Sophie Quetteville de la librairie le genre urbain à paris 19e, vous présente ses coups de coeur du moment.
Découvrez les lectures de vos libraires préférés. Cette semaine, la parole des libraires vous emmène à Paris 19e, pour vous faire découvrir le coup de cœur de Sophie Quetteville de la libraire Le genre urbain. [[video]]Vous...
J'avoue être embarrassée. Ce livre ne mérite pas qu'on le critique sévèrement, cependant il m'a dérouté.
L'écriture d'Olivia Rosenthal est fluide, précise. Mais ce court roman n'a éveillé que peu d'émotion chez moi. Il n'y a que les quelques dernières pages qui m'ont interpelées.
A un moment j'ai eu le sentiment que l'autrice avait au départ un projet profond, qu'elle l'a mis en place mais que finalement, le résultat ne l'ayant pas pleinement satisfaite, elle a tout de même utilisé la matière de son enquête pour développer sa pensée, sa réflexion. Je ne juge pas, je peux me tromper, j'essaie juste de comprendre ce labyrinthe.
Elle est partie d'une enquête réalisée à Kyoto, 25 ans après les cinq attentats au gaz sarin dans les métros de Tokyo en mars 1995. Elle voulait voir ce qu'il en restait dans la mémoire collective, à distance géographique du drame et distance temporelle.
Elle trouve que les japonais sont des gens (trop) serviables, avenants, ayant l'obsession des convenances et se sentant en permanence dans l'obligation de respecter l'harmonie autour de soi. Elle découvre que le "Je" n'existe pas en japonais, ou si oui, que pour les hommes. Et ainsi de suite.
Tout ceci aura de fait, limité les résultats de son enquête.
Mais ce que j'ai le moins bien vécu lors de cette lecture, c'est le perpétuel questionnement qui traverse les trois quarts du récit.
"Selon toi où sont les morts ? Si tu avais vu le jour ailleurs, y penses-tu ? Si tu pouvais dire le secret le plus lourd, cela faciliterait-il la tâche ? Souffres-tu de ta ressemblance avec ton père, ta mère, tes frères ? Te souviens-tu de ta douleur physique la plus vive ? ..." de bonnes et de moins bonnes (plus communes) questions jalonnent le roman.
Mais mais mais, de toute cette "mise ne scène /mise en page" en est sortie une phrase merveilleuse qui valait de loin l'effort de la lecture :
"Accepter la tristesse et en faire le choix »
Lu sans trop comprendre ce que l'auteur à voulu nous dire de singulier. Je n'ai pas accroché. Ses questionnements entre chapitres sont déjà vus connus et comblent un "je ne sais quoi". Sa quête du lâcher prise, pourquoi pas ?
Rencontrer l'autre, accepter qu’ils nous disent de nous, qu’il aille ailleurs, puiser loin le sujet d’accueil, qu’il digresse jusqu’à une ligne de fond.
Rencontrer l’autre pour mieux se fondre en soi, combler les failles et les incertitudes.
Chercher autour dedans plein corps absorber les traumas et recracher mots. Réorganiser l’existence.
Un livre puissant noue l’émotion doucement arrache les mots et dépose langue. En bouche me reste les questions et le chemin contemplatif derrière pupille. Un singe m’observe de ses yeux inquiets, je lui chuchote reconnaissance.
La narratrice a la malchance d’entrer dans la vie des gens, de connaître leur histoire sans aucun échange ; elle l’a vérifié avec le poissonnier qui la sert. Elle doit absolument se protéger pour ne pas être dévorée par la vie des autres. Déjouant les tours de garde des vigiles, elle erre dans ce qui reste de verdure, de bois, non plutôt des taillis, des friches où elle retrouve d’autres insoumis comme elle « Nous sommes unis par des actions clandestines destinées à empêcher la disparition complète de notre ville. » Des affinités se créent et une petite troupe émerge Les résistants, les zadistes, les insoumis, enfin bref, eux qui ne veulent pas de cet avenir où la nature disparaît, où les gens habitent des tours et se surveillent les uns les autres, où des milices vous espionnent.
La bande se réunit chez les uns, les autres, enfin ceux qui ont un toit pour discuter, fourailler, décider des actions à mener. Ils savent que leur combat est déjà perdu, mais ils veulent garder, sauvegarder le peu d’espaces verts qui reste, replantent, écrivent, peignent… Ils veulent un peu de désordre dans l’ordre obligatoire, un peu de sauvage dans la cité trop tenue.
Olivia Rosenthal ne permet pas que l’on reste tranquille au fil des pages du livre. En début, Lily entre, sans le vouloir, dans l’inconscient des passants. Changement de cap direction des « zadistes » et une dystopie où des groupes sabotent, retardent les travaux en cours. Mais, ce ne sont pas des ados retardés ou pas, non, ce sont des adultes, même une grand-mère, et cela change l’optique. « En nous restreignant à être seulement ce que nous faisons de concret, nous nous épargnons tout le reste », car personne ne pose de questions sur personne, pas de confidence. Nouveau virage. Un soir Sturm le puissant, Macha la frisée, Clarisse la candide, Fox le nerveux, Gell le sauvage, Filasse le berger, Full le taciturne, Oscar le dandy et elle, Lily la secrète se réunissent chez elle.
« Cet état dure tant que nous sommes voués à l’action et unis par une conviction et un but commun. Mais un jour les choses s’enrayent. » Fox, en réponse à une question de Strurm, raconte sa vie , puis ce sera le tour des autres. Chacun raconte sa bâtardise, ses origines incertaines, ses ruptures.
L’enfance régit l’adulte ; les coups, le non-amour, la disparition, l’inconnu, le secret, l’amour, la tendresse… font ce que nous devenons et que les personnages sont devenus, avec les bidouillages de la vie, la force de s’en sortir avec le paquetage arrimé au dos.
Et si le roman était encore autre chose. Oui, pourquoi ceux-là se sont-ils agrégés le uns aux autres sans rien savoir de l’autre ?Qu’est-ce qui pousse des individualités à se regrouper ? Et que le groupe ne peut survivre sans une connaissance de l’autre. Vu de l’orée de mon bois, cette ville est très inhumaine dans sa verticalité. Plus de maisons individuelles, mais des appartements, des boîtes dans lesquels on vous place et vous surveille.
Un livre à tiroirs, à virages très intéressant grâce à la plume de l’auteur.
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