesse par leur travail. Ah bon ? Ça n'a pas beaucoup changé ?...
Même si Philippe Jaworski, professeur émérite à l'Université Paris Diderot, qui préface longuement le livre et assure un dossier complet, le conteste, il est certain que Jack London a mis beaucoup de son vécu dans son récit.
Avec une verve incroyable, un débit littéraire abondant, il campe un homme parti de rien, issu des plus basses couches du peuple, qui tente de se faire une place dans la littérature par la seule force de son travail, de l'étude solitaire. Il réussit à écrire, met sa santé en danger, souffre de la faim, se prive de sommeil pour réussir à parvenir au bout de son rêve fou.
Martin Eden était marin, se battait facilement pour se faire respecter mais, pour avoir porté secours à un jeune bourgeois, découvre un autre monde qui le fascine au début et tombe amoureux de Ruth qui l'éblouit et l'émerveille.
Séduit d'abord par les idées socialistes, ses lectures le poussent vers toujours plus d'individualisme. L'argent lui manque terriblement. Il tente de faire publier ses textes dans des magazines mais tous refusent. Malgré tout, il continue, écrit sans cesse, rêve de succès, suit les conseils de Russ Brissenden, un poète social et suicidaire.
Dans Martin Eden, Jack London montre toute la vanité du succès littéraire. Un écrivain de grand talent peut rester méconnu jusqu'au bout si personne ne lui donne sa chance. le succès peut survenir par le plus grand des hasards et un phénomène de mode s'empare alors du public, phénomène que les médias et les réseaux sociaux aujourd'hui tentent toujours d'amplifier.
À ce moment-là, que devient l'homme ? Ici, Jack London se montre très pessimiste. Dès que le succès tant attendu arrive, Martin Eden est incapable d'écrire. Il ne rédige plus une ligne et j'ai trouvé cela la pire chose qui puisse arriver à un homme qui a tout sacrifié à la littérature.
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Je viens de finir Martin Eden et je suis complètement subjuguée et boulversée par le style et l'histoire. Une grande oeuvre romanesque , c'est le moindre des adjectifs qu'on peut attribuer à un tel roman. J'ai toujours aimé Jack London mais là, je suis soufflée...
L'histoire, vous la lirez partout, celle de Martin, jeune marin qui s'éprend de Ruth et de savoirs, et qui veut se hisser hors de sa condition en devenant écrivain, pour être digne de Ruth et de son milieu social. Après une période d'initiation et d'instruction qui révèle l'intelligence supérieure de Martin, vient la période de l'écriture, de rage dans l'écriture pour être plus précis, et la longue désillusion de la non-reconnaissance de sa force et son talent, avant l'explosion du succès.
Martin Eden parle beaucoup de littérature bien sûr, et comment ne pas y voir le parcours même de l'auteur, bien que je connaisse peu la biographie de Jack London lui même. La quête de la reconnaissance va bien plus loin que le cercle du livre et pose des interrogations sur ce que nous cherchons chacun au fond de nous . Cela parle comme beaucoup de livres, de London, de classes sociales, de la bourgeoisie miroitante mais étriquée, qui fait plier ce qui peut la déranger, qui reproduit des modèles bienséants, captiver par la réussite au détriment de l'importance de l'homme en temps que personne. Evidemment, on y parle de socialisme , ne serait -ce qu'en critiquant cette bourgeoisie figée ou avec des personnages secondaires, comme Maria, Joe ou Gertrude, ouvrier.es , se tuant à la besogne pour joindre les deux bouts mais plein de bien plus d'humanité que le coeur sec des bourgeois.
Toute la partie romantique m'a un peu gavée, cet amour aveuglant pour Ruth la pure,l'évanescente, trop empêtrée de le carcan de son rôle de jeune fille bien née qui attend le mari idéal, bonne situation, bonne éducation, qui lui donnera une belle famille. L'Amour, moteur de Martin, de sa fureur d'écrire avant d'être l'objet de sa déchéance....Un grand livre !
Martin Eden traînait dans ma PAL et c’est l’émission de France culture qui m’a donné envie de le lire - enfin. Martin Eden s’inspire de la vie de son auteur, aventurier et « self made man ». C’est presqu’une autobiographie. « Martin Eden » (1909) a de commun avec « Gatsby le magnifique » (1925) son thème central : l’amour, le vrai, qui se place au-dessus des religions, des lois et de cet idéal bourgeois fait de confort et de sécurité. Fitzgerald a dû s’inspirer de London et contrairement à ce dernier, il est issu d’une famille aisée. Jack London, lui, a des origines très modestes, il s’est fait sur le tas, à la force du poignet. Il ne fait pas de compromis. Il transpire de ses lignes la foi en l’être humain, la sincérité des sentiments que les classes les plus hautes singent avec cynisme, parce que l’argent vient tout gâter.
Martin Eden (tout comme Jack London) ne sacrifie rien à ses intimes convictions. Quand Ruth, la femme qui fut sa muse et sa pygmalionne, veut raviver la flamme qui les avait embrasés, au mépris du scandale et des conventions, il ne cède en rien, car son cœur s’est éteint, et avec lui, l’insurpassable absolu qui en rythmait les battements.
London est venu tard à la littérature, tout comme son héros, avec ignorance et curiosité, mais avec une connaissance de la vie qui ne s’acquiert pas dans une bibliothèque. Le livre de London nous pose la question suivante : que préférer ? Un autodidacte qui a pour lui l’expérience de plusieurs existences et dont la prose est impulsive, au risque d’en paraître parfois maladroite ? Ou un auteur plus académique qui n’a pas grand-chose à dire mais qui le dit si bien ? Moi, j’ai choisi.
Bilan :
Parce que chez ces gens-là : « Il marchait sur les talons de l’autre en roulant des épaules et en écartant involontairement les jambes, comme si le parquet parfaitement horizontal se soulevait et s’abaissait au gré de la houle. Les vastes pièces paraissaient trop étroites pour sa démarche chaloupée, et quant à lui, il était saisi d’épouvante à l’idée que ses larges épaules pourraient heurter le chambranle des portes ou envoyer valdinguer les bibelots entassés sur le dessus de la basse cheminée. Il zigzaguait entre les divers objets, voyant se multiplier des dangers qui, en réalité, n’existaient que dans sa tête. »
Tel l’albatros de Baudelaire, Martin Eden est captif d’un monde qui n’est pas le sien. Lui qui a parcouru les mers depuis l’âge de 11ans et qui connaît bien la rudesse des hommes, se trouve dépourvu de références dans ce milieu.
C’est parce qu’il a secouru Arthur Morse aux prises avec des ivrognes qu’il fait connaissance avec cette famille bourgeoise.
Son attirance pour la sœur Ruth est au-delà de l’attirance amoureuse, c’est aussi une soif d’apprendre, de découvrir de plus vastes horizons.
En deux chapitres Jack London donne à voir combien le jeune Martin peut se sentir étranger, voire handicapé dans une société qu’il ne connaît pas. En quelques lignes tout est dit, le poids du corps, les vêtements, le regard, cette gaucherie comme un poids dont le protagoniste n’arrive pas à se délester. Cette conscience qui surgit très vite, et cette soif du langage.
Lui qui sait se débrouiller seul depuis si longtemps, fait face à un danger bien plus grand que l’océan déchaîné.
Avoir honte, puis honte d’avoir eu honte de soi : « Nom de dieu ! s’exclama-t-il une fois à part lui, je ne vaux pas moins qu’eux, et s’ils savent quantité de choses que j’ignore, je pourrais leur en apprendre moi aussi quelques-unes ! »
Avec Ruth, les portes d’une élite intellectuelle qu’il idéalise s’ouvrent.
Les passages sur la bibliothèque sont savoureux, car on y sent l’émerveillement, mais aussi le désarroi face à tant de choses à connaître. Comment s’y prendre, quoi lire, comment se servir de ses lectures pour aller vers cet univers qu’il convoite.
La force de l’auteur est aussi de montrer dans les conversations entre Martin et Ruth, que si elle détient les clefs de la culture, lui aborde certains aspects avec plus de profondeur et d’originalité car il a un vécu.
Les échanges entre Ruth et Martin montrent combien, lui seul, est conscient qu’un autre monde existe. Ruth, pour sa part, considère que sa communauté est la seule valable. Elle n’a aucun doute. Pour elle la trajectoire va d’un point A à un point B, pour lui les chemins de traverse ont de la valeur à condition de fournir un travail acharné. Il découvre qu’il veut devenir écrivain et qu’il sait écrire mais il lui reste à découvrir comment être reconnu.
Sans ce parcours, Martin aurait-il prêté attention aux joutes oratoires des socialistes et penseurs de la classe ouvrière qui s’affrontent dans le parc public ?
S’élève pour Martin Eden une autre dimension, la dimension sociale, celle de la lutte des classes.
Une conscience politique qui va au-delà de son exemple, une universalité à laquelle il n’a pas encore pensé.
Une opposition violente car chacun à son idée de la pénibilité, même si le schéma reste manichéen, l’auteur est bien placé pour savoir que le travail intellectuel est un vrai travail et qu’il peut être pénible, aussi.
Dans ce roman, il fait une véritable analyse des thèses sociales qu’il met en avant. Il étaie sa critique sociale par son vécu, la misère, des boulots rudes et mal payés, ne pas pouvoir se loger ni se nourrir décemment, tout cela il connait et est entouré d’une population qui souffre. Ainsi il démontre que lorsque le quotidien est aussi rude il n’y a pas de place à l’élévation sociale, faute d’avoir le temps et les outils nécessaires. Lui-même est confronté à un arrêt dans sa production littéraire lorsqu’il travaille dans une blanchisserie.
C’est aussi la démonstration du manque de codes, de clefs pour entrer dans un monde comme celui de la littérature.
Il y a découragement et souffrance sous le joug de cette persévérance qu’il a chevillé au corps.
Pour lui les enjeux ne sont pas les mêmes…
La lectrice que je suis est fascinée par la façon, très impudique, que London a de montrer combien il y a de bouleversements, d’émotions, de troubles ajoutés à l’effort d’apprentissage.
C’est ce qui le différencie de ses amis intellectuels bourgeois.
Dans son milieu social il navigue en permanence entre rejet, ce qu’il ne veut pas devenir et tendresse, car il sait, lui ce que coûte chaque jour de labeur.
Martin Eden est un modèle d’évolution, les scènes qui le montre dans ce milieu bourgeois, constitué de théories, il est le grain de sable au mieux et une bombe à retardement au pire.
Les dialogues sont savoureux car ils mettent en scène cette transformation et l’audace qui l’accompagne.
Malgré ces périodes de vaches maigres, il apprit beaucoup de ce monde de requins.
« Voilà où réside le paradoxe : les portes d’entrée de la littérature sont gardées par des cerbères qui sont les ratés de la littérature. »
Il y a la rencontre avec son alter ego Brissenden, lui ne cherche pas la reconnaissance. C’est le seul personnage du livre avec qui il y a un véritable échange.
Deux amis qui ont de la considération l’un pour l’autre, de la bienveillance et Martin Eden en a bien besoin de cette humanité dont il fait preuve et qui le caractérise.
Toutes les affres d’un grand écrivain sont là, mais pas seulement.
Publié en 1909 et le lecteur pourrait croire que c’est une histoire contemporaine.
Le monde change-t-il ? Pour certains, rien de moins sûr.
Cette relecture m’a plongé dans les délices de ces chefs d’œuvre, tout est là sous nos yeux, ce regard de Jack London, cette lucidité, cette intelligence.
De la fièvre au désenchantement, la route fut longue.
Le lecteur comprend combien les mers du Sud pouvaient être un attrait aussi irrésistible que l’écriture.
Une merveilleuse exposition, a montré que son périple a été semé d’actions en faveur des plus démunis, combien son regard était forgé de bienveillance et d’attention à l’autre, et que son enrichissement était fondé des différences d’autrui.
Ce vagabond des étoiles est un autodidacte de génie, celui qui m’a fait aimer les livres et la littérature.
Je le relis toujours avec un plaisir renouvelé et des émotions plein le cœur.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 21 janvier 2020.
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