Si certaines sont impressionnantes et effrayantes, d'autres sont drôles et rassurantes !
Rarement épigraphe aura été si bien choisi : « L’âge de comprendre : l’âge de détruire… Et ainsi de suite. » Les mots de Virginia Woolf contiennent à eux seuls l’esprit de ce roman tellurique, concentré en deux parties aussi fulgurantes et saisissantes qu’un jet de pierres, qui raconte à la première personne la vie d’Elsa, dans l’enfance puis à l’âge adulte, à l’ombre d’un soleil noir : sa mère abusive.
A sept ans, la narratrice emménage avec sa mère dans un nouvel appartement. Seules, elles y vivent sans témoin une relation toxique, faite de violence, de désir et de destruction, qui ne se met pas en mots mais se révèle au détour de gestes concrets et de bouffées d’émotions, aussi confuses et instinctives qu’incoercibles et dévastatrices. Dans l’esprit de l’enfant se fait jour la conscience d’un mal obscur, comme tapi dans les coins d’ombre de ce logement qui se referme sur elle telles les parois d’un puits, mais qu’elle découvre hérité du passé. Semblable à une malédiction, un secret terrible, inconcevable, renaît insidieusement de génération en génération, enfermant les femmes de cette famille dans une soumission, boursouflée de colère, à des pulsions qui les poussent à se dévorer les unes les autres. Elle-même explore comme elle peut ce terrain où l’amour se confond avec désir, emprise tyrannique et fusion malsaine, reproduisant déjà ce qu’elle connaît quand, dans sa solitude, surgit la possibilité d’une amitié avec une fillette de sa classe. De fulgurances en éclats de lucidité, la compréhension se fait peu à peu, déchirant les épaisseurs du non-dit pour dévoiler au grand jour ce monstre caché, qui, après sa grand-mère et sa mère, a maintenant prise sur elle aussi.
Mais prise de conscience ne signifie pas émancipation. Vingt ans plus tard, Elsa habite son propre studio et sa mère a mis en vente leur ancien appartement. Son enfance lui saute au visage lorsque les menus objets qui lui appartenaient se retrouvent rassemblés dans des sacs poubelle que sa mère s’apprête à jeter, et la voilà confrontée à un triste bilan : désespérément seule dans son incapacité à nouer une autre relation que celle qui la lie encore indissolublement à sa mère, dans une dépendance quotidienne qui l’empêche de jusqu’à choisir elle-même ses légumes, de cuisiner et d’apprendre à conduire, elle réalise que, pour pouvoir rejoindre « le monde des autres », il va lui falloir rompre définitivement ce cordon invisible de l’emprise maternelle. « Nous vivons rangés, à moitié morts, à avaler tout ce qu’on nous met dans la gueule. Nous tuons les tueurs pour les soulager de tuer. Nous nous tuons nous-mêmes pour ne tuer personne. Et c’est ainsi chez le voisin, chez la voisine, dans toutes les familles. De génération en génération. »
Si bien comprimée par les non-dits qu’elle se répand en ravages souterrains d’autant plus destructeurs, la violence imprègne ces pages d’une tension dont les explosions sporadiques viennent souffleter le lecteur au détour d’un simple mot ou d’une seule phrase. Ici, pas d’analyse psychologique, juste la peinture du visible, l’observation des effets, attachés à un lieu et à des objets, pour mieux laisser deviner tout ce qu’il y a à comprendre et tout ce qu’il faudrait déconstruire, avant d’imaginer se libérer. Alors, peut-être, si les mots survenaient un jour, pourrait-il y avoir un après…
Une mère toxique
Un huis clos troublant entre une mère manipulatrice et sa fille . De puis l'enfance, la mère exerce sur elle son emprise sournoise et perverse , faisant le vide autour de leur couple.
Une narration à hauteur de l'enfant puis de la jeune fille que celle ci devient .
Un climat oppressant, accentué par lue écriture faite de l'accumulation de phrases sèches, juxtaposées à l'image des paquets d'objets devenus inutiles que la mère accumule, transporte d'un appartement à un autre et qui encombrent leur lieu de vie .
Un roman qui m'a laissé une forte impression de malaise.
Le livre est divisé en 2 parties : « âge un » et « âge deux » qui correspondent respectivement à l’enfance et à l’âge adulte de la narratrice, Elsa.
Elle raconte sa relation avec sa mère. D’abord ambiguë, on sent que la mère veut être rassurée par sa fille, savoir qu’elle l’aime. La solitude et l’angoisse caractérisent la mère. Puis une relation plus toxique apparaît.
En déménageant, Elsa a également changé d’école. Elle devient amie avec Issa. Mais là aussi la relation est ambiguë. Elsa reproduit un schéma familial hérité de sa mère.
Devenue adulte, l’emprise est toujours présente. Elsa est toujours enfermée dans ce duo malsain, sorte de huis clos perpétuel alors qu’elle a son propre appartement.
J’ai lu cette histoire en apnée. J’avais une boule au ventre ou à la gorge selon les passages. L’écriture s’appuie sur les sens et intensifie le récit de l’enfant. Une lecture angoissante qui ne sera pas pour tout le monde. En tout cas si vous n’avez pas envie de lire de roman sur l’inceste maternel, la violence psychologique et physique intrafamiliale, passez votre chemin. Mais si vous aimez être bousculé par vos lectures, alors ne passez pas à côté de ce premier roman fort, puissant, marquant et remarquablement écrit ! Il a reçu le prix Goncourt du premier roman 2023 mais je trouve qu’il est passé un peu inaperçu.
« Nous vivons rangés, à moitié morts »
Dans ce premier roman, Pauline Peyrade confronte Elsa, une enfant puis une jeune femme, à sa mère qui vient d'acheter un appartement, symbole de leur vie rangée. Si la vie en commun n'est pas aisée, entre les peurs de l'une et les aspirations de l'autre, l'émancipation n'est guère plus facile.
Elsa, qui est encore une fillette au début du roman, doit quitter sa maison et son établissement scolaire pour emménager avec sa mère dans le nouvel appartement qu'elle vient d'acquérir, en espérant pouvoir honorer les traites de son crédit.
Pour sa fille, elle a préparé une chambre avec des lits jumeaux, ce qui l'angoisse car, vivant seule avec sa mère, elle ne comprend pas très bien la finalité de ce choix. Pas plus que les angoisses et les injonctions d'une mère qui la phagocyte. Tout en réclamant sans cesse des preuves d'amour à sa fille, elle reste elle-même très intransigeante, puis possessive. On découvrira plus tard qu'elle a été victime de violences.
Pour Elsa, la respiration va venir avec l'arrivée dans son nouvel établissement scolaire. Issa, une belle jeune fille aux cheveux magnifiques la prend sous son aile. Très vite, les deux jeunes filles vont devenir inséparables. Et si sa mère refuse que sa fille passe la nuit chez Issa, elle accepte cette dernière sous son toit. Après tout, elle avait justifié le lit jumeau en affirmant: «Tu pourras inviter tes nouvelles copines à dormir, comme ça». Une nuit qui va se transformer en initiation sexuelle, mais aussi causer leur séparation. Cet Âge Un s'achève avec la reprise en mains par sa mère.
Puis vient l'Âge Deux, une vingtaine d'années plus tard. Si Elsa a trouvé un petit appartement sous les toits, elle n'en est pas libre pour autant. Pourtant ce n'est pas faute d'essayer via les sites de rencontre ou des voisins qui, lorsqu'ils font l'amour, l'émoustille. Mais ces instants ne sont que des pis-aller. Elle reste sous emprise, avant de comprendre, comme le laisse entendre la phrase de Virginia Woolf en exergue du livre, qu'après l'âge de comprendre vient celui de détruire.
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Caraïbes, 1492. "Ce sont ceux qui ont posé le pied sur ces terres qui ont amené la barbarie, la torture, la cruauté, la destruction des lieux, la mort..."
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