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À Paris, pendant l’occupation allemande, Michaud, et toute sa famille subissent avec patience les restrictions alimentaires. Pourtant, un matin, au petit déjeuner, lui et ses deux fils mangent sans le faire exprès, une tartine beurrée de plus que leur part. Du coup, son épouse souffrante et sa fille s’en retrouvent privées d’autant. Avec son associé Lolivier, Michaud s’occupe d’un cabinet de gestion immobilière, affaire devenue nettement moins rentable qu’avant-guerre, en raison des loyers impayés et des appartements inoccupés des Juifs enfuis à l’étranger ou déportés en Allemagne, sans oublier le million de prisonniers de guerre retenus dans des camps. Un des fils, Antoine, à quelques semaines de passer son bac, est devenu l’amant d’Yvette, femme mariée dont le conjoint est détenu en Allemagne. Trafiquant sur le marché noir de tout et de n’importe quoi comme d’une quantité phénoménale de cercueils, le jeune homme gagne déjà fort bien sa vie. Tout comme le fils de Lolivier qui lui, fait déjà partie de la pègre. Michaud a des doutes sur les fréquentations de son fils, alors que Lolivier ne se doute de rien…
« Le chemin des écoliers » est un roman social, basée sur une galerie de portraits de gens plus ou moins modestes, plus ou moins compromis avec l’occupant et plus souvent collaborateurs que résistants. Le regard malicieux de Marcel Aymé sur ses personnages est toujours détaché, mais non sans une certaine et juste sévérité. « Qui aime bien châtie bien », dit-on. Il raconte, mais ne juge pas. Le lecteur trouvera dans cet ouvrage des femmes de prisonniers qui trompent leur ennui et leur frustration entre les bras de petits jeunes ou de blonds guerriers teutons, des fortunes obtenues en un temps record grâce à des affaires louches et de petites gens en être réduits quasiment à la misère à cause des privations. Une période particulièrement difficile de notre histoire décrite avec intelligence, finesse et humanité. Le style est toujours parfait et agréable à lire avec une originalité : des notes de bas de page (parfois assez longues) pour décrire le destin, la plupart du temps tragique, de personnages complètement secondaires. Les amateurs d’Histoire, d’humour et de beau langage ne pourront qu’aimer ce charmant opus du grand Marcel !
Nouvelles de l’arrière du front
Publié en 1943 au plus fort de l’occupation allemande pendant la seconde guerre mondiale, ce recueil de dix nouvelles dépeint, tantôt par le biais du fantastique, tantôt par celui du surréalisme, la France des années 40, celle de la province et celle de Paris, et les français, des pauvres, des bourgeois, leurs grandeurs et leurs bassesses.
Le recueil s’ouvre sur la nouvelle éponyme « Le Passe-Muraille » cet homme ordinaire doué du pouvoir de passer à travers les murs, pouvoir dont il va user et abuser pour le plus grand plaisir du lecteur ! Suit « Les Sabines » l’histoire d’une femme prénommée Sabine qui possède l’extraordinaire don d’ubiquité ; et deux nouvelles que j’ai adorées, La Carte du Temps et Le Décret dans lesquelles Marcel Aymé joue avec la notion du temps… Les suivantes Le Proverbe, Légende Poldève, Le Percepteur d’épouses, sont un peu moins fantastiques mais le « message » philosophique de l’auteur est habillé par un humour grinçant ! Dans Les Bottes de Sept Lieues qui est sans doute la nouvelle la plus aboutie du recueil, Marcel Aymé décrit à merveille les aventures de cinq garçons dans le Paris des années 30. Enfin, pour conclure, L’huissier (celle que j’ai le moins apprécié) et En attendant, la rencontre poignante de quatorze personnes dans la queue devant une épicerie de la rue Caulaincourt, quatorze personnes qui racontent leurs petites et grandes misères dues à la guerre évidemment, une nouvelle qui résonne étonnamment aujourd’hui…
Il y a bien longtemps, j’avais lu La Vouivre et, il y a plus longtemps encore, les Contes du Chat Perché, je n’avais donc qu’un lointain souvenir de la plume de Marcel Aymé… Et je suis ravie d’être revenue dans son univers par l’intermédiaire de ces nouvelles dont la lecture s’est révélée on ne peut plus distrayante !
Un roman dans lequel Marcel Aymé nous livre un conte philosophique historique. L’intrigue sert la réflexion et nous interroge sur l’après-guerre, dans cette France scindée en deux, celle des collaborateurs et des résistants, celle des vainqueurs et des matamores, celle des patriotes et des ennemis. Et surtout celle de tous ceux qui ont attendu que ça se passe...
« Cette vague d’hypocrisie, qu’il croyait voir déferler sur la France, prenait maintenant à ses yeux des proportions grandioses. »
Troisième volet d’une trilogie consacrée à la Deuxième Guerre Mondiale (avant-guerre, Occupation et ici Libération et épuration, époques que l’auteur a bien connues, lui qui fut même un temps mal vu après avoir publié dans des revues collaborationnistes tels que Gringoire ou Je suis partout), ce livre nous questionne sur le bien-fondé de nos choix, de nos actions ou de nos passivités, tout en finesse, sans aucun manichéisme, mais en toute impitoyable lucidité. Par le biais de situations cocasses, ridicules, follement dangereuses, paradoxales.
Dans ce récit truculent, avec l’humour percutant et ravageur et la grande acuité d’observation qu’on lui connaît, Marcel Aymé campe avec tendresse, mais sans illusions des personnages qui doutent, tâtonnent, essaient, cherchent à se racheter, s’arrangeant comme ils peuvent avec leur conscience, se réinventant tant bien que mal un futur... Profondément humains.
Désabusé, mais serein, féroce, mais indulgent, il fait le bilan désenchanté de cette période sombre et ambivalente de notre histoire dont les plaies sont encore à vif (écrit en 1948) et renvoie finalement tout le monde dos à dos, avec toutefois une affection particulière pour celui qui s’efforce de se dégager de l’influence mortifère d’Uranus pour décider d’aimer cette vie qui ne lui a pas été ôtée, à tout prix. Tout un symbole...
« Il pensait à tous ces hypocrites, au nombre desquels il se comptait lui-même, et que rien n’obligeait à taire leurs convictions ni à feindre d’en avoir d’autres. »
La drôlerie dévastatrice d’Aymé ne nuit pas à la gravité du sujet, bien au contraire, et le comique – irrésistible – sert un propos qui nous laisse ébranlés, perplexes et émus.
« Désœuvré, il tourna autour de la table, puis réfléchit à une disposition des meubles qui eût laissé plus d’espace pour se mouvoir. Par exemple, on pouvait mettre la commode sur la desserte et le bonheur-du-jour sur le secrétaire. »
Du grand Marcel Aymé, avec beaucoup d’échos dans les traumatismes, inquiétudes, clivages, fractures et montées des intolérances actuels. À lire ou relire sans plus tarder.
Une agréable lecture moralisatrice sous forme de 3 nouvelles. Le style d'écriture est dépassé.
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