Culte dès l’aube née, « Blague » est un grand livre dont il faut prendre soin. Le majeur est signifiant. Yànnis Palavos est un nouvelliste de renom. Il assemble l’épars, délivre des tracés d’architectures perfectionnistes. Les courbes de la vie semblent un sablier gorgé de mots. Yànnis Palavos...
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Culte dès l’aube née, « Blague » est un grand livre dont il faut prendre soin. Le majeur est signifiant. Yànnis Palavos est un nouvelliste de renom. Il assemble l’épars, délivre des tracés d’architectures perfectionnistes. Les courbes de la vie semblent un sablier gorgé de mots. Yànnis Palavos laisse s’écouler ce sable grain après grain, épiphanie des grandeurs grecques. Il offre l’enchantement de la force inouïe de ses nouvelles. Affranchies, ces dernières osent la marche des confidences. Elles sont d’une rare contemporanéité. Certaines, fantastiques frôlent l’absurde, la dérision, le caustique. Mais derrière l’arbre se cache la forêt. Elles relient l’imaginaire et l’idiosyncrasie grecque en excellence. Le classique affirme son charnel. Le réel palpite d’un émotionnel aérien, épuré. Cet alliage est sublime. Yànnis Palavos est un grand, un très grand. « Lumières » « Je m’allonge, mais ne dors pas. Je suis fatiguée. J’attends que maman vienne me chercher. En ce moment nous cueillons des pêches tardives. Les jours sont de plus en plus courts, et c’est dur. » Voyez ce calme connaisseur sous la chapelle des mots, dressant la ligne d’une nouvelle qui va monter crescendo. « Léna » est une couverture de laine pour les jours sans. « Huit ans en couple, mariés depuis trois ans… » Taire l’ampleur qui enfle et fait monter les larmes parce que la sincérité est trop vive et certaine. Que dire de « Yórgos prend sa retraite » qui est un hymne au père, à cette grandeur d’âme qui ne connaît que l’humilité. Tout est jeu de regard et de tendresse. L’exactitude d’un quotidien dont la richesse se noie dans l’hédonisme. L’apparence d’une pauvreté et d’une vie de labeur prend ici le sens véritable. Ce qui est beau ici, c’est le juste de l’invisibilité et la certitude d’être dans l’essentiel même. Cette nouvelle qui s’affranchit, une retraite à venir, misérable du point de vue pécunier, mais le Tout est dans une autre direction. « Hier c’était son dernier jour au boulot et mon père veut arroser ça. Je lève mon verre, je le regarde, je suis son fils et un sac de nœuds comme lui, il me sourit et il sait que je veux disparaître dans la montagne pour un mois, près du lac artificiel, et à mon retour il dira : « mon garçon, il y a de quoi manger », et si sa vie a été une erreur, voilà ce qu’il a gagné : je lui dis devant tout le monde que je l’aime et il a les larmes aux yeux. » « Blague » est subtil. Il faut le lire avec cette conviction d’être privilégié. Ce n’est pas tous les jours qu’ainsi s’élève dans cet espace-temps La Grèce et ses hôtes, L’homme et l’écrivain, les femmes, les petits-bouts, les couleurs et cette terre noble qui coule entre nos mains. Les cartographies des paysages intérieurs et ce chant littéraire hors norme qui balaie le trop et laisse juste le passage de ce qu’il faut apprendre par cœur. Traduit à la perfection par Michel Volkovitch publié par Les majeures Editions Quidam éditeur. Un pur chef-d’œuvre !