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L'Arménien est paru en autoédition en 2017. Son auteur, Carl Pineau, abonné à ma page FB, m'a demandé de le lire et de le chroniquer, ce que j'ai accepté avec grand plaisir et je ne regrette pas du tout. Le style hybride est adapté à chaque personnage car la psy issue d'un milieu bourgeois ne peut s'exprimer avec le même vocabulaire que Bertrand, fils de marin évoluant dans un milieu dont elle ne peut soupçonner l'existence. A noter également l'humour parfois grinçant et déjanté mais tout à fait dans l'atmosphère "roman noir" qui imprègne L'Arménien.
Son ambiance de roman noir mettant en scène des personnages désabusés, pris dans l'engrenage de l'alcool et de la drogue, saupoudré d'un soupçon de fatalisme, est tellement réussie que j'ai parfois eu l'impression d'apercevoir le fantôme de Philip Marlowe créé par le grand romancier américain Raymond Chandler: "Il était à peine onze heures, j’ouvris un tiroir et récupérai la bouteille de Chivas planquée parmi un tas de vieux Playboys. Je me servis dans une tasse à café sans prendre la peine de la rincer, la brûlure de la première lampée alimenta le feu dans mes tripes. Après avoir éteint l’enseigne, je me réfugiai dans la réserve. Je m’affalai sur le stock de boîtes de gel qui traînait là depuis trois ans. Une nouvelle rasade de whisky m’apaisa un peu,je sortis un paquet de clopes de ma poche puis allumai une gitane maïs. J’aimais le goût de ce tabac mélangé à celui de l’alcool." (Page 9).
Son originalité: sa construction à double entrée: imaginons que deux grosses bobines de fils symbolisent l'une l'histoire selon le point de vue de Françoise; l'autre, selon le point de vue de Bertrand. Et pour corser le tout, chacun, dans les chapitres qui lui sont dévolus, alterne flashs-backs et événements du présent. Du coup, l'enquête policière est racontée d'une manière indirecte, conférant au roman une proximité inhabituelle puisque au lieu de suivre les enquêteurs, le lecteur suit deux protagonistes proches du mort. Le lecteur, patiemment, assemble les morceaux de l'intrigue que l'auteur lui délivre peu à peu, comme un puzzle que l'on construit pour obtenir l'image finale....qui, soit dit en passant, n'est pas celle à laquelle on s'attend !!
Tout commence par un article paru dans le journal suite à la découverte du cadavre de Luc Kazian, bien connu dans les milieux nantais sous le pseudo de l'Arménien. Certains détails laissent penser à l'inspecteur Brandt, chargé de l'enquête, que le jeune homme a lui-même creusé sa tombe et qu'il connaissait vraisemblablement don meurtrier. Règlement de compte entre dealers? Vengeance d'un sous-fifre qui convoitait sa place bien ancrée dans le milieu malgré son jeune âge?
Seul un retour sur certains épisodes de sa vie pourra peut-être éclaircir les zones d'ombre et les mystères qui entourent la mort de Luc, notamment sa rencontre avec Bertrand et l'amitié qui les liait, les dessous de sa relation avec sa psy qui semble très impliquée dans sa vie; Lounis en saurait-il plus que ce qu'il déclare à la police? Et qu'en est-il de Sandrine, la femme de Bertrand? Autant de pistes qui égarent l'inspecteur complètement largué par cette enquête qui s'avère bien plus complexe qu'il ne le pensait au début...
Voilà un polar noir tout à fait original: son contexte de la fin des années 80; le milieu des nuits nantaises; sa construction inédite; ses personnages paumés; ses lieux en parfaite adéquation avec l'intrigue. Sans oublier son style hybride et grinçant, la petite touche personnelle de l'auteur qui fait qu'il ne ressemble à aucun autre. Donc, si vous n'avez pas encore traîné vos guêtres du côté du "Château", qu'attendez-vous?? Croyez-moi, vous ne serez pas déçus..
Retrouvé près du corps de ses parents, abattus dans une rue de la capitale arménienne, Luc Kazian est recueilli par sa tante. Peu loquace, parfois maladroit, le gamin préfère laisser le passé là où il est puisque la vie lui a accordé un sursis. Il grandit sans trop d’encombre, à l’abri des livres. Au détour de ses errances dans la ville, il atterrit au salon de coiffure où travaille Bertrand. Rapidement, les deux hommes se lient à la vie à la mort et Bertrand se charge d’introduire son protégé dans le milieu nantais.
1989. Quelques jours avant Noël. Luc gît dans la fôret de Touffou, mutilé et brûlé. Qui pouvait lui en vouloir au point de le massacrer de la sorte ? Bien du monde. De ses premières sorties à son dernier souffle, Luc a connu une ascension sociale fulgurante et s’est fait nombre d’ennemis. Peu à peu, il a gagné les quartiers de la ville pour y revendre sa came en compagnie de son acolyte. Redouté, détesté, adulé, il ne laissait personne indifférent. Les filles étaient à ses pieds, les caïds déjà en place s’associaient avec lui. Mieux valait être du côté de L’Arménien. La piste du règlement de comptes est la plus plausible. Mais l’inspecteur Brandt semble avoir une revanche personnelle à prendre sur les marchands de poudre et ne saurait se satisfaire de l’omerta.
Tour à tour, Bertrand, l’ami de toujours et Françoise, la psy, racontent.
Bertrand, queutard en chef de son état, a le don de s’attirer la guigne. S’il a conscience de ses limites, il s’applique à les dépasser. Il ne peut pas croiser une femme sans lui sortir son grand jeu de séducteur de bas étage. Il épuise les bouteilles de whisky qu’il planque dans l’arrière-boutique au même rythme que son amour-propre. Il avait des rêves, pourtant, des envies de vie de famille, il y a peut-être cru avec Sandrine, mais ça ne lui a pas suffi. Du drôle de duo qu’il formait avec Luc, c’était lui l’agitateur. Il avait voulu se faire instructeur, il s’avérait finalement un piètre élève. Car Luc était raisonné, discret. Généreux, entier et cultivé, il avait su s’attirer le respect que Bertrand n’aurait jamais. De là à faire naître la haine qui pousse à l’irréparable ?
Françoise de Juignain entretenait une relation particulière avec son patient. Elle avait bien tenté de résister à son charme, mais qui l’aurait pu ? Luc savait vous mettre dans sa poche en un regard et quelques mots, et la trop grande empathie de la psy l’a fait déborder de ses fonctions. Elle lui avait tendu la main sans se faire prier, emportée par son désir de protection. Son désir tout court, peut-être. Sa mort laisse un vide immense, beaucoup de questions sans réponses. Ce que l’on dit aujourd’hui du jeune homme ne rend pas justice à celui qu’elle a connu, et elle se fait un devoir moral de défendre sa mémoire. Certes, il était plutôt le genre de gars qu’on évite en temps normal, mais lorsqu’on commence à le connaître…
Comme elle, j’ai eu envie de protéger Luc, mais il était trop tard. Comme Bertrand, j’ai eu envie d’être à ces côtés et de partager cette insouciance d’apparence le temps d’une nuit où rien ne compte. Les Nuits Nantaises, c’est la France des années 80, la France de Mitterrand, la mort de Bob Marley et la chute du mur de Berlin. Le sida a des allures de légendes, et on se laisse un mot sur la table si on a oublié de se dire quelque chose. Carl Pineau aborde la décennie avec beaucoup de justesse. Pieds et poings liés, on le suit dans chacune des pérégrinations qu’il a imaginées, car chaque chapitre se clôt d’une telle façon qu’on ne peut qu’entamer le suivant. Difficile de lister toutes les émotions que L’Arménien m’a procurées. Nostalgie, angoisse, sympathie, peine, colère.
Plusieurs fois, j’ai redouté que le pot aux roses ne soit pas à la hauteur de ce que j’espérais, mais Carl Pineau m’a donné bien plus encore. Il aurait pu se contenter d’écrire (très, très bien écrire) un polar original, mais il y a ajouté une histoire d’amitié, d’amour(s) aussi, et des valeurs, beaucoup de valeurs. Un premier roman admirable, qui mérite sa place en tête de toutes les gondoles. J’attends Le Sicilien avec impatience.
Un polar français des années 80 (drogue, sexe, et funk).
Tout d'abord merci à l'auteur @carl Pineau pour l'envoi de son premier tome d'une série policière française.
La couverture bleutée attire vraiment le regard. Une silhouette errant dans les rues de Nantes.
Une enquête policière tout ce qu'il y a de plus classique dans la trame.
Deux narrations, Françoise la psychologue et Bertrand le coiffeur.
Des alternances de tons (l'un assez formel et l'autre assez cru dans les propos et aussi un peu "fouillis"), qui m'ont dérouté tout le long de ma lecture. Est-ce voulu? Pour empêcher le lecteur de trouver l'assassin trop tôt?
L'écriture est maîtrisée de bout en bout; le scénario addictif sans être original nous mène dans les méandres des nuits sombres et glauques de la ville nantaise. Avec ses dessous, ses travers, ses "orgies alcoolisées et fumeuses (!)", ses "bastons" et tout ça en version technicolor des années 80.
Si vous avez à peu près mon âge, vous aussi avez connu les tubes funky des discothèques, donc vous passerez en "mode nostalgie" dans ce récit.
L'auteur a émaillé son texte par des références de cette époque: voiture, coupe, vêtements, musique....et cela fait du bien, j'ai eu l'impression de revenir à mes 17 ans...comme Luc (l'arménien tué au début de l'histoire).
Le seul hic que j'aurais à donner, c'est que l'inspecteur de police, qui est le personnage récurrent de cette série, est peu présent finalement. Est-ce voulu là encore par l'auteur? Pour l'annoncer, le préparer, l'étoffer petit à petit?
Parlons de la fin (je ne spoile pas). Je n'ai pas vu venir l'identité de l'assassin. Vraiment pas. Les indices sont donnés au fur et à mesure de l'intrigue (juste bien dosés), on s'attend donc à une révélation massive à l'américaine (sortez la mitraillette et le gros lance-flammes). Mais non, nous sommes dans l'ambiance intimiste et sensible de la "french touch", ne l'oubliez pas, et l'auteur a réussi un tour de force: celui de l'empathie pour les assassins.
Au final, une enquête classique bien menée, des personnages tout en nuances et le twist bien tourné. Je recommande à tous les amoureux de polar glauque avec une ambiance "pulp fiction" à la française.
Nous sommes mi-décembre 1989, le franc est toujours d'actualité.
L'action se passe à Nantes et sa région. Des gangs Nantais ont la mainmise sur le milieu de la nuit
Dans la forêt de Touffou, un corps est retrouvé. L'homme a été abattu de deux balles et son corps est en partie calciné. C'est Luc Kazian dit l'Arménien.
Il est connu comme trafiquant et coureur de jupons. Qui était-il réellement ?
Ma chronique complète https://vie-quotidienne-de-flaure.blogspot.fr/2017/10/lecture-l-Armenien-de-PINEAU-Carl.html
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