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Dans ce récit intime, Xavier Le Clerc retrace la vie de son père à partir d’articles d’Albert Camus sur l’Algérie, notamment sur la famine en 1939 en Kabylie. Il imagine la pauvreté, la faim, le froid et le labeur imposés très tôt à son père. Puis le déracinement lorsqu’il part travailler en France, notamment à la SNM, société métallurgique de Normandie.
Il tente de raconter l’homme que Mohand Aït-Taleb a été : usé par le travail à l’usine, analphabète, traumatisé dans son enfance par la faim, le travail très jeune pour survivre, puis la guerre. Sa mère, plus jeune que son père, a toujours été mère au foyer et également analphabète.
Il raconte également sa propre enfance au sein d’une fratrie de 9 enfants où il se demande s’il a été adopté, tant il est différent d’eux. Il était un enfant sensible, se réfugiant dans les bibliothèques pour écrire et lire. Il y a de très beaux passages sur le pouvoir de la littérature et le rôle des bibliothèques qui ont forcément résonnés dans ma tête et mon cœur de bibliothécaire.
Il raconte aussi la difficulté de trouver un emploi avec son nom de famille. Il décide alors de changer de nom, Hamid Aït-Taleb devient Xavier Le Clerc. Ce nouveau patronyme lui ouvre les portes des grandes entreprises et de postes de cadre.
Xavier Le Clerc en dit beaucoup en très peu de pages (125), avec un ton calme, apaisé, réfléchi et surtout une très belle écriture, pleine de poésie. A la fin, il adresse une lettre très touchante à son père, mort en 2020.
Un très beau livre à ne pas rater.
Ce livre réunit le ton de la confession et l’apaisement de la lecture. Xavier Le Clerc est le narrateur et un lecteur. Ces deux attitudes, ces deux postures face à la réalité accentuent du décalage existant entre le fils et son père, entre l’auteur et cet homme sans titre.
Le reportage d’Albert Camus permet à Xavier Le Clerc de combler sa méconnaissance sur l’Algérie, sur les conditions de vie et de pauvreté des habitants de Kabylie. Les informations fournies par le reportage montrent surtout tout ce que le père n’a pas transmis à son fils, tout ce qui s’est tut entre les deux générations. Le fils met en mots la vie de son père. Xavier Le Clerc compose une biographie indirecte, imparfaite, faite par les mots des autres, au début en tout cas. L’auteur devient témoin quand il peut se rappeler du vécu, de son père travaillant et toujours accablé par la pauvreté et les fins de mois. C’est toute la deuxième partie du XXè siècle qui se déploie sous nos yeux, dans le quotidien de cette famille. Au cœur de cette famille reste le mystère d’un homme devenu objet d’observation et de questionnements.
Le livre est passionnant par ce mystère, par la foule d’hypothèses qui envahit l’esprit du fils pour comprendre et atteindre son père. Page après page, on voit ce qui les sépare, de l’incompréhension, une incapacité pour le père à raconter et donc à voir sa vie en face. Comme Camus face à la Misère de la Kabylie, Xavier Le Clerc regarde sa réalité la plus proche, la plus familière et la plus inconnue. Par son biais, on voit ce qui peut être nommé, ce qui ne peut pas l’être, ce qui peut prendre sens ou pas. A travers ce portrait social, on perçoit ce qui pèse sur l’Homme moderne : l’Histoire et sa tragédie, les codes de réussite de la société, la difficulté de dialoguer et le recours à la colère.
Très bon livre qui raconte la vie particulièrement dure du père de l’auteur, celle de sa famille, mais également la sienne puisqu’il cherche à sortir de cette vie de pauvreté tant financière qu’intellectuelle.
C’est très touchant et bien écrit.
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« Saïd n’avait jamais été pris en photo auparavant. Pas même le jour de son mariage. Sa femme et ses deux enfants. Il ne pensait qu’à les nourrir, les protéger. C’était pour eux tout ce cirque. Il en va du destin comme de quelques tours de clé. Saïd posait sobrement, l’air remonté comme un jouet mécanique. »
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Saïd, c’est le jeune homme en tenue de zouave présent sur la photo du bandeau de ce roman.
Jeune paysan kabyle, c’est pour nourrir sa famille qu’il s’est engagé dans une guerre qui n’était pas la sienne.
Il meurt en 1917 - à 24 ans - dans les tranchées de Verdun, entouré d’autres de ses frères d’armes : les « Indigènes ».
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« Avec les cinquante centimes de sa solde journalière, elle pourra acheter tous les mois un demi- kilo de pain, trois œufs et un peu de lait. Et s'il meurt, elle touchera la prime de veuvage de cent vingt francs : le prix d'un homme. »
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C’est avec sa plume élégante et sensible que Xavier Le Clerc a choisi de rendre hommage à son arrière-grand-père, Saïd.
Porté par une écriture simple et souvent à fleur de peau, ce roman de l’intime - puissant - et la voix donnée à un homme qui ne l’a jamais eu.
Très peu vu par ici, ce sublime roman gagne pourtant à être lu par le plus grand nombre ✨♥️
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« Peut-être un jour entendrons-nous ton sacrifice, celui de tant d’autres indigènes aussi. Peut-être un jour comprendrons-nous que toi aussi tu as donné ton sang dans la boue de Verdun. Que nous sommes un peuple magnifique de sangs mêlés. Que nous ne remplaçons donc personne. »
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