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J'ai beaucoup aimé cette BD car j'ai une admiration particulière pour les athlètes de haut niveau capable de terminer un marathon en moins de 3 heures.
L'auteur rend ici un hommage à El Ouafi, un jeune sportif franco-algérien qui tomba dans l'oubli après sa victoire au marathon olympique de 1928 à Amsterdam.
Le récit de cette course est prenant car un titre olympique est en jeu. Le plan du parcours du marathon permet de mieux suivre les étapes de la course. De plus, les commentaires d'un journaliste français de l’époque qui suit la course en autocar permettent au lecteur de s'immerger au cœur de l' épreuve en présentant les points forts et les points faibles des athlètes internationaux participants.
Les derniers kilomètres nous invitent « à entrer » dans la tête du futur vainqueur : à quoi pense t-il ? En est-il capable ?
La documentation en fin d'ouvrage (avec photos) est un bonus appréciable : présentation des différents coureurs, ce qu'ils sont devenus après ce marathon et en particulier le destin funeste d'El Ouafi.
Une BD de qualité sur El Ouafi qui marqua l'histoire des JO de 1928 par sa victoire inattendue.
Si j'ai choisi de vous parler de Marathon de Nicolas Debon paru fort à propos le 25 juin de cette année, c'est tout simplement parce c'est un vrai coup de coeur et pourtant, le sport, c'est pas vraiment ma tasse de thé.
Que nous dit la quatrième de couverture ?
Amsterdam, août 1928
Sous les ovations de la foule, les favoris du monde entier se pressent au départ de l'épreuve reine des Jeux olympiques : le redoutable marathon. Loin derrière, qui remarquerait ce petit Algérien un peu frêle, mécano à Billancourt, qui porte le maillot français ?
C'est compter sans le vent, la fatigue, les crampes, et 42,195 kilomètres d'une course folle qui vont peut-être créer la surprise…
Alors la surprise évidemment, c'est la victoire du «petit Algérien », l'enfant d'Ouled Djellal dont les spectateurs peinent à se rappeler le nom et qu'avec la condescendance propre au colonialisme de l'époque ne désigneront que par son prénom El Ouafi.
La grande force de cet album réside dans le choix narratif de l'auteur de ne raconter que cet exploit, la course et rien que la course par une mise en scène et en image magistrale. S'il occulte dans son récit le destin tragique du vainqueur, il l'inclut toutefois en fin d'album dans deux pages documentaires.
Le bédéiste commence par planter le décor dans une sorte de prologue. L'album s'ouvre sur le tracé de l'épreuve puis 4 pages ponctuées d'extraits de discours de Pierre de Coubertin alors que l'image se focalise sur l'imposante Marathon Toren et sa flamme olympique, puis les anneaux, la devise, les drapeaux pour s'arrêter enfin sur une vue d'ensemble du stade monumental.
Ayant pénétré dans le stade, nous nous retrouvons ensuite installés dans les tribunes à regarder les préparatifs et attendre fébrilement les athlètes tout en écoutant les commentaires des spectateurs. Les coureurs font enfin leur entrée. Après avoir passé en revue les favoris, les commentateurs s'attardent sur les quatre français.
« Notre meilleur élément, c'est Guillaume Tell : c'est le plus rapide, et il peut tenir les quarante-deux kilomètres. Ah, et puis j'allais oublier… le dernier, c'est un petit Arabe qui fait sa vie comme manoeuvre chez Renault, à Billancourt : El Ouafi qu'on l'appelle. Il donne l'air de sourire tout le temps, il n'est pas encombrant, et vu qu'il restait une place… »
Eh oui, n'oublions pas que nous sommes en 1928 et qu'en ces temps, la France s'étendait de Dunkerque à Tamanrasset. Ce genre de propos reflète bien les mentalités de l'époque. Notons à cette occasion que pour cet album Nicolas Dubon a consulté les archives photographiques et cinématographiques afin d'être au plus près de la réalité tant au niveau de l'image que du texte.
Après cette entrée en matière, ce sera la course et rien que la course, depuis le coup de pistolet du juge-arbitre jusqu'au franchissement de la ligne d'arrivée, dernière case de l'album. Cette fois-ci c'est le journaliste Louis Maertens installé dans l'autocar dédié à la presse qui raconte. Variant les points de vue, à ses propos se mêleront parfois ceux d'un entraîneur ou d'un athlète avant que l'auteur nous fasse quitter le côté purement historique pour nous entraîner dans un univers plus poétique en s'adressant directement à El Ouafi lui-même, s'interrogeant sur ses pensées alors que seul il s'envole vers la victoire.
Et que dire de l'illustration si ce n'est, qu'avec ses planches de toute beauté, elle est en adéquation totale avec le propos. La mise en scène cinématographique qui colle aux semelles des athlètes met merveilleusement en valeur la solitude du coureur de fond en alternant pleines pages muettes où le paysage prend toute la place et gaufrier classique de plans rapprochés sur les jambes, les visages marqués par l'effort. (Mention spéciale à la double page où la page de gauche évoque les Temps modernes avec son alternance de cases représentant engrenages et boulons et des plans serrés sur l'athlète, alors que dans la page de droite, El Ouafi n'est plus qu'un point bleu perdu dans l'immensité du paysage). Elle est sublimée par un trait charbonneux et une élégante bichromie rouge et bleue, ce rouge de la piste qui va envahir l'espace tout au long du parcours et le bleu qui vient éclairer les différents coureurs avant de se focaliser entièrement sur El Ouafi Boughéra dans les dernières planches. C'est ainsi que le bédéiste parvient à nous captiver pendant pas moins de 85 pages à regarder simplement des hommes courir.
Il faut dire qu'on a ici un expert en la matière. Ce n'est pas la première fois que Nicolas Dubon sort de l'oubli des exploits sportifs hors normes et tire de l'anonymat leur auteur. Il l'avait déjà fait auparavant pour le cyclisme dans le tour des géants, édition mythique du tour de 1910 où grande première, les coureurs allaient gravir les cols des Pyrénées et pour l'alpinisme en s'intéressant aux exploits de trois pionniers de cette discipline dans L'invention du vide. Enfin si Nicolas Debon nous décrit si bien les souffrances endurées lors d'un marathon, c'est parce qu'il connaît bien le sujet : lui même en a couru 5.
Un auteur à suivre …
Cet album est une double découverte.
Celle du dessinateur de BD Nicolas Debon. Un trait qui peut paraître assez épuré, mais qui fourmille de détails. Des dessins sépia et gris-bleu, cette dernière couleur servant à mettre en valeur le sujet de l'album.
Celle de El Ouafi Boughéra, athlète français d'origine algérienne qui gagna contre toutes attentes le marathon olympique d'Amsterdam en 1928.
L'histoire de ce marathon victorieux est contée avec beaucoup de simplicité, à un rythme qui s'apparente à celui d'un marathonien en fin de course ; on a parfois l'impression de haleter avec lui !
Des informations sur la biographie du vainqueur et le contexte historique sont fournies à la fin de l'ouvrage.
Belles découvertes !
Chronique illustrée : http://michelgiraud.fr/2021/08/25/marathon-nicolas-debon-dargaud-belles-decouvertes/
Je vous parle d’un temps que les moins de… je vous parle d’un temps que peu, encore vivants, ont parcouru. Trop jeune pour certains, sans doute juste né, pour les autres. 1928, l’Europe panse ses plaies. Ses cicatrices béantes de quatre années de guerre. Les souvenirs sont encore vivaces. Ils reviendront bientôt, comme un boomerang.
Mais en attendant que l’on accroche l’humanité à des crochets de boucher, Amsterdam, accueille les neuvièmes Jeux olympiques de l’ère moderne. Si quelques nouveautés ont marqué ces Jeux, comme la participation, pour la première fois des femmes en athlétisme (Pierre De Coubertin en fut outré. Le Monsieur est un habitué de la chose). Ou encore la décision d’allumer, comme un symbole, la flamme olympique.
Ce qui viendra marquer l’épreuve, c’est la course éperdue dans l’une des disciplines phares des jeux. Sans doute la plus emblématique : le marathon. 42 km 195 d’exaltation.
L’invisible victorieux des jeux
Il y a peu de chance que vous lisiez le nom d’El Ouafi Boughéra dans les manuels d’histoire. Le monsieur est tombé dans l’oubli. Il y a bien, une ou deux rues qui portent son nom, en France. C’est le cas d’une des artères qui mènent au Stade de France. Les spectateurs qui l’empruntent savent-ils qui se cache derrière ce patronyme ? Non, bien entendu.
Des forges d’Hadès, dans les ateliers de chez Renault à Boulogne-Billancourt, l’inconnu coureur, rejoint les dieux de l’Olympe, le temps d’une course. Et puis de nouveau, l’obscurité, l’oubli. Qui s’en souvient encore ici ? Plus grand monde. Et pourtant sa vie est un roman. Que l’on peut retrouver dans le livre de Fabrice Colin – “le mirage El Ouafi”. Une fin tragique viendra sceller le sort du champion olympique.
Mais avant cela, le 5 août 1928, à Amsterdam. Un petit homme va damer le pion aux Finlandais (les favoris), aux Américains, aux Japonais… Les participants tomberont les uns après les autres, exténués, phagocytés. La fatigue, les crampes. Les 42 km 195, guillotinent les hommes. Mais pas El Ouafi Boughéra. L’exilé, français, venu de terres colonisés, coure et coure encore. Infatigable, inusable, intraitable. S’étonnant presque d’être là, à l’entrée du stade olympique, le premier, le seul. Encore quelques mètres à parcourir.
Sépia le moment de flancher
Le dessinateur et auteur Nicolas Debon, nous offre un roman graphique d’une grande beauté. Tant dans la forme que dans le fond. La couleur sépia, utilisée tout au long de l’ouvrage, vient nous baigner dans ces temps lointains. Le texte est épuré. Inutile dans rajouter. Le dessin, parfois, vaut mille mots. Bien sûr, on connaît la fin de la course. Du moins celles et ceux qui suivent l’histoire des jeux. On sait à qui sont destinés les lauriers. Mais le scénariste nous tient en haleine, jusqu’à la dernière bulle.
Comme Fabrice Colin avant lui, Nicolas Debon a eu la très bonne idée de remettre au-devant de la scène olympique, cet attachant personnage. “Marathon” se lit comme on ouvre un album photos, oublié, depuis des années, dans un tiroir. En le feuilletant, on a plaisir à se souvenir, qu’un jour d’août 1928, un homme fragile, délicat, menu, porta hautes les couleurs du drapeau français. Il faudra attendre 1956, pour qu’un autre homme fragile, délicat, menu, vienne remporter, à son tour, un marathon olympique. Alain Mimoum était son nom. Il serait tant, pour lui aussi, d’en faire un véritable… dessein.
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