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Version grecque du « tavla » turc, autrement dit du backgammon, le « tavli » est un élément central dans la vie du commissaire Stavros Nikopolidis, héros de trois polars de Sophia Navroudis.
Au-delà de l’enquête policière, les joueurs de backgammon suivront avec intérêt les trois phases du jeu : les portes, le « plakoto » (le plaqué) et le « fevga » (la fuite).
« Au jeu des portes comme dans la vie, c’est à toi d’éviter les bêtises qui t’enfermeront entre quatre murs, et au tavli entre quatre portes », enseigne Stavros à son jeune fils. Sur un jeu de son grand-père maternel qui « était arrivé de Smyrne en 1923 dans une Grèce étriquée et continentale qui rejetait les réfugiés de son sang avec son seul tavli sous le bras. Déraciné, exilé, le vieux avait appris à jouer à son fils et son petit-fils. Chaque fois que Stavros claquait un pion sur le bois sombre, retentissait à ses oreilles, complainte lointaine, berceuse enfantine, l’éco des voix d’Anatolie. »
Toute la philosophie du jeu de tavli transparaît dans l’ouvrage et c’est un régal.
C’est le premier soir de déconfinement à Athènes et le commissaire Stavros Nikopolidis se réjouit de son dîner au restaurant. Au même moment, presque sous ses yeux, au pied de l’Acropole, un Chinois est assassiné et la soirée du commissaire est fichue.
Le commissaire comprend très vite qu’il s’agit d’une délinquance en col blanc. La spéculation immobilière, les désirs d’hégémonie de la Chine, la corruption dans les milieux politiques sont au cœur de ce polar. Il faut boucler cette affaire sans froisser les Chinois dont l’impact économique est majeur. Mais l’intrigue est un peu trop compliquée pour un lecteur lambda comme moi. Les personnages chinois sont assez stéréotypés et les situations plutôt clichés.
Tout l’intérêt de ce roman est dans la description de la société grecque, exsangue au sortir de la crise économique et que la pandémie enfonce un peu plus. Les Chinois en ont profité pour acheter des pans entiers de l’économie au prix le plus bas. Seuls les élites, en magouillant, s’en sortent mais le commissaire et son équipe sont plus proches des petites gens que des riches.
J’ai beaucoup apprécié le côté documentaire de ce polar et tant pis pour la faiblesse de l’intrigue.
https://ffloladilettante.wordpress.com/2021/12/05/stavros-sur-la-route-de-la-soie-de-sophia-mavroudis/
Troisième tome des enquêtes de Stavros Nikopolidis après Stavros et Stavros contre Goliath. Si j'ai pu émettre des réserves sur le premier, je trouvais que le flic mettait un peu de temps à s'installer, il est devenu dans les deux romans suivants l'un des flics récurrents les plus intéressants et l'un de ceux que j'ai hâte de retrouver. D'abord parce que Sophia Mavroudis a bâti autour de lui une équipe soudée et originale: un hacker reconverti (Eugene), un piréote taiseux (Servedis) qui fume clope sur clope, un facho (Glykas) -qui se calme un peu- et une flique surentraînée qui veille jalousement sur son chef (Dora) sans oublier un grand chef (Livanos) frileux dès qu'on touche aux puissants mais qui sait suivre et soutenir ses enquêteurs.
Ensuite, parce que ses romans et celui-ci sans doute plus que les autres, sont ancrés dans la dure réalité de la Grèce qui, ruinée, a dû céder aux injonctions des Européens : "Nous sommes devenus le pays de la dette, défini par la dette, comme du bétail marqué au fer rouge ! Nous avons vendu nos entreprises en faillite et nos maisons pour une bouchée de pain aux rapaces qui les ont revendues dix fois le prix ou en font des Airbnb.Nous fuyons le centre-ville où les loyers sont inabordables. Les Chinois profitent de notre vulnérabilité. Nous ne sommes rien pour eux, qu'un pion dans leur stratégie, la tête de pont de leurs profits. [...] La Grèce est au cœur du projet chinois d'une nouvelle route de la soie qui relie l'Asie à l'Europe par voies terrestres, ferroviaires et maritimes. Nous sommes le premier pays européen en Méditerranée après le canal de Suez et la porte d'entrée de Pékin en Europe." (p.53/54/55)
C'est passionnant, davantage qu'un essai géopolitique sur la question des relations entre la Grèce et la Chine, parce qu'incarné par des héros qu'on connaît et forcément romancé puisque toute ressemblance est fortuite. La charge est violente parfois, la diatribe désabusée et les Grecs seuls face à leurs difficultés et face à ceux qui cherchent le profit sans se soucier du malheur qu'ils ne font qu'augmenter.
Cette enquête n'est pas banale, Stavros va devoir beaucoup en demander à Eugene le geek, car tout se passera par écrans interposés, sans que le rythme du livre n'en pâtisse, au contraire. Elle réserve rebondissements, fausses pistes et surprises jusqu'au bout et se love formidablement dans le contexte social et géopolitique. Du grand noir, de ceux que j'aime particulièrement, qui, à l'instar d'un Henning Mankell -pour ne citer que lui parce que c'est l'un de mes préférés-, parlent de la société et de ses évolutions pas toujours souhaitables, de ses dérives.
C’est toujours un plaisir de retrouver un personnage comme le commissaire Stavros Nikopolidis. Fort en caractère, intègre, juste et amoureux de son pays. L’enquête que devra mener le commissaire et intimement reliée à l’investissement économique chinois en Grèce. Quand on retrouve le corps de monsieur Lee, investisseur immobilier chinois au pied d’un hôtel encore en construction, on sait déjà que l’enquête va nous mener dans les hautes sphères politiques et financières d’un pays qui peine à se relever de la crise. Ce que j’aime dans les romans policiers de Sophia Mavroudis c’est son regard sans concession sur un pays qu’elle connaît bien. On profite ainsi de tout ce qui fait la Grèce et les grecs. Le passé antique y tient une place de choix avec de nombreuses références aux poètes et philosophes grecs. Mais aussi on apprend à connaître les « petites gens » comme Matoula la patronne du café où Stavros aime venir quotidiennement où encore comme sa voisine qui a du mal à s’en sortir financièrement. On comprend mieux ce que peut être que de vivre dans un pays où tout est à vendre jamais au bénéfice de la population. L’auteur choisit toujours des thèmes importants qui gangrènent la société grecque, comme le vol du patrimoine archéologique dans « Stavros », l’immigration dans « Stavros contre Goliath » ou les investissements chinois dans ce troisième opus. On retrouve aussi ses collaborateurs sans qui l’enquête n’avancerait pas aussi vite : Dora, l’ancienne des forces spéciales, Eugène le hacker et Nikos le petit Albanais et bien entendu son étrange et détestable supérieur, l’inspecteur Livanos. Un polar aux couleurs helléniques qui nous transporte aux portes de l’Orient mais encore en Europe faisant apparaître la problématique du « péril jaune » plus présente que jamais. Un savoureux moment de lecture.
http://latelierdelitote.canalblog.com/archives/2021/10/14/39162179.html
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