La revue de presse livres vous dit tout ce qu’il faut savoir — et emporter — avant l’été !
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Depuis le ventre de sa mère qui l’héberge encore pour quelques semaines, un fœtus se prépare à faire son entrée dans le monde. Il entend tout, ressent et comprend tout ce qui s’y passe, instruit par les bulletins d’information et les podcasts que sa mère écoute. Cultivé et perspicace, il commente l’actualité et philosophe sur la vie comme elle va, c’est-à-dire plutôt mal. La vie en général, et surtout celle de son père en particulier, menacée, ni plus ni moins, d’une fin précoce.
Notre narrateur pas encore né a en effet découvert que sa mère complote avec son amant pour tuer son père, qui n’est autre que le frère de l’amant. Le fœtus essaie de comprendre le mobile de ce meurtre imminent, et est atterré quand il réalise que sa mère préfère son amant inculte et matérialiste au père de son enfant, poète aussi talentueux que peu reconnu et toujours follement amoureux d’elle.
Du fond de sa coque de noix, il voudrait bien empêcher le drame, mais comment pourrait-il bien s’y prendre ?
Ce Hamlet in utero est écrit de façon si réaliste qu’on en oublie l’extravagance de départ, qui consiste à donner la parole à un fœtus. Celui-ci est tout à fait crédible quand il nous livre ses réflexions et pensées (avec quelques piques balancées contre la société britannique), et ce qu’il ressent physiquement et psychiquement lorsqu’il entend les conversations de sa mère (pas maternelle pour un sou), ou lorsqu’elle mange ou boit (il devient d’ailleurs un fin œnologue, à force d’écluser à travers le cordon ombilical tout le vin qu’elle ingurgite). Et quand il raconte l’inconfort et l’étroitesse de sa position lors des relations sexuelles de sa mère, c’est carrément hilarant : « Tout le monde ne sait pas quel effet ça fait, d’avoir le pénis du rival de votre père à quelques centimètres de votre nez… Je ferme les yeux, serre les gencives, me recroqueville contre la paroi utérine. Ces turbulences arracheraient les ailes d’un Boeing ».
Un roman à suspense, original sans sombrer dans le farfelu, bourré d’humour noir, incisif et intelligent.
Stephen Lewis, écrivain et Julie sa femme, violoniste au conservatoire, représente le parfait couple heureux ; d’autant qu’ils adorent leur petite Kate de trois ans. Bon vous avez compris, le titre du livre L’enfant volé vous donne la direction de ce récit. Effectivement lors de courses alimentaires dans un supermarché près de chez eux, dans le sud de Londres ; Kate est enlevée ! Il est facile de comprendre la panique du père puis de la mère lors de cette effarante nouvelle. Ainsi au cours des jours, l’incompréhension, le désarroi et bien sûr le sentiment de culpabilité déstructurent les parents. D’autant qu’au bout d’une semaine la police passe à élucider d’autres dossiers. De fait se révèle la personnalité de chaque personne, le père qui se noie dans des démarches, des heures de recherches dans les rues, les magasins et le paradoxe avec la mère qui subit une complète atonie, qui reste inerte dans l’appartement laissant l’indicible tristesse l’envahir.
Ian McEwan va s’attacher à décrire le cheminement psychologique du père, surtout ; Julie, elle, va se détacher du couple pour digérer et faire abstraction de son enfant volé. La rancune réciproque tue les paroles, les non-dits dans ce cas empoisonnent l’idée de passer le cap, avec le constat qu’ils n’ont plus rien à partager, qu’ils ne peuvent se réconforter mutuellement ; en conséquence, ils se séparent mais cela introduit la suite logique et implacable du divorce, qui semble s’imposer. Mis à part ce début, il m’a semblé partir sur un thriller, mais que nenni, l’auteur explique avec moult détail le rôle de Stephen d’une sous-commission sur la Lecture et l’Écriture de la commission gouvernementale de Pédagogie. Certes il écrit des livres pour enfants et s’investit avec ces commissions afin de permettre l’édition d’un manuel de pédagogie et dès lors la renaissance de la nation grâce à une réforme de l’approche éducative de l’enfant ; mais ainsi, pour moi, l’objet de connaître le sort de Kate, semble une non-priorité ?
Il en est de même avec la relation de ses plus proches amis, qui l’accaparent fréquemment et de plus en plus. Sa femme quant à elle, réfugiée en pleine campagne, reçoit sa visite épisodique. Enfin une vision politique parsème le livre avec l’intervention du Premier ministre anglais, sur différents thèmes, que je ne peux citer.
Bref, je suis fortement déçu par la réaction des parents (fortement détaillée) au détriment de l’explication, et surtout de tenter de la retrouver, au-delà des premiers jours de l’enlèvement de leur petite fille. L’auteur évoque avec parcimonie mais d’une façon entêtante la notion du passage du temps, comment définir cette entité, est que représente-t-elle, ou tout simplement serait-ce le facteur temps pour expliquer l’évolution des personnages dans cette bouleversante tragédie ? Reste le fil rouge de l’enfance et le parcours traumatisant de ces parents qui, sans doute, cherche la rédemption. Finalement circonspect par la lecture de ce prix Femina 1993.
À l’heure de l’apprentissage de la lecture, grâce à une toute nouvelle méthode (l’alphabet phonétique) Stephen est un écrivain (anglais) plutôt épanoui. Très amoureux de sa femme Julie, une violoniste qui commence à être reconnue. Bon père de famille également auprès de Kate, sa fillette de trois ans. Jusqu’au jour où leur existence va voler en éclats, avec la disparition (en quelques secondes) de l’enfant devant les caisses du supermarché, alors que Stephen déposait ses articles sur le tapis roulant …
Dans ce roman qui obtint le Prix Femina en 1993, Ian Mc Ewan est au plus près du ressenti de ses principaux protagonistes. On ne peut qu’éprouver une sincère compassion pour Julie et Stephen. L’écriture est belle, le style rodé et plutôt percutant, l’analyse pertinente.
Hélas, je n’ai pas vraiment réussi à entrer dans « l’univers » de cet homme blessé. Et les (très, trop …) longues considérations (notamment avec le ministre …) concernant la mise en place d’un nouveau manuel pédagogique (Stephen, en tant qu’écrivain pour enfants, fait partie de la Commission …) m’ont – je l’avoue – terriblement ennuyée ! Et – quand bien même la disparition de la petite Kate demeure omniprésente tout au long de l’intrigue – je n’ai guère eu (contrairement à ce qu’en dit la quatrième de couverture) la sensation d’un réel « suspense ».
Je suis donc totalement « passée à côté » et ai (enfin !) refermé ce roman (le cinquième d’un auteur que j’apprécie pourtant d’habitude …) avec un certain « soulagement », doublé d’une pointe de déception …
Quand le désir emporte tout pour les uns alors qu’il reste sous contrôle pour les autres.
Roland Baines est l’incarnation profonde de l’homme aux rêves abîmés. Oui mais il va se démener comme un diable pour remonter à la source de son rêve, ou plus précisément à celui du « désir » au sens freudien du terme.
Etant arrivé à un point de saturation, pour lui en tout cas, il décide de remonter dans le temps jusqu’à ces fameuses leçons de piano. C’est en suivant des cours auprès d’une lubrique professeure de piano que tout a pris sens. Le piano se révéla être sa raison de vivre, celle de son existence, celle de sa vie propre.
Comment en est-il arrivé à refaire son chemin de vie en sens inverse ? Par le départ soudain de son épouse, un abandon inexpliqué alors qu’elle venait juste de donner naissance à leur fils Lawrence. Celle-ci a préféré écrire son roman plutôt que de se consacrer à son rôle de maman.
Nous sommes à un tournant de l’histoire, la veille de la catastrophe de Tchernobyl. La grande Histoire comme l’annonce l’éditeur, se mêle subtilement à celle de cet homme qui ne comprend plus pourquoi, malgré l’avancée en âge, il n’arrive toujours pas à rebondir lorsqu’un échec le touche. Pour y voir plus clair il décide de remonter le temps et c’est ainsi qu’il se retrouve projeté en arrière, jusqu’à ses douze ans.
En tirant sur le fil de la pelote, à savoir ce retour en arrière au temps des leçons de piano prises auprès de Miriam Cornell, puis l’émergence de son amour pour Alissa, sa femme, celle qui lui a fait aimer la littérature, il va pouvoir progresser. Progresser jusque’à retrouver le moment où il s’est trompé, où il a fait un choix différent de ce que son âme avait découvert, de ce que son coeur avait eu l’immense chance de vivre, la passion.
Les renonciations conscientes de Roland concernant sa séductrice sont longuement étayées par l’auteur. Il fait bien la différence entre les êtres qui sont conscients de leurs décisions et ceux qui enterrent le « moche » jusque’à ce qu’il leur éclate à la figure et qu’ils n’arrivent plus à s’en dépêtrer.
Volontairement je n’en dirai pas davantage, afin de ne pas dévoiler la leçon de vie que Ian McEvan nous donne. Je crois pouvoir dire que nous sommes nombreux et nombreuses à avoir dirigé nos vies comme Roland et pas comme Alissa. Sans amertume nous mettons nos vies sur des rails, piétinant nos désirs profonds au profit de la paix des familles.
Pas plus d’étoiles car trop de longueurs pour moi, trop de lenteur, et ceci même si l’écriture est intéressante. Le sujet était certes fort mais l’auteur s’est éternisé à tourner et retourner vers le passé. La psychanalyse était lente à l’accouchement dirais-je.
Citations :
« Or il y avait cette essence que chacun oublie quand un amour s'éloigne dans le passé - comment c'était, quel effet cela faisait et quel goût cela avait d'être ensemble seconde après seconde, heure après heure, jour après jour, avant que tout ce qui allait de soi n'ait été rejeté, puis recouvert par la réécriture du dénouement, et ensuite par les défaillances mortifiantes de la mémoire. »
« Les liaisons et les mariages depuis longtemps terminés finissent par ressembler aux cartes postales du passé. Quelques mots sur la météo, une anecdote, drôle ou triste, une photo ensoleillée au recto. Premier à disparaître, le moi insaisissable, précisément ce que l'on avait été soi-même, comment on apparaissait aux yeux des autres. »
« Je menais la même vie que ma mère, je suivais exactement ses traces. Quelques ambitions littéraires, puis l’amour, puis le mariage, puis un bébé, toutes les anciennes ambitions mortes dans l’œuf ou aux oubliettes, et devant moi un avenir prévisible. Et l’amertume. Ça m’a horrifiée. »
« Il hocha la tête et s'éloigna. Un homme adulte qui boudait ? Pathétique. Il changera d'avis et revint vers elle. ‘’je vais te raconter ton histoire. Tu voulais être amoureuse, tu voulais te marier, tu voulais un bébé, et tu as trouvé tout ça sur ton chemin. Et puis tu as eu envie d'autre chose’’. »
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