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Moby Dick, cette baleine légendaire dont, je pense, tout le monde a entendu parler, est une histoire de vengeance entre un homme et un cétacé.
Ishmael, le narrateur, semble vivre un perpétuel maelström intérieur tant sa pensée paraît ne jamais devoir s'arrêter. Il nous entraîne derrière lui dans sa recherche d'un embarquement, sa quête du grand large, dans la chasse à la baleine. Il nous instruit sur quantité de choses de cette époque ou de la Bible : Jonas et la baleine, l'histoire de Queequeg le harponneur cannibale et de son peuple, les Quakers nombreux à Nantucket, l'antiquité et ses empereurs, la chasse à la baleine en elle-même jusqu'aux confins du monde et l'économie qu'elle a généré, la psychologie des différents membres d'équipage et leurs origines multiples… il semble que les connaissances d'Ishmael soient infinies, y compris en cétologie et tant d'autres sujets encore. Il nomme très souvent les gros cétacés du nom de Léviathan, ce qui ajoute de l'effroi au mystère des profondeurs. Ses références à la bible sont nombreuses, voire omniprésentes.
Ce roman offre de vrais moments de magie et de féerie historique et aquatique, d'angoisses aussi car l'océan est terrifiant, et tellement beau qu'il incite à la rêverie par moments, loin du tumulte terrestre. Les descriptions faites des océans m'ont évoqué un univers tout entier, empli de mystères invisibles et de dangers ultimes prêts à jaillir à tout instant. Et pendant ce temps, on attend Moby Dick qui se fait désirer. Achab, le capitaine unijambiste du Pequod, a un compte personnel à régler avec la baleine blanche qu'il va poursuivre à travers les vastes océans de la planète, entraînant son équipage, empreint d'une ferveur absolue qui confinera à la folie, dans sa quête. À travers ce besoin de revanche il m'a semblé que Achab cherchait à défier Dieu lui-même, car nul doute que ces hommes en ces temps étaient profondément croyants. Lorsque soudain un jet apparaît à l'horizon, c'est le signe qu'il est temps d'aller à l'affrontement. Moi la terrienne que l'océan effraie autant qu'il fascine, je pense que ces hommes étaient fous d'une certaine façon. Et ces nobles cétacés, seigneurs des océans et de leurs profondeurs, comment se fait-il qu'ils n'arrivaient pas à échapper aux hommes ?
Après cette lecture on en sait beaucoup plus sur les baleines, cachalots et autres cétacés et de tous les usages que l'on peut tirer de leurs dépouilles, mais aussi sur les termes propres aux marins, tel la hune, le gaillard d'avant, le gaillard d'arrière et la place qu'occupe les différents membres d'équipage, mais aussi sur toutes sortes de représentations des baleines, des plus fantaisistes aux plus réalistes, mais aussi sur les vastes prairies de "brit" et le mystérieux grand "squid" vivant, mais aussi la ligne… mais aussi la chasse et le dépeçage, le spermaceti… tant de choses, cela semble sans fin.
J'imaginais, en commençant, lire une histoire furieuse de quête enragée dans les eaux tumultueuses des différentes mers…
Je dois bien dire que je ne m'attendais pas à ça, encore marquée par le film vu dans mon enfance avec un Gregory Peck impressionnant en Achab ténébreux, un Queequeg tout scarifié que j'avais beaucoup aimé, une gigantesque baleine blanche et bien sûr Ishmael. Or ce roman parle de tellement plus de choses, avec humour parfois, et poésie, - "Le chanvre est un gars au teint basané et sombre, une sorte d'indien, tandis que la manille est belle à regarder comme un Circassien aux cheveux d'or"-, tant d'intelligence et une érudition universelle, je l'ai adoré !!! Par certains aspects il m'a évoqué Vingt mille lieues sous les mers tant les connaissances que l'auteur prête à Ishmael, qui se dit pourtant analphabète, semblent infinies, voire encyclopédiques, tout comme celles de Jules Verne. Ce fut une belle découverte !
C'est la possibilité d'une LC avec huit autres fadas prêts pour l'aventure qui m'a définitivement convaincue de me lancer dans ce pavé qui me faisait un peu peur.
Alors, que du bonheur !?!?!... Presque ! J'ai souvent trouvé le temps long car ce roman est fait de très nombreuses digressions. Les chapitres ne sont quasiment que digressions. J'ai fini par trouver cela pesamment didactique et dès la page 450 j'ai eu hâte d'arriver au bout, par intermittence car certaines parties m'ont semblé interminables tandis que d'autre non : "Puisque j'ai entrepris de parler de ce Léviathan, il convient que je me montre capable d'épuiser complètement le sujet, jusque dans les plus petites cellules de son sang, et de le décrire jusqu'aux derniers replis de ses entrailles." (page 589)
J'ai l'impression d'avoir fait un marathon, à la nage, dans tous les océans…
Pourtant, quel roman ! Mais aussi, quels carnages chez les baleines !
J’ai envie depuis quelque temps de lire des classiques que je n’ai jamais lu et j’ai commencé par « Bartleby le Scribe » de Herman Melville.
Qui ne connaît pas « I would prefer not to » ?
Bartleby est un scribe qui travaille dans l’étude d’un homme de loi d’une soixantaine d’années, le narrateur de cette nouvelle.
À chaque fois que le narrateur demande à Bartleby un nouveau travail, celui-ci répond invariablement « je préférerais pas »…
Je ne vous en dirais pas plus et vous laisserais savourer ce tout petit texte…
En 1846, New York est en plein essor. Principale place financière du Nouveau Monde, c’est dans Wall Street que son cœur de futur mastodonte du capitalisme bat le plus fort.
Au beau milieu de cette ruche, le narrateur, directeur d’une étude juridique, engage un nouveau commis aux écritures, un jeune homme dénommé Bartleby. Conquis par son allure paisible « qui pourrait avoir un effet bénéfique sur l’humeur inconstante de Ladinde et le tempérament colérique de Lapince« , les deux autres scribes de l’étude, le directeur va pourtant bientôt déchanter. Bartleby est certes paisible, il fait son travail en toute discrétion dans son coin de bureau et donne toute satisfaction. Mais un jour, le rouage se grippe, Bartleby refusant d’effectuer la tâche demandée. « J’aimerais autant pas« , dit-il, la première d’une longue série de négations conditionnelles, dont il n’explique jamais les motifs, au grand désespoir de son patron qui le menace évidemment de licenciement. En vain. Bartleby ne travaille pas, ne bouge pas, ne s’exprime pas sauf pour refuser, il reste simplement là, comme un ancêtre humain de photocopieuse en panne qu’on aurait oublié d’emmener à la casse. Sauf qu’on ne peut oublier Bartleby tant sa présence est obsédante et pesante, au point de pousser son employeur à déménager son étude dans un autre immeuble – sans Bartleby, « cette silhouette – cadavériquement soignée, pathétiquement respectable, incurablement abandonnée« , qui reste sur place, accroché à ce qui était son bureau.
Quel est le sens de cette nouvelle de Melville ? Qui est Bartleby, pourquoi s’entête-t-il à refuser de faire ce pour quoi il est pourtant payé ? Se trouverait-on face à un cas de résistance passive à l’autorité et à un travail abrutissant où l’employé n’est qu’un pion dans le grand jeu capitaliste ? C’est ce que pensent les traducteurs de l’édition Libertalia (2020) de Bartleby. Pour eux, ce texte serait « la critique subtile mais radicale d’un système économique, social, politique, moral, né aux alentours des années 1840, à Wall Street, et de son esprit« . Melville aurait ainsi décrit « le monde de la start up nation ; des travailleurs surnuméraires, atomisés, surveillés, uberisés ; des managers non plus paternalistes mais amis ; le monde des bullshit jobs, ces travaux inutiles décrits par David Graeber, de l’open space et de la transparence ; un monde à la fois impersonnel et vide, dématérialisé et pétrifié, dans lequel toute issue ne débouche que sur des impasses et où toute forme de résistance est criminalisée« . Pas étonnant, selon eux, que « I would prefer not to ait pu servir de slogan, en 2011, aux manifestants du mouvement Occupy Wall Street« .
Peut-être. Mais pour moi le mystère demeure, ne serait-ce que parce que le point de vue de Bartleby ne nous est jamais donné. Je me contenterai d’y voir une fable absurde et kafkaïenne à propos d’un homme entêté, malade peut-être, qui s’isole, sans raison… rationnelle, d’un monde auquel il n’est sans doute pas adapté. Entre agacement et compassion face à ce personnage inaccessible, un texte drôle et intrigant qui laisse au bord d’un sentiment de malaise et au seuil de multiples interprétations.
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