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On pensait qu’il allait revenir, est un récit issu d’un entretien mené par Jean-Baptiste Péretié, dans le cadre de la collection « Mémoires de la Shoah », initiée par l’Institut national de l’audiovisuel et la fondation pour la Mémoire de la Shoah.
Serge Klarsfeld, né le 17 septembre 1935 à Bucarest en Roumanie, ce grand avocat connu du monde entier, ce traqueur infatigable d’anciens nazis et responsables de la Shoah, cet homme qui a lutté sans faiblir jusqu’à la reconnaissance de la responsabilité de l’État français dans l’arrestation et la déportation de nombreux Juifs sous l’Occupation, en résumé ce militant de la mémoire de la Shoah, a fait ce témoignage en qualité de fils de déporté.
C’est un récit plutôt intime qu’il nous livre, pour continuer comme il l’écrit en préface « à faire vivre la mémoire de ceux qui, à l’image de mon père, sont morts en déportation ; c’est aussi faire vivre la mémoire de ceux qui ont survécu, à l’image de ma mère, ma sœur et moi-même, comme de ceux grâce à qui ils ont survécu. »
Ses parents, Arno et Raïssa, sont nés à peu près à cent kilomètres de distance, lui en Roumanie et elle en Bessarabie, alors dans l’Empire russe. Ils sont issus de milieux bourgeois plutôt aisés.
Raïssa est arrivée à Paris en 1920 pour faire ses études à la Sorbonne et Arno est venu en France en 1924. Ils se rencontrent dans un dancing, rue de la Huchette, c’est le coup de foudre. Ils se marient en février 1929 et mènent une vie insouciante à Paris. Ils auront deux enfants Georgette Mireille née à Paris en 1931 et Serge né à Bucarest en 1935.
Au fil des pages, le récit, tout en dévoilant les souvenirs de ce petit garçon qu’était Serge lors de la déclaration de guerre, nous conduit pas à pas aux sources de son engagement.
J’ai apprécié la sincérité de ce témoignage assez poignant qui permet de comprendre l’évolution de la pensée de ce jeune garçon dont l’enfance a été percutée par la Shoah, cet enfant qui n’avait pas la moindre conscience d’être juif.
Il raconte avec justesse, entre autre, l’incrédulité de son père devant l’arrivée des Allemands à Nice le 8 septembre 1943 et c’est seulement en voyant comment étaient organisées les rafles qu’il décidera de prendre des mesures, et de fabriquer une cache derrière l’armoire , le scénario étant arrêté et le déroulement répété au cas où la Gestapo viendrait.
La rafle de nuit dans leur immeuble s’est déroulée le 30 septembre, le père de Serge est arrêté tandis que sa mère, sa sœur et lui-même ont eu le temps de se cacher… Une plaque a été posée sur cette maison où ils ont habité, le 8 mai 1975.
C’est avec beaucoup d’émotion qu’il relate ce moment de l’arrestation, cette nuit restant pour toujours gravée dans sa mémoire. D’autant que son père, arrivé à Drancy le 3 ou 4 octobre est parti le 28 octobre par le convoi 61 vers Auschwitz…
Il redit la chance qu’il a eu de s’en sortir et cela restera en arrière-plan toute sa vie.
C’est extrêmement poignant de lire la réaction de Serge lorsqu’il a appris par sa mère, sans preuve absolue, que son père était mort : « Je ne crois pas que j’ai pleuré à ce moment-là, mais j’ai arrêté de croire en Dieu. »
Après ces longues pages sur la guerre, la vie difficile après l’annonce, la rencontre avec Beate Künzel en mai 1960 avec qui il se mariera en 1963 va changer la vie de Serge. De leur union naîtront Arno et Lida.
Je ne peux qu’être admirative du parcours de Serge Klarfeld, qui malgré ce qu’il a vécu a su dès ses études abandonner ses préjugés sur l’Allemagne, et a compris, notamment grâce à un petit livre La Rose blanche d’Inge Scholl, que tous les Allemands n’étaient pas nazis et qu’il fallait juger les gens d’après ce qu’ils étaient : « Je jugerai les gens sur ce qu’ils sont et pas sur leur étiquette ou leur couleur de peau ».
Témoigner, aujourd’hui, c’est une façon de perpétuer son père et d’évoquer aussi l’Association des Fils et Filles de déportés créée en 1979, présidée par Serge et Beate Klarsfeld et conçue pour faire valoir les droits des descendants des déportés juifs de France pendant la Seconde guerre mondiale.
Pour clore ce bouquin, petit par le nombre de pages mais dense et riche en enseignements sur l’itinéraire de cet homme et sur le choix de ses combats, son désir de justice, de mémoire et de réparation, une trentaine de pages comportant des photos commentées, mais aussi des documents d’époque, des listes, des lettres apportent un plus très intéressant.
Je remercie vivement Babelio et Flammarion/INA pour cette lecture très instructive.
À ce jour cependant, une chose me demeure incompréhensible : comment cet ancien chasseur de criminels nazis, qui a joué un rôle considérable dans l’édification de la mémoire de la Shoah en France et la condamnation des hommes de Pétain, peut-il se dire prêt à voter RN ?
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/06/serge-klarsfeld-on-pensait-qu-il-allait-revenir.html
Dans ce livre nous découvrons l'incroyable combat d'une allemande qui aux côtés de son mari juif se bat pour poursuivre les responsables nazis de l'holocauste
Après tant d’années de luttes, de brimades, d’incompréhension mais aussi de victoires contre l’oubli, Beate et Serge Klarsfeld ont raconté cette vie, loin d’être finie, dans un livre qu’il faut absolument lire d’abord pour ne pas laisser oublier tant de malheurs, tant de meurtrissures irréparables, ensuite pour que de tels cauchemars ne se reproduisent plus alors que tout pousse à le craindre.
Le récit est rythmé, alternant entre Beate et Serge, chacun dans son rôle mais tellement complémentaires. Fille de Kurt, fantassin dans l’armée allemande, et Helen Künzel, Beate est berlinoise. Ses parents avaient voté Hitler « comme les autres et ne se reconnaissaient aucune responsabilité dans ce qui s’était passé sous le nazisme. » Après 1945, ils se plaignaient de ce qu’ils enduraient : « Jamais un mot de pitié ou de compréhension à l’égard des autres peuples… »
C’est à Paris, en mai 1960, qu’elle rencontre Serge alors qu’elle est fille au pair : « Il me plaît tout de suite par son sérieux comme par sa fantaisie. » C’est lui qui lui apprend l’histoire de son pays et, reconnaît-elle : « C’est ainsi que j’entre en contact avec la réalité terrifiante du nazisme. » Elle voyage puis se marie, à Paris, le 7 novembre 1963. Elle travaille à l’OFAJ (Office franco-allemand de la jeunesse) et Serge est assistant de direction à l’ORTF, la télé à l’époque.
À son tour, il raconte une enfance marquée par la traque des Juifs par la Gestapo, parle de Nice où sa famille a cru trouver la tranquillité, de son père, Arno, qui se sacrifie pour sauver les siens. Il est emmené vers la mort, à Auschwitz, le 2 octobre 1943. Son récit foisonne d’événements, d’anecdotes révélatrices sur les conditions de vie, comme à Saint-Julien Chapteuil, en Haute-Loire, où sa mère les a emmenés avant un retour à Paris, ville enfin libérée. Leur appartement a été pillé et il est occupé. L’errance reprend.
Lors des obsèques de Xavier Vallat, devant les grilles du cimetière de Pailharès (Ardèche), Serge et Beate Klarsfeld étaient bien seuls, en 1972, pour rappeler le passé du Commissaire aux Questions juives du gouvernement de Vichy, (1941-1942), ayant contribué à doter la France d'une législation antisémite la plus élaborée et la plus sèvère d'Europe.
Ces deux vies se conjuguent et se complètent dans l’action et la recherche avec une Beate au courage incroyable lorsqu’elle réussit à hurler : « Kiesinger, Nazi, abtreten ! (démisssionne) » en plein Bundestag où l’ancien Directeur adjoint de la propagande hitlérienne vers l’étranger devenu Chancelier doit s’exprimer. Cette même année 1968, elle écrit : « La réunification est naturelle et souhaitable ; de plus, elle est inévitable… Nous voulons une réunification pacifique qui permette à l’Allemagne sans armes nucléaires d’être l’indispensable pont entre l’Est et l’Ouest. » Un peu plus tard, elle gifle cet homme en public pour « témoigner qu’une partie du peuple allemand, et surtout la jeunesse, est révoltée par la présence à la tête du gouvernement de la République fédérale d’Allemagne d’un nazi… »
Lister toutes les actions entreprises ensuite par Beate et Serge serait beaucoup trop long mais c’est une histoire toute récente où l’on retrouve Kurt Lischka, Herbert Hagen, Aloïs Brunner, Josef Mengele, Klaus Barbie, Paul Touvier, René Bousquet, Maurice Papon... C’est surtout un combat acharné pour que les Fils et filles de déportés ne soient pas spoliés une seconde fois après avoir tout perdu.
Partisan d’une vérité historique impartiale, Serge Klarsfeld remet beaucoup de choses au point en basant toujours ses affirmations sur ses sources, citées précisément, après d’intenses et énormes recherches, luttant sans cesse contre les pesanteurs administratives et les collusions politiques. Ils l’affirment tous les deux : ils militeront jusqu’à la fin, bien relayés par leurs enfants, Arno et Lida. La Fondation pour la Mémoire de la Shoah rappellera toujours que, si 3 millions de Juifs ont survécu, 6 millions ont été assassinés : « Il s’agit d’un drame de la civilisation occidentale… Il s’agit d’un drame de la nature humaine ouvrant de terribles perspectives sur l’infinie capacité de l’homme « civilisé » à faire le mal. »
Concluons cette trop courte chronique mais son but n’est pas de tout dire car il faut lire et faire lire Mémoires de Beate et Serge Klarsfeld en laissant la parole à ce dernier : « Comme historien, au lieu d’une mémoire floue, tronquée, mutilée, abîmée, dénaturée, bafouée, j’ai pu imposer une mémoire authentique, restituée, réhabilitée, précise et fidèle. »
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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