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Ce sera le roman détonnant de la rentrée, me concernant. Matias Faldbakken est un artiste norvégien, j'ai lu l'expression « l'enfant terrible de l'art contemporain » pour le décrire, il a commencé par exercer du côté de la littérature. L'oeuvre du norvégien est clairement provocatrice, pose question, pousse le spectateur dans ses retranchements, à questionner ce qu'il voit. Et ici ce qu'il lit. Dans ce roman, publié chez Fayard, ses aptitudes de plasticien, et son goût pour l'art plastique – sculpture, céramique – sont clairement mises en oeuvre pour faire de cette fiction un épisode réaliste ancré dans les riches terres de la Norvège, avec une larme de fantastique.
La famille Blystad est composée de quatre membres, les parents, Siv et Tormod, les enfants, Hélène et Alf. La vie quotidienne a fait son travail sur la relation des parents, qui se sont éloignés l'un de l'autre, d'autant que les deux grossesses de la mère l'ont transformée. L'aînée possède la vivacité de son père, elle est touche-à-tout comme lui, le cadet passe son temps devant l'écran de son ordinateur. le jour où la famille prend un chien sonne comme un autre départ pour chacun d'entre eux. Mais il disparaît et l'élan des mois passés retombe. le père de famille s'ennuie et replonge dans ses vieux démons, il va se lancer dans des essais au moyen de pâtes diverses et de matériaux électriques, qui vont donner une pâte improbable, un mélange unique d'argiles, de terreaux, de substrats chimiques, doté de sa propre énergie. C'est une idée formidable qu'a eu notre artiste-plasticien, de faire fabriquer une pâte autonome, qui ne possède ni cerveau ni aucun autre membre anatomique, mais pourtant pourvu d'une extraordinaire capacité à se mouvoir de façon autonome. Une capacité issue des innombrables mélanges et ajouts de matières organiques et électriques, du compost, du terreau du jardin, des dernières innovations technologiques. Et le résultat, c'est un genre de Barbapapa, qui se transforme en tout, sans le sourire béat. Ce fut une expérience assez fascinante de lire toutes les étapes de la création de notre pâton, puisqu'ainsi sera son nom, issu de la boulangerie traditionnelle. La volonté de Tormod d'aller chercher et mélanger toutes les sources d'énergie possible pour fabriquer une créature sans âme, sans parole. Et pourtant. La créature va lui échapper, mue non pas par un pouvoir de réflexion quelconque, mais par le besoin impérieux de trouver de quoi se recharger en énergie.
Le plus intrigant, intéressant, malaisant, c'est vraiment ce point où Tormod perd tout contrôle sur la chose qu'il a conçue, ce pâton, ni vivant, ni mort, devient un double du chien regretté, une chose de compagnie, qui en plus de divertir les enfants, effectue toutes les tâches ménagères auxquelles on l'astreint. La difficulté, c'est justement ici de ne pas savoir classer cet objet sans queue ni tête, dont la ressemblance à un être vivant devient de plus en plus criante au fil de la narration. D'autant qu'invraisemblablement, il semble acquérir comme une volonté propre, presque une souffrance que l'on ressent à travers deux cris qu'il semble émettre, de la faim : bref un caractère à lui. Cette chose, ce pâton, qui frôle la frontière entre l'objet inanimé et l'objet animé est perturbante, et invite une série de questions, à savoir la nature de la chose créée, qui acquiert sa propre indépendance. Car, et c'est vraiment là la grande réussite de l'auteur, l'ambiguïté de la chose fait qu'à chaque fois que les enfants s'en emparent d'un bout pour façonner des objets, à la façon d'une pâte à modeler, j'ai eu l'impression que l'on amputait la chose d'un de ses membres. L'ambiguïté est tellement efficacement entretenue que l'effet sur le lecteur est là, peut-être déplaisant d'une certaine façon, car dérangeant, car on a à affaire à une entité inclassable, inconnue et tellement proche de nous dans une certaine mesure.
Le résumé de quatrième de couverture évoque la mythologie du golem, et en lisant sa définition sur Wikipédia { Un golem (hébreu : גולם, « embryon », « informe » ou « inachevé ») est, dans la mystique puis la mythologie juive, un être artificiel, généralement humanoïde, fait d'argile, incapable de parole et dépourvu de libre-arbitre, façonné afin d'assister ou défendre son créateur. }, on se rend compte que c'est exactement ce dont il s'agit. Là où il n'est jamais question de religion ou de spiritualité, la figure de son façonneur tient davantage du chimiste, et notre pâton, celle d'un serviteur, d'un robot polymorphe et polyfonctionnel, mais qui adopte peu à peu de dérangeants comportements humains après en avoir absorbé l'une de ses composantes.
Ce roman a peu fait parlé de lui pourtant l'utilisation de ce golem moderne à la sauce norvégienne rurale est assez fascinante et pose la question de la frontière de l'humanité sur un pâton fabriqué à partir d'éléments métalliques et organiques, et finalement composé d'un élément humain – (...)
Une histoire de gastronomie et de raffinement écrite par un scandinave ? J’ai foncé, un peu trop confiante, avec en tête le formidable festin de Babette de Karen Blixen. Bien mal m’en a pris. Peut-être qu’au pays des fjords, ce genre de littérature est original mais au pays de Proust et d’Escoffier, c’est une tarte à la crème un peu rance qu’on finit par politesse. Car j’ai bien failli ne pas aller au bout. Un huis-clos avec des personnages hauts en couleurs locales, un contraste intéressant entre un lieu suranné et l’évocation fréquente des réseaux sociaux et de leurs dérives, un dévoilement des coulisses d’un grand restaurant… oui, il y avait de quoi écrire un roman de bonne facture. Mais c’est raté. Le problème ? Aucune intrigue. On s’ennuie ferme aux basques de ce serveur, maladroit, sinon idiot, soumis aux clients du restaurant dont les soucis et les préoccupations sont futiles, d’un autre temps. L’auteur nous fait virevolter entre les tables, usant de tous les prétextes pour nous servir ses apartés Wikipédia. Si vous n’avez jamais admiré un brocoli, ou si vous vous demandez d’où vient la faïence, ça peut avoir un intérêt. Comme je n’ai pas une grande passion pour les choux et que la vaisselle, en général, je la casse, le soi-disant génie de cette comédie poussive ne m’a pas touchée. Il y a bien quelques aphorismes et descriptions pour sauver le bouquin (pages 37, 40, 45, 55, 77 ou 110) mais ça ne suffit pas à justifier la promotion dont bénéficie le livre de Matias Faldbakken.
Bilan :
J'ai aimé me plonger dans ce restaurant The Hills, un lieu empreint d’un certain standing où tout est réglé comme du papier à musique : de la mission de chacun des employés à leur tenue et à leur allocution irréprochables, en passant par le dressage parfait des tables et aux mets toujours plus subtils et nous mettant l’eau à la bouche.
Une sorte de huis clos où le lecteur rencontre des clients à la personnalité marquée : Graham alias le Cochon, Blaise et sa femme, Tom Sellers, Edgar et Anna sans oublier la jeune femme, cette demoiselle dont on ne sait rien si ce n’est son goût marqué pour les champignons qui viendra contrecarrer cet ordre établi et troubler le quotidien millimétré de ce restaurant.
A mon sens, il n’y a pas forcément d’intrigue mais c’est bien là tout le leitmotiv de ce roman, nous offrir une large vision de ce qu’il se passe dans ce restaurant entre les coulisses en cuisine, les angoisses et aspirations des uns et des autres, la playlist mélancolique du pianiste Johansen qui accompagne ce récit placé sous le signe de l’art culinaire et qui vient apporter une nourriture auditive aux convives.
The hills est un véritable lieu de vie où chacun a un rôle à jouer et l’auteur est parvenu à retranscrire cela avec brio
Le narrateur est serveur au Hills, une institution d’Oslo qui a traversé les âges. Le Hills est régit par un certain nombre de règles immuables et les habitués constituent, pour ainsi dire, une distribution aussi charmante que légèrement désuète.
Chaque jour le serveur est fidèle à son poste, entouré du Maître d’hôtel, de la Responsable du bar, du Chef cuisinier, d’une serveuse, et d’un pianiste qui joue du matin au soir des airs de Bach ou de Rachmaninov.
L’arrivée d’une séduisante jeune femme au milieu de cette ronde d’habitués vient pourtant chambouler ce petit univers bien organisé et notamment celui du serveur.
Ce livre ne vaut certainement pas par son intrigue, quasiment inexistante et dont la fin m’a laissée perplexe, mais bien plutôt par l’enchaînement des saynètes bourrées d’humour qui se succèdent et les portraits hauts en couleur des différents personnages.
Le Hills est un endroit hors du temps, que le progrès et les technologies semblent avoir oublié. Les références au téléphone portable paraissent, par exemple, totalement anachroniques dans ces lieux. C’est un restaurant-brasserie où on a envie de s’installer pour prendre un café ou déjeuner, entouré de gens qui apprécient ces espaces restés « dans leur jus ».
Je me suis laissée séduire par cette ambiance pleine de charme, lentement modifiée par la dose d’absurdité que l’auteur distille au fur et à mesure du récit.
Un roman original qui marie habilement tradition et modernité.
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