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Sedef Ecer

Sedef Ecer
Née à Istanbul, romancière, auteure dramatique et scénariste, Sedef Ecer pratique plusieurs formes d'écriture en turc et en français: théâtre, cinéma, télévision, radio. Ses pièces sont traduites et jouées dans de nombreux pays.

Avis sur cet auteur (3)

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    Couverture du livre « Trésor national » de Sedef Ecer aux éditions Lattes

    Alexandrine sur Trésor national de Sedef Ecer

    Le pitch
    La narratrice Hülya, devenue Julya, a quitté Istanbul à 16 ans pour s’installer à Paris. Mariée à un Français, totalement acculturée, elle n’a plus de lien ni avec son passé ni avec sa mère, Esra Zaman, une célèbre actrice du cinéma turc. Cette dernière, sur le point de mourir lui...
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    Le pitch
    La narratrice Hülya, devenue Julya, a quitté Istanbul à 16 ans pour s’installer à Paris. Mariée à un Français, totalement acculturée, elle n’a plus de lien ni avec son passé ni avec sa mère, Esra Zaman, une célèbre actrice du cinéma turc. Cette dernière, sur le point de mourir lui adresse une demande : écrire quelques pages qui seront lues au cours d’une cérémonie-hommage dont la diva règle les moindre détails avant son trépas proche. Julya commence par refuser mais les souvenirs remontent à la surface. Elle s’adresse à sa mère et ainsi naît le roman.

    L’environnement géopolitique
    Sedef Ecer nous entraîne dans une quête familiale, quasiment tribale vu le nombre d’amis que compte la tribu qui entoure Esra, ponctuée par trois des coups d’État dont la Turquie moderne est coutumière. Celui du 27 mai 1960 marque la rencontre de la diva avec le photographe Ishak qui deviendra son mari et cinq ans plus tard le père de la narratrice, celui du 12 mars 1971 au cours duquel Ishak « disparaît » à l’instar de nombreux militants, intellectuels et artistes turcs et celui du 12 septembre 1980 qui reste dans toutes les mémoires. La fin de l’histoire aura lieu durant le putsch raté de 2016.

    Les personnages
    Cette quête d’identité est facilitée par les divers objets que lui apporte à Paris la fidèle Nilüfer. En particulier le sac en cuir marron appartenant à Ishak et qu’Esra a demandé à son amie de remplir d’objets marquants. Par exemple, le trophée « Trésor national » attribué à Esra lorsque celle-ci était encore en odeur de sainteté vis à vis du pouvoir. Mais aussi des photos. L’occasion pour la narratrice d’évoquer les proches de la diva en de courts chapitres qui chacun à sa manière dévoile en creux une partie de la personnalité de l’actrice.
    « Il y a ceux que tu appelles “les miens”. Ceux qui t’ont accompagnée à tes moments de fulgurance et de stagnance, de divagations et d’errances, ceux qui ont connu tes joies et tes malheurs. »
    On y découvre par exemple une incroyable Bahar dont Julya dit : « La seule personne au monde à connaître tout de mon enfance : ma varicelle, mes plats préférés, mon premier jour d’école, mon premier tour en vélo, ma première cuite, mes chagrins d’amour, mes concours de karaté, mon départ de la maison. »
    Bahar, première transgenre de Turquie (dans le roman), que la diva avait repérée dans un cabaret où elle se produisait. Un portrait magistral qui n’est pas sans rappeler Bülent Ersoy la célèbre chanteuse transgenre, bien réelle, elle, dans la Turquie contemporaine.

    Le style et l’autrice
    Chacun des fidèles d’Esra, Aziz, Firat, Nilüfer… est passé au crible de l’auteur avec une maîtrise parfaite de l’art du portrait. Sedef Ecer s’offre même le luxe de décrire un épicier salafiste parisien plus vrai que nature : il vend de l’alcool. « C’est très demandé, je ne peux pas faire autrement. » En toile de fond, Ismaïl, comme une ombre maléfique planant sur le tableau…
    Le roman s’ouvre sur des phrases courtes, presque sèches, qui s’enrichissent au cours des chapitres. Comme si la narratrice se nourrissait de son passé au fil de l’histoire. Les analepses offrent une respiration bienvenue dans une histoire tant individuelle que nationale mouvementée. Au travers de la quête de la narratrice, c’est l’histoire de la Turquie contemporaine qui se déroule sous nos yeux de lecteurs. Une Turquie bien éloignée des clichés orientalistes ou des dépliants touristiques. Mais Sedef Ecer nous convie aussi, mine de rien, à une formidable rétrospective cinématographique et théâtrale ce qui finalement n’est guère étonnant pour la dramaturge, scénariste et metteuse en scène qu’elle est. Dans les remerciements, on trouve cité, entre autres, Mahir Güven (Grand Frère, éd. Philippe Rey, 2017. Prix Goncourt du premier roman 2018) et ça non plus ce n’est guère étonnant.

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    Couverture du livre « Trésor national » de Sedef Ecer aux éditions Lattes

    Bernault Jean-Serge sur Trésor national de Sedef Ecer

    " Papa est mort et je ne te le pardonnerai jamais."

    " J'ai cette image de lui, du dernier jour où je l'ai vu, lorsqu'il partait pour ce reportage, le lendemain d'une soirée arrosée que vous aviez passée à la maison. J'avais pourtant six ans mais cette image de lui intacte avec tous les...
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    " Papa est mort et je ne te le pardonnerai jamais."

    " J'ai cette image de lui, du dernier jour où je l'ai vu, lorsqu'il partait pour ce reportage, le lendemain d'une soirée arrosée que vous aviez passée à la maison. J'avais pourtant six ans mais cette image de lui intacte avec tous les détails, ses longues mains fines, ses yeux tendres derrière ses grandes lunettes, sa chemise beige, ses cheveux qui sentaient bon, tout est encore parfaitement net dans mon souvenir et ce dernier portrait reste minutieusement imprimé dans ma rétine. Sa voix est claire, son parfum est délicieux, un after shave qu'il ramenait de Paris avec un bateau sur le flacon. Il m'embrasse, il t'embrasse, il prend le sac marron posé dans l'entrée (celui que le gérant de l'hôtel t'a renvoyé plus tard et que tu m'as envoyé à Paris avec les affaires), il descend, je le regarde par la fenêtre, il nous regarde, nous envoie deux baisers volants que nous faisons semblant d'attraper au vol, il monte dans sa voiture et s'en va."

    Ces deux extraits me semblent bien "résumer" ce livre. La narratrice Hûlya parviendra-t-elle à pardonner à sa mère, une célèbre actrice turque, ce qui va arriver à son père ?

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    Couverture du livre « Trésor national » de Sedef Ecer aux éditions Lattes

    Géraldine C sur Trésor national de Sedef Ecer

    Je n'ai pas encore fini de lire tous les romans de la rentrée littéraire de septembre que j'avais repérés, que nous voilà en janvier, abordant les sorties de cette rentrée d'hiver. Et je commence par un joli roman qui une fois n'est pas coutume sur le blog nous emmène en Turquie. Trésor National...
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    Je n'ai pas encore fini de lire tous les romans de la rentrée littéraire de septembre que j'avais repérés, que nous voilà en janvier, abordant les sorties de cette rentrée d'hiver. Et je commence par un joli roman qui une fois n'est pas coutume sur le blog nous emmène en Turquie. Trésor National sort le 12 janvier, son auteure Sedef Ecer est une femme de lettres turque, qui s'est essayée à diverses forme d'écritures, articles, billets d'humeurs, chroniques aussi bien que « micro-nouvelles » ou encore recueils de mails, scenarii de longs métrages, ou encore documentaires, aussi bien en turc qu'en français. Elle est désormais romancière et compte quelques textes dramatiques à son actif. Trésor National est le premier roman qu'elle ait écrit, en français, et elle a mis au service de cette belle fiction – elle affirme dans une brève postface que ses personnages relèvent de la fiction pure – ses talents de comédienne autant que d'écrivaine.
    Dès le début, les choses sont claires. On rentre dans la tragédie, sa dimension mythique, d'une famille turque. Avec la voix narrative qui fait office de choeur, de coryphée. Electre qui raconte Clytemnestre, sa mère. Trois coups d'état, trois actes, les jalons sont posés, à peine la pièce commence, que cela s'annonce d'or et déjà éclatant, flamboyant. à l'image de ce trésor national, cette mère qui occupe le rôle principal du récit de la narratrice, dépossédée depuis longtemps de sa génitrice, qui appartient à tous, sauf à elle. Ce qui me ravit encore plus, c'est la perspective de ce récit quasi-totalement sous l'égide de figures féminines, qu'elle soit narrative, sujet ou même témoins ou interlocutrices. Plusieurs choses brillantes dans ce roman : l'histoire et la personnalité de cette femme-reine, hors-du-commun, cette « Sultane » pas loin de tenir la place de notre BB à nous, icône incontestable de la scène dramatique turque de cette seconde partie de XXe siècle. La fille reconstruit pièce après pièce de l'histoire l'icône qu'était sa mère, cette actrice qui a vécu ses plus grands rôles sur scène, délaissant celui de mère car personne ne fait vraiment le poids face à Iphigénie ou Clytemnestre.

    Parce qu'inutile de dire que la narratrice de là où elle vit en France revient sur l'histoire de sa mère, du couple formé par ses parents, car la relation mère-fille, de problématique et conflictuelle, est devenue inexistante. J'ai trouvé la recherche de la vérité de Julya extrêmement bien et finement agencée, cette jeune fille écrasée par la personnalité de sa mère – comment faire le poids face à ce Trésor National – elle s'est construite en opposition à elle, et l'âge de la maturité venant, aidé par les années et les kilomètres de séparation, c'est une sorte d'apaisement qu'elle recherche. La vérité sur la disparition de son père, journaliste reporter, qui se fraie doucement le chemin à travers le récit de sa fille apporte à ce roman une pointe de suspens et de mystère bienvenue. Les choses ne s'avèrent pas être comme ce que l'enfant qu'elle était voyait et ressentait, l'âge et les témoignages de l'entourage apportent des lumières nouvelles sur l'histoire plutôt déroutantes.

    Et puis observer la transformation de Julya, anciennement Hülya, qui a abandonné sa peau de jeune fille turque à travers son exil en France, qui a rejeté sa culture autant qu'elle a pu, se transformant en une autre, aidée de son nom marital bien français. Une ambiguïté de celle qui dénonce la vie factice de sa mère, qui vit dans les mensonges, alors qu'elle-même renie son identité. En adoptant tous les codes de ce qu'elle pense être la française pendant des années, ce reniement s'est finalement retourné contre elle la poussant à un retour aux sources. Car finalement, son histoire, comme celle de sa mère est rythmée par les coups d'état du pays, qui à chaque fois, imposent une nouvelle façon de vivre, qui lui permet en tout dernier lieu de reconstruire un fragile pont avec sa mère.

    De nombreux passages en rapport à l'histoire turque, sur laquelle j'ai peu de repères, interviennent évidemment très souvent, qui marque en outre l'histoire de la famille et de la mère, elle en structure d'ailleurs le récit de à travers les trois coups d'état. J'ai particulièrement apprécié cet aspect-là du roman, comme souvent j'apprécie les digressions historiques de pays que je connais peu, d'autant que l'histoire turque est particulièrement dense et riches en influences étrangères. C'est d'ailleurs un trait que la narratrice souligne quelquefois, Istanbul est une ville à deux pieds entre le continent européen et le continent asiatique. Une ville finalement très ressemblante à l'identité de Julya, mi-turque mi-française.

    Comment ne pas aimer ce roman, bourré de qualités, qui nous conte la personnalité de cette divinité, vénérée et adorée par un pays tout entier, de cette famille, qui subit la malédiction d'un pays mu par de multiples influences. Je me suis laissée gagnée avec plaisir par l'effervescence du retour en arrière de Julya, son passé, celui témoin d'un bonheur de vivre dans une Turquie libre et tolérante qui n'existe aujourd'hui guère plus que dans les mémoires. C'est tout autant les retrouvailles avec un pays chéri, qui ne lui concède plus le droit d'y retourner, elle désormais instituée come ennemie politique. C'est, à mon avis, l'un des beaux romans de cette rentrée d'hiver, une belle lecture qui va contribuer à nous aider à passer le cap de cette nouvelle année.

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