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Ce fragment est à l’instar d’une plume duveteuse flottant au vent. On est d’emblée dans l’intrinsèque d’un rituel funéraire.
La sève de ce livre est une délectation. La trame est captivante et nous emmène dans un cheminement qui interpelle. L’écriture atypique et surdouée de Chen Kuocheng dont le pseudonyme Wuhe est signifiant : la Grue qui danse. Comme l’exprime si bien la quatrième de couverture.
Le « je » prend place. Un homme conte. Ce dernier est malade mentalement. En proie à une psychose, à la mélancolie. Dévoré par les sédatifs, il passe sa vie au lit et l’assume à merveille. On a l’impression de côtoyer un homme fragile et dans un même tempo, il est épris d’une liberté absolue. Un peu comme un Cynique à l’instar de Diogène. Mais en plus raffiné, plus subtil. Il jongle avec les heures longues, complètement lymphatique. Sa femme est attentive, patiente et observatrice. On ressent une acceptation de son état. Comme si son mal-être était normal. Il faut dire que le narrateur est comme un enfant qui aime être choyé.
Mais un jour certain advient le déclic. Il va lire une collection complète de Osho (Rajneesh), le gourou, un peu, voire beaucoup sulfureux, au libre-arbitre avéré. Les livres ont été donné par une ancienne rivale de sa femme, devenue la meilleure amie de cette dernière. Comme quoi tout peut changer et le récit est la preuve de toutes les possibilités.
Osho va soulever la poussière sous le tapis. Interpeller le narrateur, brusquer sa nonchalance. Allumer la flamme d’un plausible renouveau.
Subrepticement il va rêver de sa mère décédée dix-neuf ans plus tôt. Elle, dont le corps attend le rite funéraire. Celui du recueillement des ossements. Il va rassembler l’épars.
« Osho dit que maman est entrée dans l’illimité, qu’elle appartient à une sorte de qualité intemporelle ».
Il va avec ses frères œuvrer pour la Mère. Acheter un emplacement à la pagode de l’Assemblée Vaste comme la Mer de la Rivière des Bambous. Relier cette gestuelle mortuaire au chaos des insomnies. Il aura fallu qu’Osho parle à sa conscience pour que le deuil accomplisse son pouvoir de résilience.
« Osho, aussi, a révélé que le secret fondamental de l’existence, c’est de sauter en l’air tout vivant, sauter tout vivant jusqu’au bout, et que c’est un remède naturel contre les insomnies ».
Wuhe est l’épicentre de ce récit. Il dépose l’ésotérisme, le rite et ses vertus dans les mains du narrateur. On ressent un magnétisme puissant, une poésie souveraine. La lutte pour la rédemption. Les entrelaces jusqu’au paroxysme d’un théologal spéculatif. Ce fragment parfois insolent, radical est une mise en abîme du lien, la matrice Mère dans son apogée. Le générationnel comme un chef-d’œuvre à concevoir. Acter le rite comme un enjeu de guérison pour le narrateur et d’honneur pour la mémoire de la Mère.
Un rite qui est le mimétisme même d’un narrateur en proie aux tourments existentiels.
Mais il reste égal à lui-même. C’est à dire résolument satirique et burlesque. Comme s’il jonglait avec l’humour noir. Sans aucun doute, une douleur infinie qui s’exprime ainsi.
D’ombre et de lumière, « Le Recueil des ossements » est la prononciation d’une mort emblématique qui adviendra grâce aux coutumes taïwanaises. Ce livre est un levier. L’initiation, l’osmose avec la Mère. Un périple hautement symbolique. Le tissage taïwanais, en filigrane : Osho qui, ici, est le détonateur des épreuves salvatrices pour un narrateur intriguant, tourmenté, mais formidablement maître de lui-même. Un livre rare au courage éditorial hors norme, tant il est un pas de côté original. Traduit à la perfection du chinois et doté d’une postface par Emmanuelle Péchenart. Publié par les majeures Éditions Marie Barbier.
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