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Thierry Laget nous conte les détails de la remise de ce prix Goncourt qui a été, c'est le moins que l'on puisse dire, très controversée. Il nous fait d'abord entrer dans les coulisses du prix Goncourt lui-même à travers la tentative avortée de Proust de se faire consacrer en 1913 pour "Du côté de chez Swann". Finalement cela sera pour 1919 avec "A l'ombre des jeunes filles en fleurs". Mais en 1919, tout a changé, la guerre est passée par là…
A travers des extraits de journaux et de lettres, nous apprenons donc dans quelles conditions Proust s'est fait remettre ce prix et les critiques qui en ont résulté. Thierry Laget nous fait découvrir avec un regard un peu ironique, les rivalités entre les candidats potentiels, en particulier Roland Dorgelès, le favori pour son roman "Les croix de bois", sur la Première Guerre Mondiale. On lit avec délectation les détails sur l'imbroglio lié à la concomitance du prix Femina que Roland Dorgelès finit par recevoir.
Nous en apprenons plus aussi sur Marcel Proust qui essaye de se donner des airs de blanche colombe alors qu'il fait campagne comme les autres pour recevoir le Goncourt, et on lit avec plaisir toutes les critiques que la presse a pu faire concernant "A la recherche du temps perdu". On reproche ainsi à Proust d'avoir eu l'outrecuidance d'écrire un livre sur autre chose que la guerre, de mener une vie oisive (et donc de ne pas avoir fait la guerre). On lui reproche aussi son âge (le prix Goncourt est-il censé récompenser un jeune talent ou n'est-ce pas plutôt un talent jeune ?), la taille de son livre et son style qui fait pourtant sa signature. On sourit d'ailleurs en lisant certaines critiques qui sont encore faites aujourd'hui par ceux qui essayent de se frotter à son œuvre (les phrases à rallonge, la taille des livres…).
Heureusement l'eau a depuis coulé sous les ponts et on a consacré avec le temps cette œuvre magistrale que constitue "A la recherche du temps perdu".
"Proust, prix Goncourt - Une émeute littéraire" est donc passionnant, pour les amoureux de Marcel Proust et ceux de la littérature en général !
La chronique complète sur le blog : https://riennesopposealalecture.blogspot.com/2019/05/proust-prix-goncourt.html
Un livre agréable mais sans plus.
Cette rentrée littéraire sera-t-elle enfin celle de Thierry Laget qui, plus que la plupart de ses contemporains, mériterait ce public audacieux qui croit encore que la littérature, parce qu'elle est le plus exigeant des arts, est aussi le plus grand, offrant tous les plaisirs du seul pouvoir de ses mots... On le souhaite ardemment car il ne faut pas renoncer à croire que les écrivains qui ne sacrifient pas aux courants d'air à la mode ont une chance d'être célébrés. La rareté romanesque de Thierry Laget, à l'aise dans des formes moins narratives comme l'a prouvé le splendide Bibliothèques de nuit paru chez L'Un & l'autre l'an dernier, rend encore plus savoureuse la rencontre : La lanterne d'Aristote qui paraît en ce mois de septembre conjugue les bonheurs du roman, inventif et joueur, et les ivresses d'une littérature qu'on veut croire immortelle. Mais que l'on n'aille pas imaginer que Laget encombre de références son livre comme serait tenté de le faire un néophyte enivré par sa culture, lui n'est pas luisant, il est brillant.
Le héros de l'histoire n'a pas de souci d'argent, c'est toujours un ennui de moins : il a acquis une fortune qu'il ne dépensera pas en voitures et sa désillusion sur le monde d'aujourd'hui lui interdit de jouir des plaisirs passagers que sa richesse lui autoriserait. Le monde d'hier est plutôt son territoire, voire le monde d'avant-hier auquel son érudition l'a frotté. Mais point de cynisme, plutôt un détachement et de l'ironie qu'il n'hésite pas à exercer contre lui-même, surtout que le repli stratégique qui le confine dans la fabuleuse bibliothèque d'une belle comtesse énigmatique dont il n'est pas certain de vouloir tomber amoureux ne le coupe pas du monde. De sa tour ivoirée, il voit au loin une lumière du château sans savoir qui elle éclaire. Car s'il parle, s'il écoute volontiers, il ne démêle pas les fils des relations nouées entre les habitants de l'endroit. D'Azélie la comtesse mal mariée à la marchande des quatre saisons qui se rêve écrivain, en passant par le facto ton des lieux, la cuisinière, la marionnettiste, la guide bavarde, les maris répudiés, les amants emprisonnés, c'est toute une scène qui s'anime devant nous en un jeu de miroirs, un carrousel de figures qui se cachent et éprouvent la naïveté d'un homme, à l'aise face aux portraits d'ancêtres qui encombrent les couloirs mais qui en sait peut-être trop pour tout comprendre. La lanterne d'Aristote est le genre de livre qui nous rendrait facilement lyrique ou bavard, et ce serait là aussi le trahir, car sans cesser de jouer avec les codes de la littérature, nous renvoyant dans tous les âges de celle-ci d'un épisode à l'autre, il accepte la principale règle du jeu : raconter. Les fantômes de Proust ou de Stendhal si chers à Laget ont beau nous frôler, ils ne s'imposent pas, ils ne diminuent pas notre plaisir à parcourir avec lui les couloirs de son château rempli de livres et de lettres, fort de cette idée qu'un roman n'a pas de fin, qu'un écrivain en prolonge un autre, qu'un livre est l'enfant de tous les autres, les plus vils comme les plus grands. Cette foi en la littérature, en son perpétuel renouvellement inspire ce roman souvent drôle, d'un style remarquable (vous savez le style, cet aspect de la littérature qui semble déserter nos rentrées...), d'un souffle continuel, entre mélancolie et optimisme. Ce serait un désastre que cette lanterne n'éclaire pas notre automne, les livres intelligents sont trop rares pour laisser croire qu'ils ont tout leur temps.
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