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Sevgi Soysal (1936-1976) est une écrivaine turque qui a été surveillée par les autorités, certains de ses livres ont été interdits, parce qu'elle parle des relations hommes-femmes d'une manière féministe, qu'elle critique les institutions comme le mariage et le rôle subalterne de la femme ; elle a même fait des séjours en prison. Elle s'est mariée trois fois et est décédée en 1976 d'un cancer. Elle a écrit Tante Rosa en 1968. Toutes ces informations sont à retrouver dans la postface écrite par la traductrice Claire Simondin qui y livre également d'autres détails concernant l'auteure mais aussi son travail de traductrice.
Tante Rosa est un court roman construit comme une suite de petits chapitres, presque des nouvelles qui ont en commun l'héroïne et quelques personnages récurrents comme les maris et qui se suivent chronologiquement. Point de liaison entre ces chapitres, ce qui peut donner une impression de livre fourre-tout, de construction hâtive et bancale, mais en fait, c'est tout le contraire qui se passe, le charme de ce roman est augmenté par sa structure. Je ne sais pas trop comment l'expliquer, mais j'ai beaucoup aimé retrouver Rosa à différents moments de sa vie sans savoir ce qui s'était passé juste avant : c'est un puzzle dont le lecteur peut chercher s'il le veut, les pièces manquantes, les construire lui-même avec son imagination ou bien se laisser gagner par la sympathie que dégage Rosa sans en savoir plus sur elle, lui laisser une part de mystère...
Elle est attachante Rosa, iconoclaste, elle ne respecte aucune convention, c'est une femme libre jusqu'au bout. Rien ni personne ne l'attache et surtout pas les règles et les codes, une féministe-innée, c'est-à-dire qu'elle ne se pose même pas la question de savoir si ce qu'elle fait est bon pour la cause des femmes, elle le fait parce qu'elle ne peut pas faire autrement. Elle est libre d'aimer, de quitter mari et enfants, de vivre seule, d'aimer de nouveau. Mais elle paiera assez cher cette indépendance, vivra sans le sou toute sa vie. Une phrase du roman la résume assez bien (quoiqu'elle soit forcément réductrice) : "Chacun doit être capable de ne pas laisser échapper ce qui le différencie des autres." (p.74)
Un texte assez simple, virevoltant, dynamique, cru (à ce propos, lisez la postface très instructive sur le travail de traduction) même si la vie de Rosa est dure. La langue exsude l'énergie de Rosa, c'est ce que j'ai retenu d'elle. Même dans les moments difficiles, son énergie la pousse à agir et réagir, à ne pas se laisser abattre. Une femme solide tant par ses gènes que par choix ou nécessité.
Ce n'est a priori pas le plus subversif des livres de Sevgi Soysal, il n'a pas été censuré contrairement à d'autres, mais le publier maintenant est une bonne idée, je ne suis pas sûr que dans certains pays il ne serait pas interdit, cinquante ans après sa première parution. Il prône la liberté de la femme et sa totale indépendance vis-à-vis des hommes, thèmes encore tabous voire blasphématoires pour certains.
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