"Cette poésie dans l’écriture qui dépeint merveilleusement bien cette atmosphère si particulière d’Alger..."
"Cette poésie dans l’écriture qui dépeint merveilleusement bien cette atmosphère si particulière d’Alger..."
Qui sont les auteurs et libraires membres du jury ?
Retour sur la soirée par Colette LORBAT, lectrice
Le 23 novembre à 18h, à Paris dans le 15e arrondissement.
Un roman de Kaouther Adimi dont j'avais la chance et le plaisir de découvrir avant sa parution grâce aux animatrices de Culturalivres.
Une fiction historique sur un siècle de trois guerres, les bouleversements que connaît le pays avec la seconde guerre mondiale, la décolonisation, l'autrice nous invite aussi à réfléchir sur le rôle de la littérature, sa création, son usage. C'est aussi une saga familiale, romanesque et complexe sur l'individualité, la liberté. Une belle plume avec une intrigue qui aborde une multitude de sujet, des anecdotes, la plume est aussi tendre et délicate, emplie d’émotions.
"Nous tairons les cauchemars et ferons mine d’ignorer que lorsque le pays tout entier a basculé dans l’horreur, nos yeux, comme ceux de nos parents et de nos grands-parents avant nous, ont changé, car c’est bien ce que vous font les guerres, elles vous altèrent et vous abîment définitivement. Elles s’enchaînent à vos pieds et vous les traînez toute votre vie. Elles vous épouvantent et vous condamnent à vivre en marge des autres. Elles vous forcent à cohabiter, à cheminer avec des démons."
"Les gens pensent que quand on a fait la guerre et qu’on a survécu, c’est terminé. Moi, j’ai fait deux fois la guerre, deux fois je suis rentré chez moi mais je suis plein de poussière et je n’arrive pas à m’en débarrasser. Elle est entrée ²dans ma tête et dans mon cœur. C’est le vent mauvais qui l’apporte, cette fichue poussière qui jamais ne me lâche."
Au vent mauvais parle-t-il de ce vent venu du désert chargé de poussière rouge contenant des traces des essais nucléaires de la France ou bien fait-il allusion à tous ces événements dramatiques mettant en péril une indépendance durement acquise ? Kaouther Adimi (Nos Richesses et Les Petits de décembre) qui a des liens étroits avec l’Algérie laisse ses lecteurs choisir la bonne hypothèse à l’issue d’un livre remarquablement construit.
Dans un premier chapitre assez court, l’autrice présente un écrivain, Saïd B., qui vient de publier le premier roman en langue arabe, en Algérie. Ce livre a un succès populaire énorme. C’est pourquoi, son auteur qui travaille à la radio en journée, vient au-devant de ses lecteurs dans une librairie d’Alger. L’héroïne de ce roman dont la photo illustre la couverture, se nomme Leïla.
Dans ce livre, l’auteur raconte sa vie, celle de Tarek, son mari, là-bas dans leur village d’origine, El Zahra. Saïd et Tarek étaient les meilleurs amis pendant leur enfance mais Saïd est parti faire des études alors que Tarek a continué son travail de berger.
Il faut ajouter simplement que la parution de ce livre a bouleversé la vie de Leïla et Tarek qui ont dû fuir précipitamment leur village, avec leurs enfants, sous la pression menaçante des femmes.
Dès que j’ai terminé le livre, j’ai relu les premières pages car elles sont essentielles pour la compréhension du roman dont la première grande partie est consacrée à Tarek, la seconde étant évidemment pour Leïla.
Avec ces deux destins, Kaouther Adimi m’a fait vivre toutes ces années si importantes pour l’Algérie où Tarek est né en 1922, fils d’une mère muette, son père étant décédé. C’est Safia, une femme du village qui a veillé sur lui.
Comme Leïla, Tarek grandit dans une Algérie colonisée par la France. C’est pourquoi, il est enrôlé dans l’armée française et doit aller combattre de l’autre côté de la Méditerranée. Un peu plus tôt, en 1938, Leïla (15 ans) a été mariée contre l’avis de Safia qui la recueille un peu plus tard, avec son bébé de trois mois. Elle avait quitté son mari, récoltant la réprobation de tout le village.
Avec précision, un souci honorable du détail, des chapitres courts et un déroulement palpitant, l’autrice permet de rappeler le sort de ces travailleurs algériens entassés dans des foyers Sonacotra insalubres. Confrontés au racisme, ils apportent leur force de travail indispensable à notre pays durant ces années d’après-guerre.
J’ai souffert avec Tarek, admiré son courage, espéré sans cesse un sort meilleur pour lui et sa famille restée là-bas, à El Zahra. Le mandat qu’il envoie régulièrement à Leïla lui permet de vivre et d’élever leurs enfants.
Dans Au vent mauvais, j’ai bien aimé les détails concernant le tournage de La Bataille d’Alger par Gillo Pontecorvo, un film dans lequel Tarek se retrouve impliqué, un film qui, à Alger, des années plus tard, sera hué par des jeunes acquis aux thèses des islamistes !
La partie consacrée à Leïla apporte beaucoup d’explications, éclaire certains passages concernant Tarek. Le traumatisme subi lors de la parution du livre de Saïd B. poursuit Leïla pendant des années. Là, l’autrice pose des questions essentielles à propos du travail de l’écrivain lorsque celui-ci écrit sur la vie de gens bien réels.
Il faut le profond amour la liant à Tarek pour lui permettre enfin de surmonter cela. Les figues de Barbarie retrouvées plus tard leur donneront encore un peu de bonheur.
C’est dans cette partie que la situation politique en Algérie bascule une fois de plus dans le drame avec attentats, assassinats, extrémisme religieux jusqu’au-boutiste.
J’ai vraiment aimé lire Au vent mauvais, roman faisant partie de la sélection pour le Prix des Lecteurs des 2 Rives, un livre qui m’a plongé au plus près de la réalité d’un pays qui a traversé des périodes très difficiles pas vraiment terminées d’ailleurs.
Mon émotion est montée encore d’un cran lorsque Kaouther Adimi a révélé un élément fondamental pour l’écriture de son livre, élément que je vous laisse le soin de découvrir.
Chronique illustrée à retrouver sur https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2023/04/kaouther-adimi-au-vent-mauvais.html
Après Nos richesses et Les petits de Décembre, j’ai une nouvelle fois été séduite par la plume de Kaouther Adimi avec Au vent mauvais.
Le prologue du roman est là pour intriguer le lecteur avec ce vent mauvais qui a soufflé la nuit du 22 septembre 1972, un vrai vent qui arrive du Sahara et va recouvrir Alger de sa poussière rouge, mais aussi annonceur d’une tempête de jours difficiles.
Début des années 1920, trois enfants, Leïla, Tarek et son frère de lait Saïd grandissent dans un petit village de l’est de l’Algérie, au hameau de El Zahra. Tarek et Saïd dont l’amitié semble indestructible sont séparés à l’adolescence. Le brillant Saïd, d’une famille plus aisée part poursuivre ses études tandis que Tarek timide et discret reste au village et devient berger. Tous deux sont secrètement amoureux de Leïla. Celle-ci âgée de quinze ans, mariée contre son gré à un ami de son père ose le quitter et retourne chez ses parents, avec son fils, dans la réprobation générale.
À travers les destins croisés de ces trois personnages, Kaouther Adimi dresse une fresque certes rapide mais ô combien efficace de l’Algérie des années 1922 aux années 1992, de la période de colonisation jusqu’au moment où le pays bascule dans la guerre civile.
Elle retrace la colonisation, la Seconde Guerre mondiale, l’envoi des hommes au front et la façon honteuse dont ils seront ensuite accueillis à leur retour par les Français, la guerre pour l’indépendance de l’Algérie et l’arrivée du FLN, le coup d’état de Boumedienne qui ne surprend pas la population habituée à observer en arrière-plan de la ville les chars de Gillo Pontecorvo en train de tourner le film La Bataille d’Alger, l’émigration vers les villes et pour terminer avec la montée de l’islamisme et le début de la guerre civile en cet été 1992 inaugurant cette funeste « décennie noire ».
Tout en dressant cette grande fresque de l’Algérie sur un siècle ou presque, Kaouther Adimi nous invite également à réfléchir sur le rôle de la Littérature et le pouvoir des mots.
La publication d’un livre par Saïd devenu écrivain va en effet bouleverser la vie de Leïla et Tarek. Il a pris pour héros ses deux amis et sous leur propre nom. Ils sont ulcérés de retrouver leur vie intime portée à la connaissance de tous et Leïla, personnage principal dans le roman, pose cette question : « Quel nom porte cette sorcellerie qui donne le pouvoir de deviner les corps, les pensées et les rêves les plus intimes de deux personnes ? » Elle pense que son prénom ne lui appartient plus, qu’elle s’est fait confisquer son identité, que son histoire a été salie, que son corps est connu de tous et que ce qui est écrit est écrit pour toujours.
C’est donc ce pouvoir des mots qui est évoqué ici, pouvoir réparateur, pouvoir salvateur comme l’affirme d’ailleurs Tarek en parlant de son collègue avec lequel il travaillait à Paris : « Et la littérature, se disait Tarek, c’était peut-être au contraire ce qui avait sauvé son binôme, ce qui l’empêchait de sombrer, de faire rouler hors de leurs orbites ses yeux-billes » mais, en contrepartie, peut-on raisonnablement raconter l'histoire d'une famille ?
Inspirée par la propre histoire de ses grands-parents, Kaouther Adimi livre un portrait déchirant, la douloureuse tragédie de son peuple, de cette Algérie du XXe siècle.
Au vent mauvais est un livre tout en délicatesse. Avec une écriture concise et émouvante, Kaouther Adimi, parvient à faire ressentir les horreurs qu’a traversé l’Algérie, sans les décrire forcément mais en les suggérant de façon très subtile et malheureusement bien compréhensible.
De façon récurrente, elle insiste sur le fait que les guerres vous altèrent et vous abîment définitivement… mais termine par une note positive en revenant à El Zahra où « les figues de Barbarie continuent de pousser ».
Chronique illustrée à retrouver sur https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2023/04/kaouther-adimi-au-vent-mauvais-1.html
Magnifique fresque de 1920 à 1992. Une histoire d'amitié et de trahison entre 3 personnages dans une Algérie douloureusement malmenée par l'histoire.
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