La lutte d’une femme pour sa liberté dans un coin d’Espagne déshérité, racontée par Olga Merino
La lutte d’une femme pour sa liberté dans un coin d’Espagne déshérité, racontée par Olga Merino
L’étranger fait peur, il n’est pas comme nous, si c’est une femme libre en plus...
Angie, avant, vivait à Londres, était modèle et maîtresse d’un peintre, très tourmenté, c’est le moins que l’on puisse dire. A sa mort, elle revient dans la maison familiale, dans un coin reculé et rural de l’Espagne, sans eau ni électricité.
La première page me met, de suite, au cœur du sujet « Ici, on n’affectionne pas les étrangers, sauf si tu fais le premier pas, et moi, c’est un effort qui ne m’a jamais tenté. Je préfère les tenir à distance. Eux, ils ne sont au courant de rien, mais ils jacassent, jacassent sans cesse. Ils font des messes basses. Moi, au contraire, j’ai vu des choses et je les garde pour moi. »
Pourquoi avoir voulu revenir dans ce trou paumé, entourée de tous ces yeux qui épient, surveillent, ces bouches qui parlent de travers, jacassent (ce sera dit plusieurs fois dans le roman) ? Comment Angie peut-elle se sentir libre avec tout cela ? Heureusement, il y a le boui-boui de Tomas où se retrouvent les échoués, les non acceptés, où ils s’enivrent avec du mauvais vin « Ce n’est pas un mauvais bougre, le Tomas. Encore un superflu dans mon genre, mis au rebut du village. On appartient tous les deux à la génération qui s’est perdue dans la fête et dans l’attente… Un vieux hippy ratatiné qui met de la bonne musique… Les Stones, les Kinks…. »
Cette région d’Espagne, aride, baignée par trop de soleil, se vide de ses habitants et c’est là qu’elle a choisi de revenir dans la maison que son père a toujours gardée, même quand il est parti et elle est bien décidée à y rester. Ses terres ? Elles ont été rachetées par le friqué local et le père n’a gardé que cette vieille maison décrépie.
Quelques irréductibles, qui ne sont pas gaulois, sont restés, des vieux qui ne savent où aller, d’autres, comme Ibrahima ont atterri sur ces terres arides on ne sait pourquoi, enfin, c’est vague.
C’est dans ce décor que Ibrahima découvre un pendu, qu’il va chercher Angie, car oui, même si elle est considérée comme l’étrangère, elle est d’ici, alors qu’Ibrahima….
Donc, « L’homme, car c’en est un, a dû monter sur la branche la plus basse du noyer et, une fois assis, attacher la corde à celle du dessus, puis serrer le nœud et se laisser tomber. Le poids et la hauteur nécessaires. ». L’homme, c’est le patron, don Julian, le propriétaire de Las Brenas, avec ses yeux démesurément ouverts. Et ses mains couleur de vin. »
Le patron ? C’est le riche du village, celui qui a racheté les terres du père d’Angie pour une somme dérisoire.
Avec la découverte du pendu, les remous vont modifier le cours de la vie tranquille des paysans. Les filles du défunt vont arriver, vouloir tout vendre… Elles ne sont plus d’ici, elles. Les secrets, toujours embarrassants vont être autant de gros ou petits cailloux dans les chaussures.
La pauvreté, les jacasseries, les non-dits, la liberté, le dur labeur sans jamais de récompenses, l’amour, la désertification, la mort du village, l’aridité qui devient celle du cœur marquent le vie de ce bled paumé.
Les vieux réflexes franquistes seraient-ils toujours d’actualité lorsque je vois que le brave curé est dénoncé par une grenouille de bénitier ? Oui, il a, de temps à autre, des relations charnelles avec Angie. C’est surtout vers Angie, elle-même, que la chasse à la sorcière, à la différente s’effectue, tan pis pour les dégâts latéraux.
Les éditrices parlent de western contemporain et Angie en est la lonesome cowgirl ; il y a les bons, les méchants. C’est vrai, j’imagine bien la musique de Moricone lorsque les deux comparses découvrent le pendu... L’ambiance est là.
Le livre est à l’image du ressenti ; la lecture se fait lente, je ressens la pesanteur, j’étouffe avec Angie, elle qui se veut libre mais qui ne l’est pas tant que cela. L’âpreté de la terre, de la vie y est fort bien rendue. Je fus embarquée par la plume passionnée d’Olga Merino, j’ai senti le vent chaud, la poussière, la haine entre les habitants, la misère, la solitude.
Un premier très bon livre de la toute nouvelle maison d’édition Dalva, dont j’avais eu la chance de rencontrer sa créatrice lors d’un entretien chez mon libraire. Je gage que ce ne sera pas le dernier
Après avoir vécu en Angleterre, Angela-Angie, la narratrice, est revenue à El Hachuelo, la bastide où sa mère a fini ses jours, près d'un village isolé dans un coin d'Espagne. Même si elle a vécu son enfance ici, elle reste "l'étrangère" pour les habitants. Il faut dire qu'elle ne fait rien pour gagner leur sympathie : sauvage, rebelle, directe jusqu'à l'arrogance, elle connaît les travers de chaque famille et ne se prive pas d'en faire état. Lorsque meurt le propriétaire du grand domaine mitoyen de sa ferme, les héritières projettent un réaménagement total de l'exploitation, ce qui passe par le rachat d'El Hachuelo. Mais Angela a décidé que personne ne la ferait quitter ces lieux...
Si la quatrième de couverture évoque un "western contemporain" c'est à juste titre me semble-t-il, car l'atmosphère et l'histoire sont en phase avec les lois du genre. Le village semble isolé du temps, coincé dans un passé qui n'a rien d'idyllique et loin de l'esprit joyeux d'un "Brigadoon". Angela elle-même ressasse sa propre histoire, celle de sa famille et paraît piégée dans ce lieu et ce temps où elle s'entête à demeurer. Le rythme de la narration s'en ressent et se déroule sur un tempo assez lent, voire répétitif, qui m'a parfois lassée.
J'ai, en effet, eu du mal à m'intéresser aux affres de ce personnage-narrateur qui ne suscite pas tellement la sympathie et dont je n'ai pas toujours perçu clairement les motivations. Ce n'est que dans le dernier tiers du roman qu'elle m'a semblé s'humaniser quelque peu. Néanmoins une impression assez asphyxiante se dégage des descriptions et de la galerie de personnages qui gravitent autour de l'héroïne. Si l'histoire ne m'a pas passionnée j'ai été sensible à l'écriture qui sait rendre pesante l'atmosphère et planter un décor de manière très sensorielle.
Je suis donc restée au bord de cette histoire, pas vraiment impliquée dans ma lecture. Peut-être est-ce une question de moment ? Peut-être que certains épisodes (les souvenirs de l'histoire d'amour entre Angie et Nigel) s'étirent trop en longueur alors que cela n'apporte pas grand-chose au récit ? En tous cas, je suis restée sur ma faim.
Dans un village isolé en Espagne, la population s’éteint peu à peu. Entre vieillissement et départ des plus jeunes, l’avenir du village semble compromis. C’est pourtant dans cet environnement que la narratrice choisit d’évoluer. Partie avec sa mère pendant quelques années, son retour n’est pas synonyme de bon accueil. Elle s’accroche et met sa liberté avant tout le reste mais cette façon de vivre, est-ce vraiment être libre ? On est plongé ici dans tout ce que les petits villages peuvent avoir de noirceur. C’est le royaume des non-dits, des vieilles rancoeurs dont l’origine est souvent perdue et de la peur des étrangers.
Le début est particulièrement angoissant, malaisant et oppressant. Petit à petit les sentiments et ressentiments vont aller crescendo. La narratrice est l’image de la déchéance quand on est de la génération qui paie les racines et secrets des générations passées. La plume de l’autrice plonge le lecteur dans cette ambiance de rejet, d’isolement et de volonté de continuer malgré tout. J’ai apprécié ce récit de lutte très intimiste mais ça reste un texte trop sombre et pessimiste pour moi.
C’est un roman d’ambiance réussi qui illustre le poids des rancunes et le cout à payer quand un choix de vie ne colle pas à celui de la majorité.
Merci lecteurs.com et Dalva pour cette découverte.
Un coin d’Espagne déshérité, avec sa partie de terres arides, son absence d’industrie, son dépeuplement inhérent à la pauvreté économique. Une vie de dur labeur, de fierté et ténacité de paysans, du morne silence sur la place du village. De langueur enfin, où le regard des vieux villageois, scrute le ciel en cherchant une raison de s’obstiner à vivre ainsi déboussolés. Ce roman, de Olga Merino, m’a fait penser, de brefs instants aux romans de Giono avec la lutte des hommes face à la terre…
Angie revient au pays, dans un petit village, après une longue absence, avec une vision de vivre fortement différente des habitants, de choisir comment mener sa vie, sans la contrainte des convenances et des règles imposées depuis des temps immémoriaux. Elle se veut libre. Mais difficile dans ce milieu austère de ne pas être jugé pour ces comportements. D’autant que dans ce cas, le jugement hâtif l’emporte fréquemment sur toutes les autres considérations.
Différents sujets sont évoqués dans ce roman : la liberté de la femme à gérer son avenir, les non-dits des secrets des familles, la mort du village, les fréquentes malédictions suicidaires de familles, et pourtant rencontrer parfois de l’amitié sans réserve, malgré l’adversité…Une femme, sans avenir, mais qui malgré tout, combat pour ses convictions et la justice face à l’argent. Et surtout, et ce qui sera pour elle le plus difficile à accepter : ce sentiment d’être devenue une étrangère dans le village de ses ancêtres.
Un roman où le temps s’appesanti face à la misère humaine, un temps chaud et radieux qui n’enlève pas l’indignation viscérale de la bêtise humaine, un temps de lutte et sans doute de désespoir face à l’inanité de compassion de ses coreligionnaires. Il en est ainsi : revenir, avec ses souvenirs, n’enlève pas les opinions, ni les jugements, ni le regard hautain que l’on peut sentir, à tout instant.
Un moment de lecture, apaisant, agréable, pour lequel nous donnons, malgré la lenteur du rythme, notre empathie à Angie et à son parcours semé d’embûches.
À noter la création récente des éditions Dalva : mai 2021. Dont l’ambition est de donner la « parole » à des auteures contemporaines. Merci donc aux éditions Dalva et Lecteur.com dans le cadre du Cercle livresque pour cette découverte.
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