Les meilleurs albums, romans, documentaires, BD à offrir aux petits et aux plus grands
Nous voilà à suivre une année durant, au rythme des saisons, la vie d'un auteur qui peine à écrire sur sa vieille machine Olivetti dont on ne trouve plus très facilement les rouleaux encreurs.
Nous observons avec l'auteur les paysages changeants au fil du temps, les couleurs du ciel, la vie dans ce village d'Islande, les sorties au bar ou les courses alimentaires. Une vie de solitude, visiblement choisie, au cours de laquelle l'auteur va s'isoler encore plus ne répondant même plus au téléphone. C'est à la fois long et bon, une certaine langoureuse douceur, un peu d'humour avec une lettre récalcitrante, la vie qui s'écoule tranquillement, pas de mélancolie, pas de nostalgie, juste les jours et les saisons qui passent. Un livre reposant.
Le personnage de ce roman est tiraillé par son obligation de mots et son désir de sons. Il gagne de l’argent en écrivant des textes publicitaires, là où les mots perdent leur sens pour pousser à la consommation. Il est en écoute permanente du monde, faisant de chaque bruit les germes d’une création musicale. Jonas veut mettre en musique le monde, son désarroi, sa tristesse. Il donne à la musique une place particulière que l’auteur, grande plume de la littérature islandaise, traite à une certaine distance. Il n’explique pas les théories de Jonas sur la musique mais précise la place primordiale qu’elle occupe dans sa vie. Dans l’histoire, Jonas s’éloigne du monde, prend de la distance, dézoome sur sa vie en espérant de l’apaisement. Il devient un observateur des autres, passant par les sons uniquement. Il écoute les chants des oiseaux, écoute de la musique, reçoit des coups de téléphone. On assiste alors à un certain décrochage d’un homme de sa vie. Ce roman est la description d’une dérive. Ce n’est en rien tragique bien que l’auteur pointe les endroits douloureux chez Jonas. Il s’en veut, reconnaît ses failles et tente de trouver le réconfort. Les mouvements émotionnels des personnages sont saisis discrètement, montrant la simplicité d’une rupture et ses conséquences profondes. L’auteur n’appuie pas là où cela fait mal, n’ajoute pas dans le mal-être. Il montre des déséquilibres, des pertes de sens et les prémices d’une recherche d’un être vers son propre centre de gravité.
« Requiem » de Gyròir Eliasson est une noria d’oiseaux en plein vol. Un lâcher de crayons de couleur. Requiem, l’olympien musical.
« Je suis venu dans la maison pour composer de la musique ».
Jònas quitte Reykjavík, la distance insistante, prévisible, l’est de l’Islande, soupape de sécurité. Un village berceau, musical, l’antre de l’oncle de sa femme d’Anna. Matrice, repli, approuver la sérénité d’un lieu offrande, le calme d’une solitude cruciale. Fuir le monde d’avant, la finitude relationnelle avec Anna, chute libre, le silence n’est pas la panacée. Jònas est son, collecteur des syllabes musicales. Publicitaire côté ville, il nomme les paraboles, cherche l’image qui fusionnera, loin du bureau où ses sens s’égarent dans les méandres et les angoisses intestines. Maintenant, il est ici. En assise dans son initiation, les épreuves telles des vents contraires, cueillir les sons de la vie.
« Je ferme donc le carnet, acceptant de terminer la création musicale du jour sur des notes sombres, dans l’attente que le soleil resurgisse de ces nuages musiciens. »
Jònas déambule dans le village, apprivoise les hôtes, regards et petites attentions, repeindre la barrière de sa maison-grotte, chef-d’orchestre , ses pensées alignées, dignes, dans l’orée du temps présent. Les petits gestes du quotidien, pain pour la faim, l’eau pour la soif, poésies subliminales. D’un bruit surgit l’onde de choc, l’ode des souvenirs, les échappées d’un existentialisme aux abois.
« Chaque fois que je le joue sur le web, ce qui arrive rarement en fait, je vois la vieille femme tourbillonner dans sa robe fleurie sur le plancher de la cuisine, tel un papillon amiral aux ailes brisées. »
L’ère des petits riens à l’instar d’Amélie Poulain , de Philippe Delerm, le microcosme qui pourvoit au moindre bruissement. Des musiques qui encensent l’exaltation avec soi-même. Jònas est dans cette croisée des chemins, sensible à autrui. Lui, celui qui n’est pas du village mais va à l’enterrement du Moustachu, un devoir de respect, la gamme fédératrice et fraternelle.
« C’est drôle que la mort de quelqu’un puisse faire en sorte que l’on se se sente pas bien, alors que de son vivant on ne lui avait guère prêté attention. »
Jònas aime les carnets moleskine, doués à l’annonce de la parole de la nature, des objets, et des rappels pavloviens. Ils sont l’orchestre de son émancipation. Jònas au beau prénom qu’on aime de toutes nos forces. Ses fragilités, ses errances et les mélodies altières qui ne sont que son propre cœur qui bat et « s’éveille à l’idée d’un petit air pour violon et boîte de café. »
Ce livre bleu nuit requiem et chapelle est un parchemin salvateur.
Après Au bord de la Sandá (2018) et La fenêtre au sud (2020) Requiem complète sa trilogie sur la solitude et la création artistique. »
Ce livre qui peut se lire indépendamment est une merveille d’apaisement et de complétude. La solitude, un feu de cheminée dont chaque crépitement est requiem. Traduit à la perfection de l’islandais par Catherine Eyjólfsson. Publié par les majeures éditions La Peuplade qui prouvent une nouvelle fois une haute qualité éditoriale.
Nous sommes au printemps, un écrivain, seul au bord de la mer, nous raconte ses journées, comment il essaie d’avancer dans l’écriture de son roman. Il écrit aussi des poèmes de temps en temps.
Il refuse d’utiliser un ordinateur et tape à la machine à écrire avec un ruban usé. Si usé que les lettres sont presque invisibles.
Il habite à Reykjavik mais préfère écrire dans cette maison près de la mer, prêté par un ami.
Il reçoit de temps en temps des coups de fil de sa sœur, de sa mère, de son éditeur ou du propriétaire de la maison, mais laisse souvent son téléphone éteint. Il faut dire qu’il est assez solitaire et renfermé. C’est un homme assez atypique, intrigant.
On dirait qu’il fuit une femme, une histoire d’amour malheureuse. Il tape de longues lettres « à celle qui me tient à cœur » mais ne les poste jamais. Et quand il en reçoit, il les brûle directement sans les lire.
En allant faire ses courses au village, il rencontre un homme :
« - T’es écrivain ?
- Faut croire.
- Les écrivains sont des bons à rien.
- Tout à fait.
- Absolument nuls.
- Je ne saurais mieux dire. »
« Il me regarde, stupéfait que j’acquiesce à ses propos. J’ignore pourquoi il s’est senti obligé de me dire ce que j’ai toujours su. »
Quand il se rend au café ou à la librairie, c’est aussi l’occasion de scènes décalées et drôles.
Les chapitres sont entrecoupés de titres de journaux, comme par exemple sur les attentats de Kaboul.
Il parle de temps en temps de son enfance ou de ses parents. On devine à demi-mots certaines choses.
Il s’agit donc d’un roman lent, où il ne se passe pas grand-chose, si ce n’est les saisons qui défilent et modifient le paysage et les habitudes de l’écrivain. Si vous aimez la poésie et les beaux paysages, la nature, il devrait vous plaire.
Ce livre fait partie d’un triptyque sur la solitude. Le premier roman de ce triptyque paru en 2019, que je n’ai pas lu, est « Au bord de la Sanda ».
Gyrdir Eliasson est un romancier et poète islandais, bref tout ce que j’aime !
« L’encre s’épuise, l’écrivain tapera bientôt blanc sur blanc, traversant la page comme on marche dans la neige. »
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