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Jan Trefulka

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    Couverture du livre « Séduit et abandonné » de Jan Trefulka aux éditions Gallimard

    Patrice L. sur Séduit et abandonné de Jan Trefulka

    Ecrivain tchèque, Jan Trefulka (1929 – 2012) a été traduit à trois reprises en français. Séduit et abandonné est un livre écrit en 1973 et paru sous forme de samizdat durant la normalisation qui frappait la Tchécoslovaquie.

    Mais son angoisse la plus aiguë provenait de ce qu’il se savait...
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    Ecrivain tchèque, Jan Trefulka (1929 – 2012) a été traduit à trois reprises en français. Séduit et abandonné est un livre écrit en 1973 et paru sous forme de samizdat durant la normalisation qui frappait la Tchécoslovaquie.

    Mais son angoisse la plus aiguë provenait de ce qu’il se savait définitivement condamné ; sa vie avait irrévocablement déraillé, des centaines de milliers de vies avaient déraillé de la sorte et il n’y avait pas de remède ; silencieux et obéissants, les hommes avançaient vers leur perte.

    La vie de Jan Trefulka est en quelque sorte un résumé de l’histoire de son pays, la Tchécoslovaquie. Né en Moravie, il fut exclu de la Faculté de Philosophie pendant ses études à la suite d’une plaisanterie. Proche de Kundera, cet événement sera d’ailleurs à l’origine de la rédaction de La plaisanterie, un ouvrage clé de l’oeuvre de l’écrivain tchèque établi désormais en France. Trefulka est passé par un grand nombre de métiers, comme celui de tractoriste dans une ferme. Se rapprochant du pouvoir, il fut exclu du parti communiste en 1969. Il fut l’un des signataires de la Charte 77, à l’instigation de Vaclav Havel.

    Dans Séduit et abandonné, Jindřich Dvořak, après une nuit très arrosée, erre dans Prague. Il veut s’enfuir, échapper à certaines personnes (dont le rôle sera décrit plus tard dans le livre). Les chapitres sont très courts, il s’agit parfois davantage de paragraphes, et n’ont pas de caractère chronologique, ce qui confère au livre une structure assez particulière.

    Sans pathos, sans s’apesantir, le lecteur prend conscience des événéments tragiques qui ont concerné sa famille : un père en camp de concentration, un oncle prêtre arrêté et dont on devine qu’il ne rentra jamais chez lui… mais aussi les éléments de sa propre vie, comme l’arrivée des troupes russes en 1948, l’invasion des troupes du Pacte de Varsovie en 1968, leur influence sur la vie d’un homme pour lequel il n’existe pas de place dans une telle société. « Séduit », ou plutôt prêt à s’adapter, mais finalement « abandonné » par cette société, par son épouse, par ses collègues de travail.

    Il apprit un métier : il devint aide-grutier dans une usine de machinerie lourde. Il logeait dans un foyer de travailleurs. Que les choses aillent pour lui en se dégradant ne lui déplaisait pas ; petit à petit il adopta le mode de vie de ses voisins de chambre : il pouvait rester assis pendant de longues heures devant une bière, à observer les habitués du café local ; de temps à autre il allait au cinéma pour s’assurer encore une fois qu’il n’y avait rien à voir ; le dimanche matin il s’esquivait pour aller à la messe, mais la messe elle-même lui paraissait contrefaite comme tout son travail, sans véritable intérêt, sans ferveur. Il le savait : la prêtrise était devenue un métier qui reposait sur l’indifférence, l’incroyance, la lâcheté, et sur d’autres inavouables faiblesses humaines. (…) Il se présenta à l’embauche dans de nombreuses entreprises. Ce n’étaient partout que des regards scandalisés, parfois aussi compatissants, de la part des responsables du personnel. Vite, on lui donnait des questionnaires pour se débarrasser de lui. Il connaissait par avance le résultat de ses démarches : il savait qu’il ne pourrait se faire embaucher que là où on n’avait pas les moyens de recruter des employés selon leur profil politique.

    Même si je n’ai pas lu Hommage aux fous du même auteur, il me semble à la lecture de la chronique rédigée par Passage à l’Est, que nous retrouvons des thèmes communs aux deux ouvrages : un homme qui fait le bilan de sa vie, conscient de ce à côté duquel il est passé. Il offre une vraie introspection mais constitue également une critique du régime communiste. Par ses réflexions sur la vie et sur la responsabilité à laquelle sont consacrées les dernières pages, il a un caractère très universel.

    https://etsionbouquinait.com/2023/03/01/jan-trefulka-seduit-et-abandonne/

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