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Ce roman est une plongée en apnée dans le fanatisme, religieux ou racial, qui mène à des extrémités radicales, avec des actions violentes et sanglantes.
L'auteur décortique avec une précision chirurgicale les racines du mal, plongeant très loin dans l'âme de ses "sombres" héros pour comprendre par quel mécanisme infernal des gens somme toute ordinaires deviennent des terroristes.
Avec effroi, le lecteur les suit dans leurs dérives irraisonnées qui les mèneront à l'irréparable.
Malgré ce sujet très anxiogène, j'ai lu ce roman avec beaucoup d'intérêt grâce au talent de l'auteur qui parvient à expliquer les choses simplement, sans fioritures, dans toute leurs cruauté et barbarie.
La rédemption existe-t-elle pour cette catégorie de criminels ? La question reste posée ; personnellement, je ne me hasarderai pas à apporter une réponse.
Xavier et Brahim ont grandi dans des quartiers défavorisés de Bruxelles, sans se connaître. Ils se sont rencontrés bien plus tard, en prison. Brahim était devenu Abu Brahim, islamiste, djihadiste, terroriste, condamné à une lourde peine en tant que cerveau d’un attentat sur la Grand Place de Bruxelles, en pleine Fête de la Bière, un carnage. Seul membre de son réseau à s’être fait prendre, il est persuadé d’avoir été sacrifié pour la Cause, et n’a jamais révélé les noms de ses complices.
Xavier, ex-militaire ayant combattu en Irak, est derrière les barreaux pour avoir sauvagement agressé dans un bar un type qui avait eu la mauvaise idée de draguer sa copine.
En prison, Abu Brahim a endoctriné Xavier, devenu Abu Kassem et fanatisé au point de décider de venger Brahim en infiltrant une cellule terroriste dormante et ainsi identifier les traîtres qui ont abandonné Brahim. Dès sa sortie de prison, il met au point un attentat d’une ampleur tellement inouïe qu’elle effraie même ses complices les plus endurcis. Quant à Abu Brahim, après avoir purgé seulement 5 ans de prison, il est libéré sous condition (grâce à un vice de procédure) quelques mois après Xavier, avec un bracelet électronique qui lui permet de sortir de chez lui une heure par jour, entre 17h et 18h. Coincé chez lui, presque coupé du monde, renié par sa famille (sauf sa mère), Brahim est de plus en plus taraudé par le Doute, qui met sa Foi à rude épreuve. Par ailleurs, lors de ses courtes sorties, il aperçoit d’étranges tags d’une secte d’extrême-droite, qui apparaissent sur les murs des mosquées du quartier.
« Le second disciple » n’est pas un thriller mais un roman noir qui emmène le lecteur dans les tréfonds des cerveaux torturés de ses personnages principaux. Xavier, radicalisé, lobotomisé, fait figure de robot de l’apocalypse, même s’il finit par laisser parler son cœur à quelques pages de la fin. Pour Brahim, la perte des illusions est plus rapide : le Paradis n’existe pas au ciel, alors qu’on peut vivre l’Enfer sur terre. Au fil des pages, on découvre les certitudes et convictions de l’un, le questionnement, les doutes et angoisses de l’autre ; leurs logiques et leurs justifications.
Mais que tout cela est long et cérébral, dans un style tantôt haché, tantôt lyrique, que je n’ai pas aimé. Et puis, ceci explique peut-être cela, je me suis perdue sur cette route trop tordue pour moi : je n’ai pas compris qui étaient les traîtres (y en avait-il seulement?), ni en quoi l’attentat imaginé par Xavier vengerait Brahim, ni qui était le second disciple, ni l’intérêt de superposer à cela la menace d’une milice néo-fasciste islamophobe. Quitte à faire dans la psychologie, j’aurais aimé que l’auteur approfondisse les mécanismes de la radicalisation et de l’endoctrinement, dans quelles failles de la personnalité les idéologies font-elles leur nid, en bref pourquoi devient-on terroriste alors que seule la mort se trouve au bout d’un tel chemin, pourquoi tant de haine, de terreur, de violence et de désespoir pour, au final, échouer à convertir les mécréants (question valable pour tous les fanatismes religieux à travers le temps, d’ailleurs) ?
D’accord, on est dans un roman et pas un documentaire, mais certains points manquent tout de même de vraisemblance, à commencer par la libération conditionnelle, 5 ans après son procès, d’un terroriste pour vice de forme (avec, en plus une seule heure de sortie autorisée par jour), ou encore la faisabilité technique de l’attentat planifié par Xavier, ou le recrutement de celui-ci à un poste de chauffeur pour ultra-VIP après avoir fréquenté un djihadiste en prison. Pour le reste, la description du contexte socio-culturel des environnements respectifs de Xavier (le centre de Bruxelles) et Brahim (Molenbeek) est beaucoup plus convaincante, on sent que l’auteur connaît bien son sujet pour avoir vécu dans ces quartiers. Et malgré la noirceur du thème, il y a, pour le lecteur bruxellois, quelque chose de jouissif à suivre les personnages à travers des repères géographiques plus ou moins connus.
#LisezVousLeBelge
Le parcours de Xavier est assez classique. Jeune homme européen vivant dans les quartiers populaires de Molenbeek, il intègre l’armée belge où il passe quelques années puis vit un difficile retour à la vie civile et se fait incarcérer pour agression.
Ce qui est moins classique dans son parcours, c’est qu’en rencontrant Abu Brahim en prison, l’auteur des attentats de la Fête de la Bière, il se radicalise et devient Abu Kassem.
Et c’est une bombe en puissance que l’on retrouve, 4 ans après, dans les quartiers Arabes et Turcs de Bruxelles, préparant un attentat terroriste d’envergure.
Bercé par les films de Scorcèse et les chansons de Bowie, Xavier/Abu Kassem est un idéaliste tellement insaisissable qu’il finit par faire peur aux membres de sa cellule djihadiste. S’opposant aux formations idéologiques qu’ont reçues ses compagnons dans les camps d’entraînement d’Irak et du Pakistan, il intègre dans ses motivations des notions de bien et de mal, de déshérités et de nantis, qui ne correspondent pas à ce qu’on attend de lui dans ces réseaux intégristes.
En parallèle de la mouvance fondamentaliste, les mouvements fascistes de la Fraternité Aryenne, fomentent eux aussi de leur côté, des actions violentes coordonnées.
Revendiquant un amour inconditionnel pour leurs préceptes religieux ou idéologiques, ces extrémistes sont en fait mus par une haine abyssale qui leur fait perdre tout discernement, et c’est franchement terrifiant ! Explorant de l’intérieur ces milieux impénétrables, l’auteur cerne, avec une justesse glaçante, les motivations et les limites de chacun.
Dans un style original, Kenan Görgün zoome et dézoome sur le récit en alternant 2ème et 3ème personne, donnant ainsi une dimension filmographique à son roman. Un polar sociétal très sombre dont l’intérêt historique éclairera sans aucun doute les générations futures et qui dévoile l’engrenage idéologique du terrorisme avec une lucidité à couper le souffle.
Descente aux enfers
Xavier sort de prison (où il purgeait une peine suite à un gros pétage de plomb) en Abu Kassem. En prison il a rencontré Brahim incarcéré comme cerveau d'un attentat islamiste qui a ensanglanté la capitale Belge et s'est converti à l'islam. Abu Kassem va infiltrer une cellule terroriste et devenir l'instrument de la vengeance de Brahim convaincu d'avoir été sacrifié par ses acolytes, préparant un attentat qui fera passer le 11 septembre pour une rigolade... Plus que l'intrigue c'est l'atmosphère de ce livre qui marque à jamais... Le style est percutant comme un coup de poing... Ce livre a valeur de documentaire, sans manichéisme. Un grand roman, bravo à l'auteur... J'ai lu l'un de ses interviews, son parcours atypique rend son ouvrage authentique. Hâte de lire le tome 2 !
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