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J’en aurai mis du temps avant de parler de ce petit livre paru chez Sinope éditions, « La nuit continuée Bernard, Bernard-Marie, Koltès » écrit par Yves Ferry.
Et pourtant, quel plaisir cette lecture du récit d’une amitié commencée bien avant que Bernard ne devienne Koltès. C’est de l’intime sans voyeurisme, sans pathos. C’est pudique et tellement révélateur. Révélateur du talent de l’un et du talent de l’autre.
Avec pour personnage principal le théâtre et ses questionnements « Mais à qui parle le personnage de « La Nuit » ? Cette question est peut-être celle du théâtre lui-même. »
Avec Madeleine Comparot, l’amie présente à la dernière heure, « Madeleine ne le quittait pas les derniers jours, elle accomplissait les gestes qui accompagnent jusqu’à la fin, elle écoutait dans les délires les mots du désespoir, du regret de tout, sentiment et certitude de l’erreur sur toute la ligne, et ce désir, oui ce désir et ce manque de l’enfant qu’il aurait voulu faire… à la fin… »
Avec « Koltès Solitudes » le texte de Moni Grégo que Ferry apprend cependant qu’il écrit. Moni, dit-il, « ma compagne, mon amie de toujours qui me donna un fils, ma sœur d’amour et de théâtre […] »
Avec les mots et avec la fraternité.
Avec, bien sûr, « La nuit juste avant les forêts » écrit par Koltès pour Ferry.
La relation de ces deux-là est à la fois simple et complexe. Elle est faite d’amour mais pas de sexe « Koltès aimait ici, et consommait ailleurs, toujours. »
De Metz où ils se sont rencontrés à Avignon où fut jouée pour la première fois « La nuit avant les forêts » en passant par la montagne Sainte-Baume où s’ébauche le texte de la pièce, c’est le récit d’une relation majeure, et de rencontres décisives ou ratées. Mêlée à une réflexion sur le métier d’acteur « Aussi, hélas, mon ironie sur le métier et ses pratiques, son abandon aux faiseurs, aux menteurs incultes, aux profiteurs de tous bords, aux voleurs de notre art, aux artistes de dossiers et de plaquettes glacées, aux occupants vulgaires de la scène et des balcons, etc. Ô vous, gestionnaires incultes, champions du bout de gras… Vieux marquis de Molière, toujours là… »
C’est la voix d’Yves Ferry, envoûtante, profonde et si belle, qui a accompagné ma lecture. Parce que j’ai la chance de le connaître et de l’écouter souvent autour d’un café à Sète, mais que l’on connaisse ou non l’acteur, son livre est à déguster comme une gourmandise secrète et unique… Et tant mieux si cela fait connaître Koltès à ceux qui se satisfont du spectacle faute de théâtre.
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