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Je me suis promené hier dans la ville de Lilium. J'y ai rencontré des femmes et aussi des hommes. Il y avait une artiste prénommée Evangéline, Oscar, un ours perspicace et bavard comme un enfant l'imagine. Louis, un jeune garçon sensible, ô combien rêveur. Et puis son ami Arthur, qu'il imaginait parfait, mais c'était réducteur.
Je me suis promené hier dans l'école de Lilium. Il y avait des femmes et aussi des hommes. Il y avait de la joie, de l'envie, du bonheur. Mais j'y ai vu une ombre cachée en son coeur. Une haine tenace pour ce qui n'est pas la norme. Un besoin injustifié d'un monde uniforme. Ce monstre innommable qui veut jeter l'opprobre. Existe hors de Lilium, dans des contrées plus sobres. Aux coins de nos rues, elle prétend tracer. Une démarcation tendue pour mieux rejeter. Ces êtres qui ne répondent pas aux critères. Imposée par des dieux, par des êtres sectaires. Ceux qui la suivent ont l'air d'oublier. Que c'est la nature qui nous a formés. Qu'elle nous voulait unique et aussi singulier. Que la vie d'un être ne s'arrête pas à sa sexualité.
Je suis promené hier dans la forêt de Lilium. Il y avait des créatures, mais très peu d'hommes. Les chemins imaginaires que j'ai empruntés. M'ont conduit invariablement à rencontrer. Des êtres uniques par l'imagination façonnée. Un décor gothique en guise d'habitat. Permit au jeune Louis de comprendre ses états. D'âme, il en avait plus que besoin. La violence physique l'y avait contraint. Contraint de s'interroger sur ses sentiments. D'admettre la nature de son emballement.
Je suis promené hier dans le roman "Lilium". Ai été touché par l'histoire de ce môme. Qui ne peut être lui à cause de la norme. À cause de ces êtres aveuglés par un dogme. Chaque mot m'a semblé faire mouche. L'ambiance singulière a l'allure d'un croquembouche. Elle prépare le lecteur au dépaysement. Que cette forêt fera naître immanquablement.
J'ai refermé "Lilium", la tête emplie d'images. En multipliant les références, parfois les moins sages. L'auteur nourrit son oeuvre, grandit son feuillage. L'encre, le lierre, symboles de sa plume. Offrent au lecteur le temps du recul.
"Nature déchaînée,
Le déferlement de toute une vie...
Écume d'un double hémisphère,
Les vagues coïtent à l'infini..."
"Mes nuits sont des songes
Aux pupilles dénuées de paupières ;
Cernes béants dans la neige,
Creusés par les effets secondaires ;
Au nord de l'obscurité, l'écho des voix...
Et l'effroi t'entend murmurer
Un long chemin de croix."
Ces quelques vers qui introduisent respectivement "Amniotiques, les vagues" et "Hémorragie psychique", je les ai choisis pour introduire ce billet car ils donnent, à mon sens, non pas une idée de ce que renferme le recueil mais un ensemble de sensations qui ne manqueront pas de suivre le lecteur tout au long de ces cinquante pages. "Partager l'ombre" est un recueil relativement court, mais l'intensité que l'auteur a mis dans chacun de ses vers vous incitera immanquablement à lire chaque poème plusieurs fois. "Partager l'ombre" est un recueil entre ombre et lumière, entrecoupé de respirations en prose qui donnent du liant à un tout abouti, maîtrisé d'un bout à l'autre et dont les références littéraires, bibliques et mythologiques sont d'une incroyable richesse.
On décèle bien évidemment une filiation derrière ces mots, mais Quentin ne dissimule pas son héritage littéraire et accordent de la place à ceux qui l'ont influencé au gré de références, de citations, de "clins d'oeil" dans les titres des poèmes même si ces derniers servent la thématique sans forcément nourrir la plume.
Au-delà de la versification, des rimes, des aphorismes et autres allitérations dont la musicalité suscite souvent l'admiration ("Endorphine", "Partager l'ombre"), on se prend à essayer de déceler la limite entre le moi littéraire et le moi personnel. Certains poèmes déroutent, intriguent, prêtent à réflexion (Amniotiques, les vagues", "Dyade"). Quelle est donc la part autobiographique ?
Dans la première partie du recueil, l'ombre est épaisse, presque poisseuse comme peut l'être le sang de la vie qui coule dans nos veines ou celui qui s'écoule lorsque la mort survient. Puis arrive la première respiration, "Dionysiaque", au cours de laquelle un sentiment d'euphorie gagne le lecteur autant (?) que le narrateur. De ce mélange de corps surgit l'espoir, un désir masqué - au sens propre comme au figuré - qui va légèrement colorer la tonalité générale et plonger le lecteur dans une boucle, une succession de cycles dans lesquels transparaît cet état "d'entre-deux", ce passage d'un état à l'autre, de la vie à la mort (parfois l'inverse), une sorte de danse marquée par une dualité prégnante, une fascination-répulsion pour la grande inconnue.
La mort nous lie tous, mais dans la vie tous est lié. Dans "Partager l'ombre", c'est précisément ce cas de figure. Les poèmes se répondent, se complètent, se séparent pour mieux renouer, forment un ensemble que l'on ne peut fragmenter. De cette volonté, de ce parti-pris, naissent des joyaux : "L'accord majeur", "Rubescent" ou "Hémorragie psychique", soit mon trio de tête.
Que dire de plus qui ne m'entraînerait pas dans une analyse trop poussée, forcément source de "révélations" dommageables à la curiosité et au plaisir des futurs lecteurs de ce recueil ? Ah si, peut-être, que j'avais déserté le champ pourtant fleuri de la poésie depuis quelques années et qu'en choisissant comme destrier ce recueil de Quentin Westrich, je suis remonté à cheval de la plus belle manière.
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