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Ma lecture d’un roman est souvent l’apothéose d’un parcours. Pour "Mater Dolorosa", ce fut la présentation de la rentrée littéraire des Editions Agullo, très intéressante, puis la couverture de l’ouvrage, sublime, et la rencontre en ligne avec Jurica Pavičić, l’auteur, qui parla presque deux heures avec flamme et en français, passionnante.
Intéressant, sublime, passionnant, ce sont les mêmes termes qui me viennent pour qualifier le récit que je viens de terminer. Il est aussi noir, triste, mélancolique. Une jeune fille – de bonne famille – est trouvée morte, violée et étranglée, dans une usine désaffectée de la banlieue de Split. L’enquête est confiée à un vieux flic aux méthodes soviétiques et à un jeune policier, Zvone, très différent. Alors, roman policier ? Peut-être, mais pas que et loin de là. Ce roman est, avant tout une étude approfondie de la psychologie des personnages et de la Croatie qui navigue entre justice et traditions.
Les raisons de ce meurtre font certes partie des questions qui se posent, mais il en est une plus importante encore : jusqu’où est-on prêt à aller pour protéger les siens ? Car, au fond, le coupable est connu très tôt. Et, dès que les images du drame, terribles, sont révélées à la télévision, Katja et Inès la mère et la sœur de Mario reconnaissent sur le champ son sac à dos et son survêtement. Mais la mère va tout faire pour protéger son fils. La sœur, qui a du mal à gérer ses doutes et sa mauvaise conscience, fuira à l’étranger.
J’ai adoré ce roman, sa construction, véritable valse à trois temps. Katja, Inès et Zvone s’expriment à tour de rôle dans de petits chapitres. Les sentiments sont disséqués, les regards croisés, en même temps que l’on visite Split, que l'on sent les vents des Balkans souffler, que l’on apprend qu’en Croatie, pays européen, tout n’est pas si rose. On se rend compte que la corruption est toujours présente et la dictature communiste encore dans tous les esprits. Le tout est fort bien écrit, truffé d’anecdotes sur la vie des uns et des autres, agrémenté de paysages, sortes de sas plus légers.
"Mater Dolorosa" est un récit très fort, noir et lumineux à la fois. L’intrigue est finement menée et les personnages, d’une grande densité, sont inoubliables. Un magnifique moment de lecture.
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Aux premiers abords, on pense se trouver face à un roman policier assez commun lorsque le corps d’une jeune fille est retrouvé dans un chancre industriel, près de la ville de Split, en Croatie. Pourtant, ce point de départ ne va pas mener à une enquête classique, bien loin de là.
Rendez-vous à Split, une ville croate vivant du tourisme une bonne partie de l’année. Par « Mater Dolorosa », on est bien éloigné des paysages féeriques des cartes postales. Lorsque les touristes s’en vont, cela laisse place à une cité assez morne et endormie. Les alentours de la ville sont envahis d’anciennes grosses industries abandonnées et les stigmates de l’époque communiste sont encore bien présents.
Segmenté en six parties, les chapitres sont consacrés à chacun des trois protagonistes principaux : Inès, travaillant à la réception d’un hôtel, Katja, sa mère, qui s’occupe de son foyer et de son fils, Mario ainsi que Zvone, un jeune enquêteur qui va se voir confier une enquête au sujet du meurtre d’une adolescente, fille d’un éminent médecin.
Une certaine déconvenue peut donc menacer le lecteur. D’abord de connaître rapidement le nom de l’assassin et ensuite, par la mise en place modérée de l’intrigue. Pour terminer, ce qui m’a personnellement désarçonnée quelque peu est la fin de l’histoire laissant certaines portes perméables octroyant ainsi une fin ouverte, à la convenance des lecteurs.
Bien loin des ficelles traditionnelles du polar, l’auteur, Jurica Pavičić se pose la question du cas de conscience : jusqu’où peuvent aller les gens afin de défendre les leurs, comment cela peut finalement détruire les liens… Toute cette intrigue prend place assez posément, bien loin des page-tuners qu’on peut rencontrer donnant un rythme un brin lent et plus tourner vers la psychologie des personnages.
En bref, en matière d’originalité, si vous souhaitez un peu sortir des sentiers battus, ce livre est fait pour vous !
Lu dans le cadre du Grand Prix de Elle
Ce livre n’est pas vraiment un policier car on sait très vite qui est l’assassin et le violeur de Viktorija jeune fille de 17 ans.
C’est un roman choral qui donne tour à tour la parole à Katja la mère, Inès la sœur et Zvone le policier. On n’entend jamais Mario le présumé assassin, on ne connaîtra pas ses motivations, on ne saura pas ce qu’il pense. C’est une sorte d’ombre, qui ne travaille pas, suit une routine immuable et ne semble même pas se soucier des traces qu’il a pu laisser.
Lorsque la police présente les indices l’incriminant aux médias, sa mère et sa sœur les reconnaissent et vont réagir de façon différente.
Katja va tout faire pour le protéger. Fidèle pratiquante, elle se réfugie à l’église où elle trouve sa réponse, le diable a pris possession de lui durant 5 mn. Elle s’identifie à la Vierge et pense que : «Les fils sont toujours un supplice pour les mères»
Inès ne résiste pas à la pression de la famille paternelle et préfère prendre la fuite.
Mais l’ambivalence de la famille n’est pas la seule car Zvone le jeune policier qui pressent la vérité laisse certains de ses collègues choisir la voie de la facilité.
C’est un roman noir avec une atmosphère pesante. L’histoire est à l’image de la ville de Split touristique, tournée vers l’Europe mais qui reste marquée par le socialisme et la corruption partout présente.
Une fois le livre refermé, on garde une sensation de tristesse et de pessimisme suite entre autres aux dernières paroles d’Inès.
Ce livre a une couverture magnifique et son papier très épais rend la lecture agréable.
Dans la plupart des romans policiers, l’intrigue repose sur l’identification du coupable. Dans Mater Dolorosa, l’enjeu est ailleurs. En effet, on devine très vite l’identité du meurtrier, au même rythme et avec le même effroi que les trois personnages qui se partagent la narration. Une mère, une sœur, un policier - bien impuissant face aux liens du sang.
“Où était-il ce samedi soir ? À la maison. Ce qu’il faisait ? Il dormait. Qui peut le confirmer ? Sa mère. Peut-être aussi sa sœur.” On ne sait pas grand-chose du meurtrier. Il se contente d’être là, un fils, un frère, un tueur, un violeur, alors que les trois autres personnages se démènent pour le protéger ou le coincer.
L’enquête piétine, malgré l’évidence, faute de preuves. Pour la faire avancer, il faudrait que la mère, si pieuse, accepte, craque, parle. Or les mères ne cèdent pas, même dans la douleur. “Les fils sont pris à l’armée, ils partent en mer, ils font la guerre, se battent au match, tombent dans les problèmes - et les mères sont encore et toujours là, car elles sont des mères.”
Protéger, dénoncer, oublier ? Comme les personnages, tous complices, coupables ou empêchés, on sait bien qu’il n’y a pas d’issue, pas de salut. Ce récit écrit au présent, bâti de phrases courtes et âpres, explore le silence qui s’installe dans une famille et la morosité qui règne à Split, cette ville qui, vidée de ses touristes, devient aussi triste et froide qu’une église.
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